|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
22 décembre 2024 |
|
Deuxième volet de la Trilogie du diable au Grand Théâtre de Genève, avec la Damnation de Faust de Berlioz mise en scène par Olivier Py et sous la direction de John Nelson.
Trilogie du diable (2) :
Triomphe d’un désaxé
Paul Groves (Faust)
Réussite beaucoup plus évidente pour ce deuxième volet de la Trilogie du diable à Genève. Sans atteindre au vertige, la direction de John Nelson se reprend et porte un plateau très bien chantant. Les options scéniques d’Olivier Py s’avèrent cette fois tout à fait adaptées au climat de l’ouvrage, avec quelques idées coup de poing dignes d'un grand homme de théâtre.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Hier, le public du Grand Théâtre avait fait une ovation à la dernière représentation du Freischütz, et notamment à Olivier Py qui semblait faire l’unanimité. Ce soir, devant le choc des images qu’il avait réservées à la Damnation de Faust, une partie de la salle le chahutera assez sévèrement.
Pourtant, à notre sens, sa mise en scène demeure la plus forte de la Trilogie du diable, la plus jusqu’au-boutiste et assumée, et ne rencontre pas les limites de la veille – notamment quant à l’affadissement d’une scène capitale. Scénographie toujours noire à en perdre la notion d’espace – avec encore ce rideau à la Saw et une éclipse lunaire légitimant le caractère cyclique de la trilogie –, Py ajoute aux nus du Freischütz un paroxysme de violence physique qui lui vaudra le qualificatif de « désaxé » par une spectatrice excédée.
Ainsi, annonçant le Christ vient de ressusciter du deuxième tableau, on revit la Crucifixion sur la musique guerrière de la Marche hongroise qui revêt dans pareilles circonstances un sadisme rare et une jouissance morbide devant le corps secoué de spasmes du Sauveur. De même, l’orgie infernale du dernier tableau n’y va pas par quatre chemins dans le gore de sévices proches de l’insoutenable.
Enfin, toujours à l’affût du moindre détail du livret, Py dépeint l’empoisonnement de la mère Oppenheim, juste avant qu’une Marguerite exténuée et bousculant son berceau comme on pousserait un caddie trop lourd, ne décide de noyer son bébé dans un seau en fer. Mais cette fois, le metteur en scène sait utiliser les moments de détente de l’intrigue à bon escient, et nous vaut notamment une inénarrable Chanson du rat par un Brander et des buveurs en tutu qui illuminent les visages dans la salle.
En guise de désaxé, on verra surtout en Olivier Py un créateur à obsessions, qui a du moins la décence de choisir des ouvrages qui s’y prêtent, et de ne jamais plaquer violence ou nudité de manière arbitraire, mais toujours au service d’une conception forte.
Comparée à la veille, l’équipe musicale est d’un niveau global nettement préférable. Sans atteindre à la panacée – loin s’en faut même, dans des épisodes instrumentaux presque toujours à côté, qui bâclé, qui avachi, et notamment une Marche littéralement ahanée –, John Nelson se ressaisit et propose une lecture classique d’un ouvrage qui demanderait dans l’absolu un tout autre engagement dramatique – mais les chœurs, magnifiques, et l’orchestre, assez pauvre en couleurs, sonnent néanmoins dignes de la maison.
Un Faust d’un magnifique lyrisme
La vertu première du chef américain reste d’ailleurs de ne jamais parasiter un plateau superbement chantant, à l’exception du Méphisto à la présence écrasante mais à la voix bien fatiguée et à l’accent prononcé de Willard White. Admirablement coaché quant au français – ce qui n’est pas toujours le cas chez ce ténor caméléon –, Paul Groves est un Faust d’une énergie virile et radieuse, qui déjoue toutes les embûches d’une partition qui les compte à la pelle. Timbre juste assez vaillant, jeune, d’un magnifique lyrisme, il ne connaît aucune limite dans l’inchantable duo, et moins encore dans une Invocation à la nature d’une absolue splendeur.
Bien hĂ©sitante et hors style dans les Nuits d’étĂ© en aoĂ»t Ă Salzbourg, Elīna Garanča semble elle aussi profiter du remarquable coaching de la production, avec un français d’une clartĂ© et d’une prĂ©cision qu’on lui ignorait, un timbre charnu, riche en harmoniques et une qualitĂ© de ligne qui valent des envolĂ©es mĂ©morables dans D’amour l’ardente flamme. Enfin, RenĂ© Schirrer est un Brander impayable et truculent, au-delĂ de tout reproche.
| | |
| | |
|