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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Requiem de Berlioz sous la direction de Sir Colin Davis au festival de Saint-Denis 2008.
Grandeur et dépouillement
Berliozien devant l’Éternel, Sir Colin Davis a levé les orages désirés du Requiem dans le vaisseau de la Basilique de Saint-Denis, à la tête d’un Orchestre national de France conquis par la direction tour à tour recueillie et dramatique du chef britannique. Un événement rehaussé par la très belle prestation du ténor Marc Laho dans le Sanctus.
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À l’écoute, dans la Basilique de Saint-Denis, de la Grande Messe des Morts exécutée quasiment dans la configuration souhaitée par Berlioz à la création de l’œuvre le 5 décembre 1837 en l’Église du Dôme des Invalides, l’impression de plénitude préside. Sir Colin Davis, qui a tant fait outre-Manche pour imposer l’image d’un compositeur encore maudit dans l’Hexagone, sait de quoi il parle quand il dirige le Requiem. Ne déclare-t-il pas lui-même que c’est en écoutant l’œuvre de Berlioz qu’il a décidé de devenir chef d’orchestre comme d’autres un jour ont fait vœu d’entrer en religion ?
Claude Ballif, dans son excellent essai (Berlioz, Solfèges), émet des doutes sur le mysticisme d’un compositeur plus porté à l’histrionisme qu’aux excès de foi : « Berlioz est l’exemple d’un musicien (profane) qui sait admirablement son métier, et malgré son indifférence religieuse (affirmée), il se sent attiré malgré lui à exercer ses dons pour illustrer un texte religieux et commenter son mystère ». De là à dire qu’il « médite symphoniquement », il n’y a qu’un pas que Colin Davis ne franchit point.
En effet, sa vision est finalement, dès le Kyrie, d’un grand classicisme, elle ne craint pas les élans de démiurge – les groupes de cuivres de part et d’autre de l’orchestre créent un dialogue impressionnant de démesure dans le Tuba mirum et le Lacrymosa –, mais est animée par un souffle souvent méditatif – les Chœurs de Radio France appuyés par ceux de l’Académie Sainte-Cécile souffrent, prient avec une splendeur déchirante et bouleversante d’émotion contenue dans le Quaerens me, l’Hostias, et l’Agnus Dei.
Loin d’un romantisme déchaîné (celui de Munch ou de Bernstein) ou d’une transfiguration subjective (celle de Scherchen), le chef britannique, que l’on a connu souvent sur son quant-à -soi, libère dans le Requiem une énergie toujours domptée – la mise en valeur des plans sonores, la gradation des nuances des pianissimi les plus ténus aux fortissimi les plus éclatants. La battue, réduite à l’essentiel mais d’une efficacité redoutable, provoque une implosion par l’austérité de la démarche et la noblesse de ce qui dévient in fine un cérémonial funèbre.
L’Orchestre national, porté par cette conception si intense et si aboutie – on passera rapidement sur quelques décalages à la fin du Dies irae ou de l’Hostias inhérents aux conditions du concert –, répond à toutes les sollicitations avec un engagement de tous les instants – les pupitres de cordes dans l’Offertoire sont en lévitation. Le ténor belge Marc Laho (qui remplace Sébastien Guèze) triomphe quant à lui par la franchise de sa voix dans un Sanctus aérien et élégiaque.
« Toutes les grandes lectures sont une date dans l’existence » écrivait Lamartine dans ses Cours familiers de littérature. À l’évidence, celle que Sir Colin Davis a donné du Requiem de Berlioz a valeur d’évidence et constitue même un moment inoubliable de l’histoire de l’interprétation.
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Basilique, Saint-Denis Le 13/06/2008 Michel LE NAOUR |
| Requiem de Berlioz sous la direction de Sir Colin Davis au festival de Saint-Denis 2008. | Hector Berlioz (1803-1869)
Requiem (Grande Messe des Morts) op. 5 (1837)
Marc Laho, ténor
Chœur de Radio France
Coro dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Rome
direction : Morten Schuldt Jensen
Orchestre national de France
direction : Sir Colin Davis | |
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