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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise d’Idomenée de Mozart dans la mise en scène de Luc Bondy et sous la direction de Thomas Hengelbrock à l’Opéra de Paris.
Sans surprise
Mireille Delunsch (Elettra)
Tandis que Hugues Gall s’ingéniait à renouveler les distributions, assez systématiquement meilleures lors des reprises, Gerard Mortier a le plus souvent fait appel aux mêmes chanteurs pour défendre les productions créées sous son mandat au fil des saisons. À l’exception du rôle-titre, l’Idomeneo mis en scène par Luc Bondy est égal à lui-même, sinistre mais bien chanté.
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On prend les mêmes et on recommence. C’est la recette appliquée bon an, mal an par Gerard Mortier aux distributions des reprises des productions créées sous son mandat à l’Opéra de Paris. Certains metteurs en scène, Patrice Chéreau en tête, en ont même fait une exigence, refusant de voir leurs spectacles, souvent conçus pour évoluer, sombrer dans la routine, réglés à la va-vite d’après une vidéo de régie, avec des chanteurs qu’ils ne connaissent pas. Ainsi des mythiques Noces de Strehler progressivement vidées de leur âme, mais auxquelles Nicolas Joel promet de rendre une seconde jeunesse…
Pour l’heure, l’Opéra reprend Idomeneo dans la mise en scène de Luc Bondy, présentée au Palais Garnier en novembre 2006. Et aucune surprise ne vient malheureusement animer le décor post-tsunami d’Erich Wonder, no man’s land à l’horizon irrémédiablement bouché, où quelques rares lueurs d’espoir vacillent dans la pénombre. Bondy y impose une vision pessimiste, revenue de tout et finalement plombante, dont l’inévitable conclusion dénature le lieto fine, tant théâtralement que musicalement.
Pas d’éclat non plus à espérer d’une triade de ténors sensiblement contaminés par la grisaille ambiante. Car s’il est inutile de s’attarder sur Xavier Mas, fort mal employé en Grand Prêtre, l’Arbace de Johan Weigel est à oublier de toute urgence, voix grelottante et incolore à laquelle ne reste que le magnifique récitatif accompagné Sventurata Sidon à massacrer, puisque ses deux airs ont été coupés par une âme charitable.
En comparaison, Paul Groves apparaît comme un modèle d’éloquence, et son Idomeneo est assurément plus incarné que celui de son prédécesseur Ramón Vargas. Mais le pur belcantisme de ce dernier n’avait pas de prix face au débraillé vocal du ténor américain. Sans tenue de timbre, sinon de souffle, dans la cavatine Accogli, oh re del mar, il ne cesse de trébucher, l’aigu déchiqueté et la souplesse en berne, sur les cascades d’ornements et autres extrapolations dont il surcharge paradoxalement la reprise de la version simplifiée de Fuor del mar.
Déjà appréciées ici-même dans leurs rôles respectifs, les dames apportent le baume d’une lumière salutaire. Toujours légère, Camilla Tilling apparaît cependant d’un lyrisme plus épanoui, jusqu’à déployer des réserves de dramatisme inattendues dans le récitatif liminaire. C’est que la soprano suédoise vide d’emblée toutes ses cartouches, pour redevenir ensuite une Ilia joliment policée, à l’italien sans relief.
Une Mireille Delunsch miraculeuse
Annoncée souffrante, Mireille Delunsch est pourtant dans une forme vocale assez miraculeuse, et pas seulement comparée à sa triste contre-performance de l’Opéra du Rhin en novembre 2007. Relevant tous les défis – la ligne suspendue de Soavi Zeffiri comprise –, surmontant tous les écueils – même les redoutables ut sardoniques du crucifiant D’Oreste e d’Aiace –, cette Elettra touche par son humanité souffrante, sincèrement éperdue, consommant la rupture avec ces furies vengeresses souvent ridicules imposées par une certaine tradition.
Solaire, galbée, frémissante, d’un emportement juvénile qui jamais ne semble composé – et c’est un exploit, sous cette perruque, dans ce costume qui décidément l’engoncent –, Joyce DiDonato refait, peut-être plus plein, plus assuré qu’il y a deux ans, l’Idamante de sa génération.
Dans la fosse, Thomas Hengelbrock a arrondi les angles, pour une direction certainement moins baroqueuse de son, mais pas de rhétorique. L’Orchestre de l’Opéra de Paris affiche rarement, surtout dans Mozart, cette capacité de rebond permanent, et cette souplesse qui, même dans les moments les plus dramatiques, fait chanter la ligne. Oui, ce soir, les bois – ceux-là mêmes qui à d’autres baguettes n’accordent qu’un souffle négligent, impatient – phrasent comme des dieux !
Palais Garnier, jusqu'au 22 mars
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Palais Garnier, Paris Le 05/03/2009 Mehdi MAHDAVI |
| Reprise d’Idomenée de Mozart dans la mise en scène de Luc Bondy et sous la direction de Thomas Hengelbrock à l’Opéra de Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Idomeneo, dramma per musica en trois actes K. 366 (1781)
Livret de Giambattista Varesco d'après Idoménée d'Antoine Danchet
Chœurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Thomas Hengelbrock
mise en scène : Luc Bondy
décors : Erich Wonder
costumes : Rudy Sabounghi
éclairages : Dominique Bruguière
Avec :
Paul Groves (Idomeneo), Joyce DiDonato (Idamante), Camilla Tilling (Ilia), Mireille Delunsch (Elettra), Johan Weigel (Arbace), Xavier Mas (Il Gran Sacerdote), Ilya Bannik (La Voce), Yun-Jung Choi et Anna Wall (Due Cretesi), Jason Bridges et Bartlomiej Misiuda (Due Troiani). | |
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