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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
En marge des blockbusters
Programme cent pour cent viennois pour le deuxième et dernier concert des Wiener Philharmoniker cette saison au Théâtre des Champs-Élysées. Beaucoup plus passionnant dans une 2e symphonie de Bruckner menée avec un superbe sens de la progression dramatique que dans une 99e symphonie de Haydn compassée, Riccardo Muti avait tablé sur deux pièces hors des sentiers battus.
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L'œil séducteur, le sourire latin-lover, la morgue naturelle, le cheveu toujours aussi impeccablement peigné, la gestique d'une élégance racée, Riccardo Muti semble défier les ans. Très aimé à Paris, il récolte comme de coutume une véritable ovation, agrémentée de quelques fleurs. Le Napolitain, la démarche imperturbable, le dédain fier, ne cédera pourtant en rien à son refus habituel de donner le moindre bis. On ne badine pas avec le bel Maestro !
Voilà presque quarante ans qu'il dirige avec la plus constante régularité les Wiener Philharmoniker, notamment dans le répertoire classique, remettant cent fois sur le métier symphonies de Mozart comme de Haydn, qu'en dernier représentant de la tradition viennoise, il conduit avec un sens inné de la respiration, du beau chant, de la souplesse, de la rondeur à tout prix.
Si l'on en juge par l'exécution de ce soir, l'esprit pince sans-rire de Haydn lui convient toutefois moins que la mélancolie sous-jacente de Mozart. Irréprochable dans sa construction, d'une bien sonnance jamais prise en défaut, dénuée de toute trace de mauvais goût, sa lecture de la 99e symphonie, l'une des moins jouées des Londoniennes, pècherait plutôt par un excès de confort, une absence de surprise que savaient éviter les grands haydniens du passé.
L'humour, notamment, y est à peine perceptible par abus de prudence, Muti semblant retenir de Haydn en priorité la perruque, poudrée jusqu'à la dernière frisette. Pour autant, impossible de nier la perfection orchestrale, le galbe idéal des cordes viennoises – même si l'incorrigible Konzertmeister Rainer Küchl se sent à nouveau obligé de jouer plus fort que ses collègues du rang –, la ductilité de ces bois en lumière tamisée. Du grand art, assurément.
Fermeté rythmique
Si ce Haydn sonnait apprêté sinon en âpreté, le chef italien trouve pour la rare 2e symphonie de Bruckner – version écourtée de 1877, avec le malheureux transfert du solo de cor à la clarinette à la fin de l'Andante – des accents et une pâte sonore idéalement dosés entre rondeur et rudesse. Les deux premiers mouvements, notamment, s'épanouissent avec une sidérante évidence : tempi jamais empesés, fermeté rythmique, en particulier dans les répétitions et les crescendi, gérés d'une main de maître, et toujours un lyrisme des cordes à faire fondre le plus récalcitrant des brucknérophobes – et ils sont encore nombreux de ce côté-ci du Rhin !
Si à notre sens, les deux derniers mouvements manquent par instants d'acuité et de tranchant – essentiellement le Scherzo, un peu enflé quoique jamais émollient – les progressions sont toujours admirablement menées, parfois même avec une poigne dans la plénitude des tutti digne des grands brucknériens – le thème au sommet du premier crescendo du Finale.
Assez notoirement rajeunie – le renouvellement des musiciens, déjà patent depuis une dizaine d'années, a tendance à s'accélérer avec le départ à la retraite des natifs du baby-boom –, la Philharmonie de Vienne se montre inapprochable dans ce répertoire qui est son arbre généalogique. Chaque appel de trompette, chaque envolée des cors, chaque solo de bois est doté d'un soin infini dont la beauté purement plastique n'a d'égal que le juste impact dramatique.
Une superbe réussite à l'actif d'un Riccardo Muti qui sait, au sein de la production des compositeurs piliers, mettre en valeur les symphonies en marge des blockbusters.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 10/04/2008 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie n° 99 en mib majeur (1794)
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 2 en ut mineur, A. 93 (1872)
Version de 1877, Ă©dition Nowak
Wiener Philharmoniker
direction : Riccardo Muti | |
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