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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Reprise de Madame Butterfly de Puccini dans la mise en scène de Bob Wilson, sous la direction de Vello Pähn à l’Opéra de Paris.

Des doigts de papillon
© Christian Leiber

Cheryl Barker (Cio-Cio San)

Énième reprise de la Butterfly de Bob Wilson, et cependant, l'éblouissement demeure. Par son incommensurable force d'évocation et grâce la qualité de l'Orchestre de l'Opéra de Paris, cette Madame Butterfly envoûte encore malgré une direction trop peu nerveuse et une équipe vocale où l'on ne distingue pas de personnalité majeure.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 31/01/2009
Laurent VILAREM
 



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  • On vient pour voir l'opĂ©ra par excellence, celui aux voix larger than life, celui Ă  l'Ă©motion majuscule, et on finit pantelant d'admiration devant la mise en scène de Bob Wilson, reprise pour une Ă©nième fois Ă  l'OpĂ©ra de Paris, mais dont on parlera ici encore en premier lieu.

    Car à vrai dire, dans cette Madame Butterfly-là, les chanteurs, malgré une équipe vocale de bon niveau, sont tantôt des statues qui chantent, tantôt ne se réduisent même qu'à leurs mains. À l'aide d'un simple écran qui change de couleurs et de somptueux costumes, Bob Wilson nous fait revivre un Japon fantasmatique et fait de l'œuvre de Puccini un opéra du geste.

    Les doigts y dessinent en effet tantôt des fleurs ou des miroirs, et se parant de lumière, disent le reniement d'un bonze ou la colère d'une femme trompée. On n'oubliera ainsi pas de sitôt l'index mû de manière infinitésimale par Butterfly au moment du hara-kiri final, qui prend une importance terrassante devant un auditoire de 2700 places.

    La méthode du metteur en scène américain fonctionne ici à plein, tant l'immobilité qu'il donne à Madame Butterfly, ces fréquents arrêts sur image, ses gestes restreints, font s'épanouir dans une lente soudaineté le destin de sa malheureuse héroïne. Par-delà, la musique de Puccini y apparaît dans sa sublime innocence et, selon son opinion personnelle, donnera tort ou raison à Gerard Mortier dont on sait au travers de ses fracassantes déclarations qu'il ne porte guère l'ensemble de l’œuvre du compositeur de la Bohème dans son cœur.

    Et quid du geste musical du chef de ce soir, Vello Pähn, qui dirige depuis plus de vingt ans à l'Opéra de Paris principalement des... ballets ? On dira de sa direction qu'elle est en effet plus chorégraphique que dramatique. En témoignent de fréquents alanguissements, particulièrement dans le dernier acte, qui freinent considérablement la tension dramatique et amoindrissent l'impact émotionnel de l'épilogue.

    Mais on y gagne un Puccini sensuel par un Orchestre de l'Opéra à son meilleur. Quel déluge de couleurs orchestrales dans le chœur à bouches fermés, pareil à un rêve éveillé, et quel élan straussien dans l'Interlude qui débute le troisième acte !

    De l'équipe vocale, qui n'est pas la même ce soir que celle de la première, annulée en raison de la grève, on ne compte en revanche ni lacunes majeures ni grandes singularités, mais l'on retient la Cio-Cio San de Cheryl Barker, qui malgré des aigus un peu durs, habite son personnage avec grandeur. Et plutôt que du Pinkerton terne de Massimiliano Pisapia, on préférera se souvenir de la belle Suzuki de Cornelia Oncioiu et de l'excellent Goro à la voix chaude d'Andreas Jäggi.

    On sort de cette Butterfly moins ému par la destinée mélodramatique d'une jeune geisha japonaise qu'envoûté par une représentation qui aura fait revivre un monde dont on sait qu'il ne peut exister qu'à l'opéra. À voir ou à revoir, décidément.




    Opéra Bastille, jusqu’au 4 mars.




    Opéra Bastille, Paris
    Le 31/01/2009
    Laurent VILAREM

    Reprise de Madame Butterfly de Puccini dans la mise en scène de Bob Wilson, sous la direction de Vello Pähn à l’Opéra de Paris.
    Giacomo Puccini (1858-1924)
    Madama Butterfly, tragédie japonaise en trois actes (1904)
    Livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa d'après la pièce de David Belasco adaptée d'une nouvelle de John Luther Long

    Chœurs et Orchestre et de l'Opéra national de Paris
    direction : Vello Pähn
    mise en scène et décors : Robert Wilson
    costumes : Frida Parmeggiani
    Ă©clairages : Heinrich Brunke et Robert Wilson
    préparation des chœurs : Alessandro di Stefano

    Avec :
    Cheryl Barker (Cio-Cio San), Cornelia Oncioiu (Suzuki), Massimiliano Pisapia (Pinkerton), Michael Druiett (Sharpless), Andreas Jäggi (Goro), Bartlomieij Misiuda (Il Principe Yamadori), Ugo Rabec (Il Commissario imperiale), Letitia Singleton (Kate Pinkerton), Yuri Kissin (Lo Zio bonzo).

     


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