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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Récital du pianiste Fou Ts’ong au festival Piano aux Jacobins 2008 de Toulouse.
Le piano du cœur
Les apparitions de Fou Ts’ong se comptent sur le doigt de la main. L’entendre jouer avec un tel naturel et une telle simplicité Mozart, Haydn, Chopin et Schubert en ouverture du Festival Piano aux Jacobins à Toulouse est une aubaine et un partage incomparables. Le plaisir rare d’avoir affaire à un artiste éminemment personnel et habité.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Lorsqu’il remporta en 1955 le Troisième Prix, juste derrière Askhenazy, au Cinquième Concours Chopin de Varsovie, avec en prime celui des Mazurkas, le jeune pianiste chinois Fou Ts’ong, premier asiatique à se hausser à ce niveau dans une compétition internationale, s’attira non seulement la sympathie du public, mais fit aussi sensation, selon Bernard Ringeissen (le Quatrième Prix), par la maîtrise de son jeu personnel et envoûtant.
Ce fils de mandarin né à Shanghaï en 1934, formé par son père philosophe et traducteur à la lecture de Voltaire, Balzac ou Gide, était déjà en possession d’une solide culture et un fin connaisseur de la musique occidentale apprise en Chine auprès du pianiste italien Mario Paci. Depuis cinquante ans, installé en Angleterre, proche de la famille Menuhin – il a d’ailleurs gravé le Concerto pour trois pianos de Mozart avec Hephzibah et Jeremy –, il est une légende du piano dont les interprétations de Mozart, Debussy et bien sûr Chopin sortent des sentiers battus. Des enregistrements, à la distribution très éphémère dans l’Hexagone, en portent témoignage.
À 74 ans, il n’a rien perdu de cette étrangeté, de cette symbiose avec le clavier, même si les rhumatismes l’obligent désormais à porter des mitaines qui ajoutent encore à l’originalité de sa personnalité à la fois humble et noble. Dès son apparition sur scène, une espèce de magnétisme se dégage : la Fantaisie en ré mineur de Mozart ne ressemble à rien d’autre. Empoignée avec autorité, d’esprit fantasque, l’œuvre, du coup, prend un caractère improvisé qui peut déranger le rationalisme cartésien mais ne laisse en aucun cas indifférent par la charge poétique et le pouvoir d’imagination.
Avec les deux sonates de Haydn d’une seule coulée comme si elles constituaient un tout, le même sentiment domine. Sans jamais effleurer les touches, les nuances, le chant, le prix apporté à la qualité du timbre se détachent alors que l’interprète pénètre, par son jeu incisif, au plus profond du clavier. La 47e sonate en si mineur, plus encore que la 34e sonate en ré majeur, devient dans la semi-obscurité un théâtre d’ombre et de lumière avec une précision de construction seulement contrariée par le caprice du dessin poétique.
Un magicien des couleurs
Dans les deux Nocturnes op. 62 de Chopin, Fou Ts’ong est à son affaire. Magicien des couleurs, il excelle comme personne à raconter des histoires entre la tiédeur de la nuit et les ombres mystérieuses qui se profilent dans le cloître des Jacobins. La subtilité, la finesse et la simplicité se sont données rendez-vous !
Après l’entracte, la 22e sonate en la majeur D. 959 de Schubert – la pénultième de la trilogie écrite l’année de la mort compositeur – ne possède en rien l’allure viennoise. Une épure, un regard humain avant tout, une évidence qui peut décontenancer lorsque l’on est habitué à une vision beethovénienne (Allegro), tragique et irrévocable (Andantino), le sourire (Scherzo) ne laissant place qu’à l’hallucination de la course à l’abîme (Rondo).
Fou Ts’ong prend par la main, conduit vers des contrées où le regret laisse place à l’espoir et où la magie opère par la grâce ailée d’un artiste qui rejoint le silence des étoiles. Le succès ne se fait pas attendre au terme de ce concert à la fois si proche et si lointain que Fou Ts’ong redonnera le 19 octobre prochain au Festival Piano en Valois d’Angoulême.
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Eglise des Jacobins, Toulouse Le 05/09/2008 Michel LE NAOUR |
| Récital du pianiste Fou Ts’ong au festival Piano aux Jacobins 2008 de Toulouse. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Fantaisie en ré mineur K. 397 (1782)
Joseph Haydn (1732-1809)
Sonate n° 34 en ré majeur Hob. XVI / 33 (avant 1778)
Sonate n° 47 en si mineur Hob. XVI / 32 (1776)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Nocturnes op. 62 n° 1 en si majeur et n° 2 en mi majeur (1846)
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate n° 22 en la majeur D. 959 (1828)
Fou Ts’ong, piano | |
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