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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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EntrĂ©e au rĂ©pertoire de l’OpĂ©ra de Paris de la Petite renarde rusĂ©e de Janáček dans la mise en scène d’AndrĂ© Engel et sous la direction de Dennis Russell Davies.
La Renarde sur les rails
Elena Tsallagova (la Renarde) et Letitia Singleton (le Chien)
Après la Fiancée vendue, c’est le tour d’un autre chef-d’œuvre tchèque, la Petite renarde rusée, de faire son entrée tardive au répertoire de l’Opéra de Paris. Inaugurée naguère à Lyon, vue au TCE, la célèbre production d’André Engel se fond à merveille dans la vastitude de la Bastille. Une distribution ad hoc compense la direction trop corsetée de Dennis Russell Davies.
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Comme pour la FiancĂ©e vendue, on doit Ă Gerard Mortier l’entrĂ©e au rĂ©pertoire de l’OpĂ©ra de Paris de la Petite renarde rusĂ©e de Janáček, chef-d’œuvre d’humour tendre et cruel comme la nature elle-mĂŞme, de rĂ©flexion sur l’inexorable, sur la condition sociale Ă travers le regard des bĂŞtes. Il Ă©tait temps ! Et comme l’opĂ©ra de Smetana, l’œuvre est proposĂ©e dans une mise en scène sans dĂ©tournement, tout Ă fait conforme au livret – mais d’une valeur intrinsèque nettement supĂ©rieure.
Conçue pour les dimensions modestes de l’Opéra de Lyon, reprise au Théâtre des Champs-Élysées, la production de 2000 d’André Engel a été adaptée à la vastitude de la Bastille avec succès, sans que l’on sente à aucun moment un ajustement problématique aux particularités d’un cadre de scène très large.
Et si l’on peut dans l’absolu rêver d’éclairages moins froids, d’une scénographie moins distanciée, plus forestière et mystérieuse – on est ici aux antipodes de la production de Nicholas Hytner au Châtelet –, l’interaction entre le monde animal et le monde humain fonctionne à plein : un chemin de fer borde la lisière d’un champ de tournesols victime du grignotage progressif du monde industriel – donc de l’homme – sur le monde naturel – il est jusqu’au chien du Garde-chasse de dormir dans une niche en ciment –, avec surtout le rail comme parfait symbole d’un univers cyclique sans début ni fin, en perpétuelle régénération.
Quant à la donnée la plus délicate de la Petite renarde, à savoir la représentation à la scène des animaux, Engel joue la carte de créatures anthropomorphes, avec une caractérisation et un humour qui font mouche : la vache tenant à la traite ses pis à bout de bras, les moustiques et leurs seringues géantes, le chien poète, un peu pervers, le mille-pattes et son cerf-volant. Chez les humains aussi, le metteur en scène dresse une galerie de portraits savoureuse, jusqu’à une forme d’érotisme entre la Renarde et le Garde-chasse, où la nostalgie n’est jamais loin.
Un vrai bijou de finesse et d’esprit, qui ne cherche à aucun moment à détourner une succession de séquences tout sauf linéaire, avec à chaque changement de décor le rideau de scène bleu nuit sur lequel on peut admirer les saynètes de l’intrigue peintes par le décorateur Nicky Rieti.
Distribution d’une superbe homogénéité
Au niveau musical, seule dĂ©ception, la direction de Dennis Russell Davies, monochrome et triste Ă force de corsetage, trop opulente dans les tenues qui irriguent la narration orchestrale, absorbant nombre d’interventions du plateau, et paradoxalement trop timorĂ©e dans les arĂŞtes vives de l’orchestration si particulière de Janáček. Car la distribution, n’était le souci de l’équilibre avec la fosse – mais au fond, cet ouvrage n’a rien Ă faire dans une salle de cette taille –, est d’une superbe homogĂ©nĂ©itĂ© et d’un engagement Ă toute Ă©preuve.
Si souvent contestable dans Wagner, Jukka Rasilainen est parfaitement en situation en Garde-chasse bourru mais au grand cœur, déclamant juste et idéalement projeté. Pour sa prise de rôle, la Renarde d’Elena Tsallagova, issue de l’Atelier lyrique de la maison, est un ravissement : pétillante, de l’exact timbre de l’emploi, d’un aigu mutin et délicieusement lumineux, d’une présence enfantine à même de conquérir les cœurs. Souvent anonyme, Hannah Esther Minutillo est un Renard stylé, mâle juste le nécessaire, associé à merveille au timbre de sa femelle, avec un côté jeune premier, « bébé-Octavian » proprement irrésistible.
Les comprimari sont excellents, du Prêtre ratiocinant de Roland Bracht à l’Instituteur scrupuleusement pincé de David Kuebler, du chien Lapák tout en tendresse vocale de Letitia Singleton aux animaux de la forêt. Une heure et demie de spectacle qui se dévore comme un livre d’images, filant comme les saisons.
Opéra Bastille, jusqu’au 12 novembre.
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Opéra Bastille, Paris Le 13/10/2008 Yannick MILLON |
| EntrĂ©e au rĂ©pertoire de l’OpĂ©ra de Paris de la Petite renarde rusĂ©e de Janáček dans la mise en scène d’AndrĂ© Engel et sous la direction de Dennis Russell Davies. | Leoš Janáček (1854-1928)
PřĂhody Lišky Bystroušky, opĂ©ra en trois actes (1924)
Livret du compositeur d’après Liška Bystrouška de Rudolf TešnohlĂdek
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Chœurs, Atelier lyrique et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Dennis Russell Davies
mise en scène : André Engel
décors : Nicky Rieti
costumes : Elizabeth Neumuller
éclairages : André Diot
préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano
Avec :
Jukka Rasilainen (le Garde-chasse), Michèle Lagrange (la femme du Garde-chasse / la Chouette), David Kuebler (l’Instituteur), Roland Bracht (le Prêtre), Paul Gay (Harašta), Elena Tsallagova (la Renarde), Hannah Esther Minutillo (le Renard), Nicolas Marie (l’Aubergiste), Anne-Sophie Ducret (la femme de l’Aubergiste), Letitia Singleton (le Chien), Elisa Cenni (le Coq / le Geai), Natacha Constantin (la Poule huppée), Xenia Fenice d’Ambrosio (le Pivert), Paul Crémazy (le Moustique), Slawomir Szychowiak (le Blaireau). | |
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