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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Rigoletto de Verdi mise en scène par Mariame Clément et sous la direction de Paolo Olmi à l’Opéra national de Lorraine, Nancy.
Décapé au Lait +
TĂłmas TĂłmasson (Rigoletto)
Créations, raretés, coproductions prestigieuses, prises de rôles espérées ou inattendues, il se passe toujours quelque chose d’original à l’Opéra national de Lorraine. Le grand répertoire n’est pas en reste. Preuve en est ce nouveau Rigoletto, chanté avec conviction et pertinemment décapé par la talentueuse Mariame Clément.
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Parmi les victimes régulières de la routine des théâtres lyriques, Rigoletto figure dans le peloton de tête : trop vu, trop entendu sans doute, et surtout réduit à ses tubes pour ténor de charme, qui en masquent tant l’extrême violence que la modernité des moyens musico-dramatiques mis en œuvre par Verdi.
Aussi, les reprises successives à l’Opéra de Paris de la production immuable de Jérôme Savary, lestée de ruines embrumées plus respectueuses d’une lettre poussiéreuse que d’un esprit révolutionnaire, ont fini par nous en détourner, n’ayant souvent guère mieux à offrir à l’oreille que des histrions usés, des ténors sans sex-appeal physique – passe encore –, ni vocal – c’est rédhibitoire –, et des Gilda pépiantes, sans couleur ni style.
Il fallait bien l’intelligence décapante de Mariame Clément, metteur en scène que nous suivons avec attention depuis une mémorable Belle Hélène à l’Opéra du Rhin, pour nous ramener au premier grand chef-d’œuvre de la maturité de Verdi. Débarrassé de ses oripeaux Renaissance, le drame est enfin mis à nu dans son ultraviolence, réminiscence d’Orange mécanique à travers laquelle les courtisans devenus droogies éprouvent la soumission à leur chef jusqu’à l’humiliation.
D’une blancheur clinique, la scénographie de Julia Hansen se resserre elle-même tel un étau sur Gilda, séquestrée dans son innocence. Mais comme chez Christoph Marthaler et Anna Viebrock, le symbole exsude une vérité des êtres et des situations, par-delà ce qui pourrait avoir l’apparence du réalisme, et sans jamais empiéter sur la narration.
Humaniser l’irregardable
Plus Gwynplaine de l’Homme qui rit que Triboulet du Roi s’amuse, Rigoletto porte sa difformité sur le visage, à moitié dévoré par une cicatrice, alors que sa bosse n’est plus qu’un artifice, une part du costume, de son emploi de bouffon : un dédoublement qui humanise l’irregardable grâce à la formidable incarnation de Tómas Tómasson, d’une angoisse, d’une solitude palpables, suintantes à travers le masque de la monstruosité. Vocalement, la greffe prend moins, cette émission, cette couleur si typiquement nordiques brutalisant parfois la ligne, achoppant sur sa souplesse jusqu’à limiter une extension que l’on devine, sur un ambitus égal, plus confortablement wagnérienne que verdienne.
Mais la lumineuse morbidezza n’est-elle pas l’apanage du duc de Mantoue ? D’autant qu’Andrei Dunaev, le bouleversant Lenski de la production d’Eugène Onéguine présentée par le Bolchoï au Palais Garnier en septembre dernier, ressuscite cette tradition des ténors russes aux voyelles claires, ensoleillées qui semblait n’avoir pas survécu à Lemeshev et Kozlovski. L’éclat de l’aigu, sa tenue sont irrésistibles, et le chant soigné, en couleurs sans cesse modulées. Du grand art, dans un rôle où cela n’est rien moins que fréquent.
Russe elle aussi, ce qui confère à sa voix cette pulpe si caractéristique, Elena Gorshunova est une Gilda légère et juvénile, aux suraigus pimpants, à laquelle manque toutefois la palette dynamique et le trille dont les sopranos les plus adorables ne devraient pas se permettre de faire l’économie dans un emploi relevant de l’esthétique du bel canto, même le plus tardif.
Et si Jean Teitgen, qui de rôle en rôle se confirme comme une valeur sûre et saine parmi les jeunes clefs de fa françaises, fait un Sparafucile impressionnant, le beau timbre sombre de Varduhi Abrahamyan, dont la Maddalena se perdait dans les cintres de l’Opéra Bastille en ce début de saison, passe à peine mieux la rampe dans l’intimité du théâtre de la Place Stanislas.
Suffisamment animée, la direction de Paolo Olmi n’en sombre pas moins dans la plus médiocre routine par manque total de fini orchestral, ce qu’accuse assez cruellement la vision au scalpel de Mariame Clément. Souhaitons qu’elle trouve en Michel Plasson une baguette plus en phase avec ses intentions dans le Werther qu’elle s’apprête à mettre en scène à l’Opéra du Rhin.
Prochaines représentations à Nancy les 24, 26, 27 et 29 mars, puis à Caen les 21, 23 et 25 avril.
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Opéra de Lorraine, Nancy Le 22/03/2009 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de Rigoletto de Verdi mise en scène par Mariame Clément et sous la direction de Paolo Olmi à l’Opéra national de Lorraine, Nancy. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Rigoletto, opéra en trois actes (1851)
Livret de Francesco Maria Piave d’après le Roi s’amuse de Victor Hugo
Chœur de l’Opéra national de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
direction : Paolo Olmi
mise en scène : Mariame Clément
décors et costumes : Julia Hansen
Ă©clairages : Reinhard Traub
Avec :
Andrei Dunaev (Il Duca di Mantova), TĂłmas TĂłmasson (Rigoletto), Elena Gorshunova (Gilda), Jean Teitgen (Sparafucile), Varduhi Abrahamyan (Maddalena), Aline Martin (Giovanna), Patrick Bolleire (Il Conte di Monterone), Igor Gnidii (Marullo), Alexandre Swan (Matteo Borsa), Jean-Vincent Blot (Il Conte di Ceprano), Sarah Breton (La Contessa), Soon Cheon Yu (Paggio della Duchessa), Benjamin Colin (Usciere di corte). | |
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