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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise des Maîtres chanteurs de Wagner dans la mise en scène de Katharina Wagner et sous la direction de Sebastian Weigle au festival de Bayreuth 2008.
Bayreuth 2008 (2) :
Wagner est mort ; vive Wagner !
La fin d’une ère : les Meistersinger de Katharina Wagner succèdent depuis 2007 à ceux de Wolfgang, en même temps qu’elle prend sa suite à la tête du festival. Si la scène peut donner matière à discussion, la médiocrité du plateau est en revanche sans appel, confirmant la nécessité urgente de constituer sur la Colline de véritables forces musicales.
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Si l’opéra n’était qu’affaire de concept, sans doute assisterions-nous à un spectacle d’une exceptionnelle qualité, car s’il est une chose dont Katharina Wagner ne manque pas, c’est bien d’idées. La future maîtresse des lieux connaît à fond sa critique de l’art institutionnalisé, du conservatisme, et doit en effet avoir de bonnes raisons de vouloir brûler Papa pour trouver sa place d’artiste.
Ses Maîtres chanteurs se passent donc dans un musée où sont conservées les gloires passées de la culture, bustes, tableaux, instruments de musique. Walther vient consteller de graffitis impertinents ce ramassis de reliques vénérées et poussiéreuses, et cette poussée de jeune sève finit par métamorphoser un Beckmesser austère et professoral en défenseur lucide et créatif du Perform Art, peut-être finalement le seul personnage sincèrement artiste en fin de compte, tandis que Stolzing se livre au final à un sketch cucu la praline dont raffole le public de Nuremberg.
Le mot de la fin est à Sachs, qui après avoir défendu une créativité très bobo – en faux négligé, pieds nus dans son loft immaculé, tapant sur une « vieille » machine à écrire flambant neuve – et s’être livré à un autodafé des gloires éphémères de la musique, fait une apologie sinistre et fanatique de la tradition.
Des concepts donc, et des idées, qui malheureusement durent longtemps mais tournent court. On souffrira ainsi d’une insistance appuyée sur la synesthésie des enjeux de l’opéra : a-t-on besoin de voir systématiquement Walther un pinceau à la main quand il s’essaie au bar pour comprendre qu’il en est de même de tous les arts ? Peut-on ne pas se lasser de le voir écrire partout des devises vagues, jusque sur la robe d’Eva ? Du coup, certains gags par ailleurs très drôles et remarquablement réussis en deviennent redondants.
Mais le plus gros écueil scénique est le sacrifice de tout contenu de l’œuvre à la seule problématique : les personnages – exception faite de Beckmesser et Sachs, chantres du rôle de l’art dans la société – n’ont aucune consistance psychologique, et l’amour notamment est tout à fait évacué de la scène.
Il ne reste qu’un spectacle conceptuel, une sorte de démonstration épurée sur l’art, la corruption qu’implique le succès, la bêtise du public. Mais ce théâtre décharné, s’il a le mérite de faire mouche au niveau des idées – les masques de compositeurs du passé créent un malaise particulièrement troublant –, reste d’une redoutable inefficacité pour rendre justice à une œuvre plus complexe, plus ambiguë et surtout plus humaine.
Un plateau très faible
Si encore les forces musicales étaient à la hauteur ! Mais à l’exception du très charmant Walther de Klaus Florian Vogt, timbre argenté et jeunesse angélique, auquel, dans le capharnaüm ambiant, on ne reprochera ni une déclamation limpide mais quelque peu neutre ni un phrasé évanescent qui restitue mal son amour pour Eva naissant, la distribution alterne l’honnête – Norbert Ernst, David sans histoires et Michael Volle, sans la aigu mais avec de l’abattage et une grande intelligence du texte rachetant un timbre noir discutable dans le rôle –, l’insipide avec les Maîtres et Magdalene, et surtout l’indigne : si Friedemann Röhlig commet un Veilleur de nuit faux et tassé à plaisir, la palme de l’épouvante revient sans doute à Michaela Kaune, dont l’Eva abominable du premier acte surnage dans la simple médiocrité aux suivants, parvenant tout de même à effrayer au II un volatile égaré qui avait eu la mauvaise idée de venir nicher dans les cintres.
De son côté, Franz Hawlata se débat dans un rôle constamment au-dessus de ses moyens, dépassé par les événements du début – d’émission très inégale – à la fin – on guette avec angoisse le moment des deux derniers monologues où il va jeter l’éponge. Il n’est plus qu’à Sebastian Weigle d’enfoncer le clou à grands coups de sa baguette pâteuse et épaisse, écrasant sans faillir le plateau dans une pesanteur dépourvue d’humour et un son bien compact pour tenir un naufrage lyrique très assumé, et dont on nous annonce fièrement la parution avant la fin de l’année en DVD !
Lien :
La première du spectacle en 2007.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 15/08/2008 Thomas COUBRONNE |
| Reprise des Maîtres chanteurs de Wagner dans la mise en scène de Katharina Wagner et sous la direction de Sebastian Weigle au festival de Bayreuth 2008. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg, comédie en trois actes (1868)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Sebastian Weigle
mise en scène : Katharina Wagner
décors : Tilo Steffens
costumes : Michaela Barth & Tilo Steffens
Ă©clairages : Andreas GrĂĽter
préparation des chœurs : Eberhard Friedrich
Avec :
Franz Hawlata (Hans Sachs), Artur Korn (Veit Pogner), Charles Reid (Kunz Vogelgesang), Rainer Zaun (Konrad Nachtigall), Michael Volle (Sixtus Beckmesser), Markus Eiche (Fritz Kothner), Edward Randall (Balthasar Zorn), Hans-Jürgen Lazar (Ulrich Eisslinger), Stefan Heibach (Augustin Moser), Martin Snell (Hermann Ortel), Andreas Macco (Hans Schwarz), Diógenes Randes (Hans Foltz), Klaus Florian Vogt (Walther von Stolzing), Norbert Ernst (David), Michaela Kaune (Eva), Carola Gruber (Magdalene), Friedemann Röhlig (Ein Nachtwächter). | |
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