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CRITIQUES DE CONCERTS |
18 décembre 2024 |
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Récital de Rolando Villazón et Juan Diego Flórez dans la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Bizarre, bizarre…
Ultime concert de la saison des Grandes Voix, cette rencontre Rolando Villazón-Juan-Diego Flórez qui s’est déroulée au Théâtre des Champs-Élysées dans un délire public permanent laisse assez perplexe, particulièrement devant la fatigue vocale de plus en plus évidente du grand Rolando. Et si ce type de récital était tout simplement une fausse bonne idée ?
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Avant toute analyse plus détaillée de ce programme hétéroclite et de son interprétation, plusieurs évidences s’imposent. La première est que désormais, le public qui vient à ces concerts et emplit totalement le Théâtre des Champs-Élysées est d’emblée décidé à tout acclamer avec la même ferveur, qui touche d’ailleurs au délire collectif.
Qu’il s’agisse d’un air d’opéra sublimement chanté ou d’un autre grand air nettement moins bien servi ou encore d’une chansonnette sud-américaine d’un intérêt relatif voire proche d’une musique de bastringue, ce sont les mêmes cris d’enthousiasme, sans l’ombre d’une nuance, on dirait volontiers sans l’ombre du moindre discernement. Tant mieux pour ceux qui retirent un tel bonheur de leur soirée, mais est-ce bien raisonnable d’entrer sans la moindre distance dans ce jeu idolâtrique d’ailleurs typique du public français en général et parisien en particulier ?
Deuxième évidence, celle-là positive, il n’est pas fréquent d’entendre dans ce genre de concerts un ensemble orchestral de la qualité du Prag Philharmonia dirigé avec goût et un véritable investissement par le jeune chef italien Michele Mariotti. Un nom à ne pas perdre de vue. Troisième évidence, la moins agréable à mentionner, la voix de Rolando Villazón est actuellement toujours dans un certain désordre que la comparaison avec l’insolente santé de celle de Juan Diego Flórez ne fait que rendre plus évident.
La qualité du timbre a toujours sa séduction, l’engagement total du chanteur est toujours aussi physique et sa générosité aussi débordante. Mais les notes forcées, les sons qui basculent en arrière, quelques aigus habilement esquivés mais esquivés quand même, d’autres inutilement criés alors que la musique ne le demande nullement – mais n’est-ce pas un manque de contrôle des sons piano ? – ne sont pas du grand Villazón.
Inutile de se leurrer. L’artiste garde son impact sympathique, même s’il en fait toujours des tonnes côté séduction du public, mais il doit de toute urgence repenser les bases de son émission, ou bien changer un peu de répertoire, ou bien se reposer. Il est certainement autour de lui des conseillers aptes à lui dicter les bonnes solutions. À lui de les écouter plutôt que les habituels flatteurs qui, dans ce genre de situation, fleurissent autour d’un artiste et ne lui disent que ce qu’il souhaite entendre.
Faut-il présenter comme une quatrième évidence le côté assez incongru du programme ? La seconde partie, consacrée à des chansons latino-américaines, se situe dans une tradition ancienne qui veut que ces grands ténors hispaniques ou italiens célèbrent le chant populaire de leurs pays. Admettons, mais on peut aussi trouver cela frustrant d’entendre deux voix pareilles dans ce type de répertoire, pendant un demi-concert. Villazón en faisant trop dans l’agitation gestuelle, Flórez n’en faisant pas assez, cela ne fonctionne pas, de loin, aussi bien que les expériences d’Alagna, par exemple, dans la même logique.
Alors, que reste-t-il à sauver sans réserves de cette soirée ? Un moment sublime, d’abord, avec l’air de Roméo du Roméo et Juliette de Gounod, Ah, lève toi soleil !, chanté par Flórez : diction parfaite, phrasé de rêve, musicalité de chaque instant, avec une manière de dérouler la phrase totalement naturelle, sur la pointe de la sensibilité.
Et puis, sûrement, le duo de Rodrigo et Otello de Rossini, où, bien que ce soit pas dans l’agilité que Villazón ait établi sa réputation, il rivalise vaillamment avec Flórez dans cet affrontement d’ornements. On songe à ces grands moments de duos romantiques de bravoure dont nous gratifièrent jadis certaines divas de première grandeur, comme Caballé et Horne dans Sémiramis ou Callas et Cossotto dans Norma.
C’est à ces moments-là que le public aurait dû réserver ses acclamations les plus frénétiques, au lieu de les distribuer aussi linéairement après chaque numéro du programme. Ajoutons aussi, pourquoi pas, l’air du Cid de Massenet, où Villazón déploie toujours une ardeur dont l’intensité reste efficace malgré les difficultés vocales latentes.
Une ultime question. Pourquoi diable, en bis, Flórez a-t-il choisi de chanter son air fétiche de la Fille du régiment en italien et non en français ? Une bizarrerie de plus dans ce concert, d’autant qu’on l’a entendu le chanter mieux que cela… en français justement.
La prochaine saison des Grandes voix s’annonce des plus exaltantes, avec les habitués, bien sûr, mais certains nouveaux venus de toute première grandeur, comme la soprano Nina Stemme et le ténor Jonas Kaufmann, ou les duos Hvorostovsky-Kissin et Villazón-Terfel, pour ne citer que quelques titres dans une liste qui fait rêver !
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 08/07/2008 Gérard MANNONI |
| Récital de Rolando Villazón et Juan Diego Flórez dans la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Bellini, Gounod, Massenet, Rossini, Ponce, Grever, Lara, Gardel et Le Pera, Gimenez, et un Medley Latino americano
Juan-Diego Flórez et Rolando Villazón, ténors.
Prag Philharmonia
direction : Michele Mariotti | |
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