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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Don Giovanni de Mozart par la troupe-atelier lyrique d’Opera Fuoco sous la direction de David Stern au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines.
L’atelier Don Giovanni
Il y a tout juste un an, un Don Giovanni en version concertante inaugurait la troupe-atelier d’Opéra Fuoco, fondée par un David Stern fort de ses expériences en faveur des jeunes chanteurs. Bien que la vision proposée par Yoshi Oïda déçoive, la version scénique créée au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines constitue le premier aboutissement de ce projet courageux.
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Rien n’est plus incertain, particulièrement en ces temps de crise économique, que la pérennité des subventions accordées aux institutions culturelles. Prenez le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, dont les subsides n’ont pas augmenté d’un centime depuis sa création en 1993. En ce jour de mobilisation, les techniciens et le personnel d’accueil ont cependant préféré se déclarer en grève active plutôt que d’empêcher la représentation de Don Giovanni de Mozart par la troupe-atelier d’Opera Fuoco, ensemble en résidence à Saint-Quentin depuis 2005.
Fondée par le chef David Stern, cette structure unique en son genre est en effet emblématique de la mission pédagogique d’une Scène nationale, notamment à travers la sensibilisation du jeune public, nombreux, attentif et enthousiaste lors de cette représentation. Mais elle est, d’abord et avant tout, un formidable tremplin pour ces chanteurs en début de carrière qui souhaitent effectuer un travail suivi au sein d’un ensemble, sans subir les contraintes d’une troupe traditionnelle. Séduite par cette démarche originale, la chaîne culturelle européenne ARTE a souhaité lui apporter son soutien en captant cette production, qui fera l’objet d’une parution en DVD chez Alpha.
Par rapport à la version concertante de Don Giovanni qui avait inauguré la troupe-atelier, la distribution a été en grande partie renouvelée. Elle n’en permet pas moins de mesurer les progrès réalisés par les chanteurs déjà présents en janvier 2008. Ainsi, le Commandeur de Frédéric Bourreau a gagné en autorité grâce à un chant plus pesé, et les planches ont libéré la Donna Elvira de Chantal Santon, qui surmonte remarquablement les écueils de la partition d’une voix souple et ample.
Parmi les nouvelles recrues, Caroline Meng, déjà remarquée aux côtés d’autre membre de la troupe – Daphné Touchais, Camille Poul, Marc Labonette – dans la version de concert d’Orpheus de Telemann présentée par Opera Fuoco à la Cité de la musique, constitue un authentique coup de cœur, Zerlina au timbre enfin charnu et au fort tempérament. La Donna Anna de Sara Hershkowitz est quant à elle d’une déconcertante facilité, voix claire, agile et homogène, mais semble parfois trop appliquée, ne serait-ce que dans ses gestes.
La reprise ornée d’Il mio tesoro fait valoir le registre aigu superbement maîtrisé d’Arthur Espiritu, Ottavio élégant qui devrait s’épanouir dans des rôles plus brillants. Marc Labonette fait un Leporello de la plus belle tradition, d’une vocalité sobrement efficace. Passé le premier acte où la projection paraît terne, le Don Giovanni de Marc Callahan révèle un timbre juvénile et naturellement séduisant, parfaitement différencié de celui de son valet, et surtout apte à la coloration comme à la nuance.
Travail d’orchestre minutieux
Ce plateau particulièrement homogène a assurément bénéficié du travail minutieux de David Stern sur les enchaînements entre les récitatifs et les airs. S’il n’est guère flatté par l’acoustique fluctuante du Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, l’orchestre affiche une belle réactivité dans la mise en œuvre des équilibres suscités par son chef, grâce à une palette en perpétuelle évolution.
La conception de Yoshi Oïda apparaît plus floue. Sans doute le metteur en scène japonais n’est-il pas l’homme d’une idée-force, mais de ceux qui mettent le matériau théâtral à l’épreuve du plateau. Mise en abyme, théâtre dans le théâtre, on perçoit la volonté, notamment grâce à une scénographie épurée jusqu’au misérabilisme, de se concentrer sur une réalité des personnages détachée de tout repère spatio-temporel, comme si les lieux, les situations n’existaient qu’à travers le jeu des acteurs.
Malheureusement, les costumes d’Elena Mannini font écran à une caractérisation des personnages qui en paraît presque schématique, privant les jeux de manipulation de leur ambiguïté : ces paysans vaguement baba cool, ce Don Giovanni petite frappe, mafieux à la gueule d’ange, cette Donna Anna fille à papa aux robes trop courtes, cette Elvira gothico-SM adepte du pendule ancrent l’action dans une contemporanéité faussement glauque et petitement trash, où l’on festoie sous des guirlandes de petites-culottes en gonflant des capotes.
Cependant, l’essentiel est ailleurs, et d’abord dans l’aisance scénique acquise par la plupart de ces jeunes chanteurs. Pour eux, il faut voir, et surtout écouter ce Don Giovanni, qui sera repris en février à la Rochelle, puis à Orléans.
Les 10 et 11 février à la Rochelle, les 13 et 15 février à Orléans.
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