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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Riders to the sea de Vaughan Williams mise en scène par Christian Gangneron et sous la direction de Jean-Luc Tingaud à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris.
Apocalypse marine
Une petite merveille de concision jusqu’à l’épure : en à peine trois quarts d’heure, la miniature lyrique austère Riders to the sea concentre la tension et l’émotion jusqu’au paroxysme de la douleur d’une mère. L’opéra du compositeur anglais Ralph Vaughan Williams est présenté au Théâtre de l’Athénée, précédé des Songs of travel.
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Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris
Le 08/04/2009
Nicole DUAULT
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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Dans son beau théâtre bonbonnière de l’Athénée, Patrice Martinet réussit une programmation audacieuse, originale, diversifiée et toujours passionnante mêlant comédie, drame, concerts, récitals – Claire-Marie Le Guay est pianiste en résidence – et opéra. Après le succès des Enfants terribles de Phil Glass, c’est une autre pièce peu connue qu’il a affichée, malheureusement pour seulement quatre représentations.
Riders to the sea (les Cavaliers de la mer) n’est pas à proprement parler un opéra. Le compositeur préférait le désigner sous l’appellation de pièce mise en musique. Il a en effet suivi le texte du poète et dramaturge irlandais John Millington Synge (1871-1909), soulignant presque chaque mot dans sa sonorité irlandaise ou gaélique. Il a travaillé à la manière de Debussy pour Pelléas.
On pense souvent sur le continent qu’entre Purcell et Britten, la musique lyrique anglaise n’est que vide. C’est évidemment faux, et Vaughan Williams est l’un des musiciens qui prouve le contraire, montrant d’ailleurs que la déploration des œuvres de Purcell a trouvé sa postérité dans ces Riders to the sea.
Ces cavaliers d’une apocalypse marine, chevauchant les vagues et la mort, évoquent la tragédie d’une famille de pêcheurs d’Irlande dont tous les hommes disparaissent tour à tour en mer. Il y a la vieille Maruya, mère possessive et désespérée par les drames qui se succèdent. Après son père, son mari, quatre de ses fils, c’est le cinquième, Michael, qui n’est pas revenu.
Ses deux sœurs ont retrouvé sur la plage des vêtements ayant appartenu au jeune homme. Elles n’osent le révéler à la mère pour ne pas augmenter son chagrin. Bartley, le dernier fils, souhaite partir à la recherche de Michael et prendre lui aussi la mer. Maurya tente de l’en dissuader. Elle voit même en cauchemar Bartley suivre le sort des autres hommes de la famille. Elle en oublie, avant son départ, de le bénir et de lui donner son pain pour le nourrir.
Et voilà Bartley montant sur son cheval rouge, suivi du poney gris, galopant sur la grève, tandis que Maurya entame une mélopée funèbre. Les lamentations sont entrecoupées de la bourrasque du vent
et du déchaînement de la mer. Puis, des pêcheurs montent vers la maison. Maurya sait ce qui va arriver. Les pêcheurs rapportent le corps de Bartley, massacré par les flots. Elle se met à prier. Elle est soulagée. Elle a tout perdu. Elle trouve enfin le repos.
Le formidable rĂ©cit, sans un mot de trop, la magnifique et implacable musique sans une note qui ne touche le fond de l’âme, vont dans le mĂŞme sens, celui de la tragĂ©die grecque. Si Synge plonge dans le langage irlandais si rocailleux, Vaughan Williams procède de la mĂŞme manière Ă partir de la musique populaire et folklorique : on pense sans cesse Ă une inspiration proche de celles de BartĂłk ou de Janáček.
La mezzo Jacqueline Mayeur (Maruya) fait frissonner avec sa voix intense portée par la direction de Jean-Luc Tingaud à la tête de l’Orchestre du Grand Théâtre de Reims. Le metteur en scène Christian Gangneron, scénographe au Théatre de la Monnaie de Bruxelles et fondateur de l’Arcal (Atelier de recherche et de création pour l’art lyrique), est le dénicheur de cet ouvrage, créé en 1937.
Son travail se résume à mettre en évidence l’essentiel : l’implication dramatique de l’œuvre. Il lui a associée, en préambule, des mélodies que Vaughan Williams avait écrites sur des textes de Robert Louis Stevenson : chantées par le baryton Patrice Verdelet – qui interprète également le rôle de Bartley –, elles sont mises en espace à l’aide d’un ensemble de projections vidéo fort bien réalisées. Voici un bref spectacle qui après une tournée de Rennes à Reims mériterait une reprise.
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