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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Hänsel und Gretel de Humperdick mise en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser au Royal Opera House de Covent Garden, Londres.
Joyeusement morbide
Angelika Kirchschlager (Hänsel) et Diana Damrau (Gretel)
Pour les fêtes de fin d’année, le Royal Opera House a confié à nos compatriotes Patrice Caurier et Moshe Leiser la première production in loco depuis 1937 de Hänsel et Gretel. Le petit chef-d’œuvre de l’éminent disciple de Wagner Engelbert Humperdinck, d’après Grimm, a vu alterner deux distributions, sous les baguettes de Sir Colin Davis et Robin Ticciani.
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Hänsel et Gretel est un conte pour enfants beaucoup plus populaire dans les pays nordiques, germaniques et même anglo-saxons que dans notre hexagone. Cela explique sans doute que ce petit bijou lyrique dont Richard Strauss dirigea la création à Weimar le 23 décembre 1893 soit si rarement affiché chez nous, malgré le succès remporté par la production de Yannis Kokkos au Châtelet il y a une dizaine d’années.
En revanche, cet ouvrage chéri par les baguettes les plus éminentes, Mahler, Toscanini, Solti ou Karajan, qui nous en a légué une interprétation discographique de référence avec les deux Elisabeth (Schwarzkopf et Grümmer), est souvent programmé pour les fêtes de fin d’année dans les théâtre allemands, tradition qui s’étend aussi à certaines scènes des États-Unis.
Le Met a ainsi proposé l’an dernier avec un beau succès la remarquable production de Richard Jones. Filmé, cet excellent spectacle – malheureusement chanté en anglais – vient de paraître en DVD chez EMI. Il bénéficie de l’irrésistible Gretel de Christine Schäfer, du Hänsel remarquablement chanté d’Alice Coote et d’un étourdissant numéro d’un Philip Langridge travesti en sorcière. Et surtout, la direction aérienne de Vladimir Jurowski donne à la partition d’Humperdinck à la fois sa fraîcheur et sa dimension wagnérienne.
Sensiblement moins inventive et moins poétique que celle de Jones, la mise en scène de nos compatriotes, dont c’est la sixième invitation au Covent Garden, est cependant loin de démériter. Dans la lignée de Jones et de Pelly, qui a signé l’été dernier le premier Hänsel et Gretel des annales du festival de Glyndebourne, Caurier et Leiser sacrifient à la mode de transposer la féerie dans le monde d’aujourd’hui, ce qui implique des trouvailles et des clins d’œil permettant à la transposition de fonctionner impeccablement au-delà des anachronismes.
Certes, on peut s’étonner d’une trop coquette chambre d’enfants en totale contradiction avec la misère supposée de leur famille. Le texte indique clairement qu’ils sont affamés car leurs parents n’ont plus un sou pour les nourrir ! Avec un peu d’imagination, on peut aussi penser qu’il s’agit d’un Hänsel et Gretel situé en pleine crise économique, encore plus actuel !
Les différents metteurs en scène semblent d’ailleurs insister davantage sur le peu d’affection d’une mère plus préoccupée par sa libido que par l’intérêt de ses rejetons, que sur une pauvreté inexorable. À cet égard, le III chez la sorcière dévoreuse d’enfants est le plus réussi grâce à un humour noir et décalé qui nous installe dans un univers joyeusement morbide, voisin de celui de Sweeny Todd, le musical de Stephen Sondheim, aussi populaire à Londres qu’à New York.
Quoi qu’il en soit, les gigantesques fours à cuire les enfants de la sorcière anthropophage n’effrayent en rien le public composé en majorité de quatre-quinze ans, lors de la matinée dominicale proposée aux familles pour un prix nettement plus abordable que celui des représentations habituelles. Des enfants incroyablement sages et silencieux, beaucoup moins bavards que leurs parents…
Deux distributions remarquables et homogènes
Cette seconde distribution, dirigée avec délicatesse et élégance par le tout jeune chef anglais Robin Ticciati, a le mérite d’être d’un niveau vocal aussi remarquable et homogène que celui de la première où triomphaient une Diana Damrau au chant aérien et l’exquise Angelika Kirchschlager, qui campait un Hänsel juvénile et effronté incroyablement naturel.
Avec une voix moins étoffée mais ravissante et le physique idéal pour incarner une petite fille, Camilla Tilling est une adorable Gretel aux côtés de la mezzo britannique Alice Coote, déjà Hänsel au Met et dont le magistral Nerone nous avait médusés dans le Couronnement de Poppée de Glyndebourne. Malgré une voix délabrée qui n’est pas incompatible avec son rôle de sorcière, Anja Silja était impressionnante de présence et de conviction, tandis qu’Ann Murray a le mérite de moyens vocaux intacts dans la deuxième distribution.
Chez les parents, Elisabeth Connell et Thomas Allen font match nul avec Irmgard Vilsmaier et Eike Wilm Schulte. Eri Nakamura assurait le Marchand de sable aux deux représentations. La première distribution a en revanche bénéficié d’une direction d’acteurs plus précise, sans doute résultat d’un plus grand nombre de répétitions.
Dans la fosse, Sir Colin Davis accentuait aussi le wagnérisme de la partition avec une direction plus puissante, plus lourde aussi, que son jeune confrère, à la tête d’un orchestre toujours splendide.
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Royal Opera House, Covent Garden, London Le 14/12/2008 Monique BARICHELLA |
| Nouvelle production de Hänsel und Gretel de Humperdick mise en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser au Royal Opera House de Covent Garden, Londres. | Engelbrecht Humperdinck (1854-1921)
Hänsel und Gretel, opéra en trois actes (1893)
Livret d’Adelheid Wette d’après le conte de Grimm
Orchestre de l’Opéra Royal de Covent Garden
direction : Sir Colin Davis / Robin Ticciati
mise en scène : Patrice Caurier et Moshe Leiser
décors : Christian Fenouillat
costumes : Agostina Cavalca
Ă©clairages : Christophe Forey
Avec :
Première distribution
Diana Damrau (Gretel), Angelica Kirchschlager (Hänsel), Elisabeth Connell (Gertrud), Thomas Allen (Peter), – Eri Nakamura (Le marchand de sable), Erika Watson(la Fée rosée), Anja Silja (la Sorcière).
Seconde distribution
Camilla Tilling (Gretel), Alice Coote (Hänsel), Irmgard Vilsmaier (Gertrud), Eike Wilm Schulte (Peter), Eri Nakamura (le marchand de sable), Simona Mihai (la Fée rosée), Ann Murray (La Sorcière). | |
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