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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Héritier du foisonnement rythmique et musical d'Europe centrale, mais marqué par Albert Roussel, Bohuslav Martinu ne peut rester indifférent à la révolution qu'apporte le jazz dès ses premières manifestations sur le continent européen. Voilà ce dont le spectacle organisé par l'Atelier du Rhin à Colmar a porté témoignage en présentant deux oeuvres en un acte, très différentes de style et de ton, mais baignées l'une et l'autre de surréalisme.
Et l'on constate que Bohuslav Martinu est définitivement l'un des plus grands compositeurs lyriques qu'ait connu l'Europe après la guerre de 14-18. On lui doit riens moins que Juliette ou la clef des songes, la Passion grecque, De quoi vivent les hommes, le Mariage, Mirandoline, Les trois Souhaits, Ariane et la Comédie sur le Pont, etc.. Mais choisir de sa production deux oeuvres aussi subtiles que les Larmes de Couteau et Alexandre Bis pour des chanteurs qui n'ont pas terminé leur formation, c'est confronter ces apprentis chanteurs à l'exigence la plus rare d'un texte qui doit passer par-dessus la musique pour demeurer compréhensible ; car en retour c'est ce texte qui rend la musique intelligible, par ses références et ses images.
Et c'est là que le spectacle pêche. À l'exception de Raphaëlle Hazard et de Vincent Karche (seuls français de la troupe), aucun des artistes ne maîtrise suffisamment le français pour que le texte soit non seulement intelligible, mais compréhensible. Privé de ce suppport essentiel, le surréalisme devient encore plus fou, puisqu'on n'entend qu'un magma sonore d'où émerge, de-ci, de là , un mot qui surprend.
De son côté, la mise en scène de Matthew Jocelyn fourmille d'idées heureuses, et les décors d'Alain Lagarde sont au diapason. Mais on sort du spectacle, en se disant que ces jeunes artistes ont encore bien du chemin à parcourir, bien des choses à apprendre. N'était-ce pas trop tôt pour leur confier la responsabilité d'un tel spectacle ? Les éléments qui composent l'Orchestre du Conservatoire national de région de Strasbourg interprètent avec fougue les deux partitions de Martinu. Malheureusement David Cowan n'a pas su leur rendre sensibles toutes les subtilités et les références dont sont truffées ces deux partitions. De surcroît, dans un tel théâtre sans réelle fosse d'orchestre, ils jouent uniformément trop fort, couvrant les voix. En fin de saison ou de cycle de perfectionnement, il serait cependant intéressant de revoir ce même spectacle pour juger du travail accompli et de mesurer ainsi le bien fondé d'un tel Atelier.
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La Manufacture / Opéra du Rhin, Colmar Le 20/05/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Les Larmes de Cocteau et Alexandre Bis de Martinu à l'Opéra du Rhin / Colmar, France. | Larmes de Couteau - livret de Georges Ribemont-Dessaignes
Alexandre Bis - livret d'après André Wurmser
Les Jeunes Voix du Rhin - Orchestre du Conservatoire national de région de Strasbourg
Musique de Bohuslav Martinu
Direction musicale : David Cowan
Mise en scène : Matthew Jocelyn
DĂ©cors et costumes : Alain Lagarde
Lumières : Stéphanie Daniel
Mouvements chorégraphiques : Frederike Schultz
Avec Eléonore (Giselle Minns), la Mère (Angelica Cathariou), Satan (James Martin)
Pour les Larmes de Couteau
et
Armande (Raphaëlle Hazard), Alexandre (James Martin), Oscar (Vincent Karche), le portrait d'Alexandre (Diogenes Randes), Philomène (Gaby May)
Pour Alexandre Bis | |
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