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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Pierre Boulez à la salle Pleyel, Paris.
En attendant la rupture
Avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris et pourtant dans son répertoire de prédilection, Pierre Boulez propose à la salle Pleyel une lecture fluide mais moins aboutie qu’à l’accoutumée de l’Adagio de la 10e symphonie de Gustav Mahler, des Altenberg Lieder d’Alban Berg et du Pelléas et Mélisande d’Arnold Schönberg.
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Depuis presque cinquante ans, outre la musique de son temps, Pierre Boulez explore, en tant que chef d’orchestre, l’œuvre des grands viennois du tournant du XXe siècle, prenant de manière plus systématique et rigoureuse le relais de ses prédécesseurs Hans Rosbaud, Hermann Scherchen ou encore Jascha Horenstein.
Le contenu du programme donné salle Pleyel répond parfaitement à ces correspondances dont l’auteur du Marteau sans maître est coutumier entre des compositeurs qui au demeurant s’appréciaient, se fréquentaient ou s’influençaient. Encore sous l’emprise du chromatisme wagnérien et de la démesure, ils allaient opérer avec Schönberg la révolution copernicienne de la série, véritable rupture qui marquera et marque encore, plus que toute autre fracture politique ou économique, l’esthétique d’aujourd’hui.
En ouverture de concert, l’Adagio de la 10e symphonie de Mahler – seul mouvement entièrement achevé et orchestré d’une partition en gestation à la mort du compositeur – répond par son côté prophétique à ce que sera la musique à venir. Paradoxalement, Boulez ne semble pas tirer le meilleur parti de l’Orchestre national de l’Opéra, que l’on a connu autrement plus convaincant en janvier sous la baguette de Christoph von Dohnányi.
Les cordes ne forment pas un tissu homogène, malgré la belle sonorité des altos et du premier d’entre eux Laurent Verney, et la conception de Boulez, confrontée au souvenir de celle de Bernstein et de Szell, voire de la sienne avec l’Orchestre de la BBC, paraît assez monocorde et surtout sans tension face à cet épilogue tragique par-delà la vie et la mort.
Dans les Altenberg Lieder de Berg qui provoquèrent à leur création un scandale et surtout l’attaque en règle de Schönberg face à l’incapacité de son disciple « à écrire autre chose que des miniatures », la subtilité, la finesse de timbre, le sens de l’ellipse mais aussi de l’arche retrouvent leur droit de cité sous la baguette du Maître.
La voix fine et sensible de Laura Aikin, peu audible aux dires du public du deuxième balcon, ne peut se comparer à celle plus corsée et surtout mieux projetée des interprètes de légende – Margaret Price dans le même registre et dans celui de mezzo Brigitte Fassbaender.
En seconde partie, le Pelléas et Mélisande de Schönberg réconcilie avec la manière boulézienne de rendre clair ce qui pourrait être touffu, lumineux ce qui pourrait être opaque, évident ce qui pourrait être complexe. La direction, sans jamais pourtant se départir de sa précision proverbiale, laisse suffisamment de liberté aux instrumentistes pour s’exprimer.
Malgré la qualité discursive de la conception, le refus d’une tradition expressionniste postromantique – par exemple celle très convaincante de Barenboïm en avril à la Philharmonie de Berlin –, le sens de l’analyse, si parfait soit-il, fait parfois perdre de vue la flamme de ce poème symphonique au profit de la vérité crue d’une intelligence supérieure. Toutefois, à ce moment de son histoire personnelle, Schönberg n’était-il pas, comme il le prétendra plus tard « ce conservateur qu’on a forcé à devenir révolutionnaire » ?
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Salle Pleyel, Paris Le 06/06/2008 Michel LE NAOUR |
| Concert de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Pierre Boulez à la salle Pleyel, Paris. | Gustav Mahler (1860-1911)
Adagio de la Symphonie n° 10 en fa# majeur (1910)
Alban Berg (1885-1935)
Altenberg Lieder (1912)
Laura Aikin, soprano
Arnold Schönberg (1875-1951)
Pelléas et Mélisande, poème symphonique, op. 5 (1905)
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Pierre Boulez | |
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