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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Ouverture du festival Présences de Radio France 2008-2009.
Esprit pop ou esprit rock ?
Jonny Greenwood
En mettant en vedette Jonny Greenwood, le guitariste du groupe de rock Radiohead, le festival Présences de Radio France, pour son premier week-end à Paris, souhaitait lier musiques populaires et musiques savantes. Bien conçu, le concert n'en apparaît pas moins tiède, aboutissant à des pièces consensuelles et sans véritable esprit pionnier.
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Salle Olivier Messiaen - Maison de la Radio, Paris
Le 10/10/2008
Laurent VILAREM
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Bons baisers d’Eltsine
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L'an passé, le festival Présences s'était étalé sur quatre rendez-vous dans quatre villes différentes. Pour son retour à Paris – il y aura deux autres week-ends parisiens en mars, les autres se tenant, selon la belle habitude de l'édition précédente, à Dijon en novembre et Metz en février –, le concert d'ouverture du festival de création de Radio France n'aura pourtant pas déplacé la foule des grands soirs.
Est-ce le fait de mettre en tête d'affiche un jeune compositeur anglais – on se souvient il y a deux ans de Thomas Adès – plutôt qu'un mastodonte symphonique à la manière de Penderecki, qui clairsème l'assistance ? L'événement aurait pourtant dû tonner : le compositeur-vedette de ce week-end n'étant rien moins cette année que Jonny Greenwood, le guitariste du très célèbre groupe de rock Radiohead. Les fans n'ont-ils donc pas su, ou pas voulu se déplacer ?
Les deux premières œuvres proposées ce soir s'inscrivent cependant dans la production courante de la musique contemporaine. Danse du zéphyr de la compositrice japonaise Malika Kishino frappe même par sa science, bien rendue par l'Oslo Sinfonietta dirigé par Christian Eggen, avec un orchestre spatialisé, divisé en trois groupes, une recherche timbrique héritée de la musique spectrale.
Et si la durée de la pièce nécessiterait sans doute davantage de dramaturgie, le travail est probe, raffiné, investi à défaut d'être inspiré. Constat à peu près identique pour le Concerto pour ondes Martenot du jeune compositeur norvégien Jan Erik Mikalsen qui s’ensuit.
Jeune, Jonny Greenwood l'est également, lui, le fameux guitariste du fameux groupe Radiohead. Compositeur en résidence du BBC Symphony Orchestra en 2004, il avait alors pu écrire deux pièces, régulièrement reprises depuis dans le monde entier. L'une de celles-ci, Smear, pour deux ondes Martenot et ensemble, commencera ainsi comme Thrène de Penderecki et deviendra rapidement une copie carbone et malhabile de l’œuvre de Messiaen. On pourrait y louer un caractère mélodique et épuré, ou affirmer que l'écriture en est assez sommaire.
Un grand passeur de notre Ă©poque
Oui, mais voilà , Jonny Greenwood est un grand passeur de notre époque. Le film de Paul Thomas Anderson There will be blood, dont il avait écrit la musique, avait permis à des millions de spectateurs de découvrir l'univers sonore de la musique contemporaine, avec des emprunts à Messiaen, Penderecki, Ligeti ou encore Arvo Pärt, et d'en accepter le lumineux inconfort.
Alors, faut-il descendre en flammes ou hurler au génie la moindre de ses créations et au moindre album du groupe Radiohead, qui se démarque de la musique populaire actuelle par ses recherches sonores ? Gageons que René Bosc, le directeur du festival, ait cherché à créer un tel croisement entre musique contemporaine et musique populaire. Mais le problème du destinataire est épineux : à qui s'adresse Présences ? En somme, quel est le public de ce rendez-vous gratuit qui se veut aussi exigeant que populaire ?
Luciano Berio avait pourtant eu cette même notion de passage dès 1964, avec ses immortelles Folk Songs, dont la mezzo Andrea Hill propose ce soir une interprétation timidement rafraîchissante, et plus encore dans la pièce qui clôture le programme et qui soulève au mieux la complexe problématique de ce premier week-end : la transcription de trois chansons des Beatles.
Piécettes amollies
Michelle, Ticket to ride, ou encore Yesterday deviennent ainsi dans la réorchestration de Berio, non exempte d'ironie, de charmantes piécettes, un peu amollies. Les transcriptions à venir de Led Zeppelin, Zappa et plus tard dans la saison de Présences de Genesis ou Yes, n'encourent-elles pas le risque similaire d'adoucir des chansons qui n'en demandaient pas tant ?
Rarement ce qui était annoncé comme rock ou pop – y compris la pièce de Greenwood, confortable et bien sonnante – n'aura ainsi abouti à quelque chose d'aussi « mignon ». Alors faut-il laisser chacun de son côté, ou bien hybrider les genres ?
On ne peut cependant s'empêcher de penser qu'un certain esprit rock souffle en ce moment du côté des furieux jeunes compositeurs contemporains : on peut citer rien qu'en France Bedrossian, Cendo, Robin, Mantovani, Bertrand – certains joués d'ailleurs lors du festival Présences– qui arrachent la tradition et englobent dans leurs musiques le pur esprit du geste et de l'expression populaires, et qui mériteraient d'être connus par le plus grand nombre.
Mais la question revient : comment faire, Ă qui s'adresser ?
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Salle Olivier Messiaen - Maison de la Radio, Paris Le 10/10/2008 Laurent VILAREM |
| Ouverture du festival Présences de Radio France 2008-2009. | Malika Kishino (*1971)
Danse du zéphyr
Jan Erik Mikalsen (*1979)
Concerto pour ondes Martenot
Jonny Greenwood (*1971)
Smear, pour deux ondes Martenot et ensemble
Thomas Bloch, ondes Martenot
Christine Ott, ondes Martenot
Luciano Berio (1925-2003)
Folk Songs
John Lennon, Paul McCartney transcrits par Luciano Berio
Beatles Song
Andrea Hill, soprano
Oslo Sinfonietta
direction : Christian Eggen | |
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