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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Première à l’Opéra Comique du Roi malgré lui de Chabrier dans la mise en scène de Laurent Pelly, sous la direction de William Lacey.
La renaissance de Chabrier
Le dépoussiérage des œuvres comiques du passé est bien périlleux. Ce qui a fait rire nos arrières grands-parents nous laisse le plus souvent de glace. Mais le miracle surgit parfois. Tel est le cas de la désopilante production du Roi malgré lui d’Emmanuel Chabrier que propose le metteur en scène Laurent Pelly à l’Opéra Comique.
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Le Roi malgré lui, qui fut créé dans cette même salle de l’Opéra Comique le 18 mai 1887, quelques jours avant qu’elle ne brûle, y revient, cent vingt-deux ans après, avec fraîcheur et finesse. À tel point qu’elle nous paraît une pièce indispensable du répertoire, bien supérieure à l’Étoile du même Chabrier qui avait été programmée lors de la réouverture de la salle Favart sous la direction de Jérôme Deschamps.
Certes, la ce Roi malgré lui possède une sève mélodique délicieuse. Avant les spectateurs de 2009, bien d’autres comme le musicien Reynaldo Hahn avaient qualifié cette œuvre « d’opérette colossale », Igor Stravinski de « perle authentique » et Maurice Ravel estimait qu’elle avait « changé l’harmonie française ».
Alors pourquoi, comment cette œuvre a-t-elle disparu si longtemps de la scène ? Effet de mode bien sûr. Certes, pour le public d’aujourd’hui, elle est un peu longue – trois heures –, l’intrigue romancée d’après l’Histoire de France et de Pologne met en scène Henri III qui, élu roi de Pologne, veut refuser le trône et invente des subterfuges, y compris sa participation à un complot contre lui, pour y échapper. Il n’y arrive pas et devient roi malgré lui. Il accédera au trône de France un an plus tard.
Dans ce délirant conte des tribulations d’un roi, dans cet imbroglio plein de péripéties, de conjurations, de fêtes, de duos d’amour, de barcarolles et de chansons, on s’y perdrait si le metteur en scène Laurent Pelly n’en rajoutait encore à plaisir. Il situe l’intrigue dans un théâtre en répétitions que traversent techniciens, machinistes, transportant accessoires et autres toiles peintes.
Il crée un désordre qui ordonne avec une rigueur horlogère des gags et faux semblants décalés qui ne laissent pas une seconde de répit. Il multiplie les clins d’œil, réquisitionnant même d’Artagnan qui, très en avance sur son siècle, cherche déjà les ferrets de la reine : on est dans Dumas et l‘aventure est en grand format, entre BD et cinéma. C’est à chaque minute trépidant. Avec rien, ou si peu, un escabeau, des toiles peintes, Pelly nous entraîne dans un imaginaire particulièrement inventif, entre burlesque, dérision et légèreté.
La légèreté vocale est celle de l’esclave Minka, amoureuse de Nangis, l’ami du roi. Petite sœur de Lakmé, cette virevoltante égérie est chantée par une adorable interprète, à la grâce de liane, la Guadeloupéenne Magali Léger. On se demande d’ailleurs comment cette jolie voix est si souvent absente des scènes.
Elle est entourée d’autres chanteurs, personnalités lyriques de premier plan, qui eux aussi jouent la comédie avec un sens décapant de leurs rôles comme Franck Leguérinel, trépignant duc de Fritelli, la très animée soprano Sophie Marin-Degor, virago hystérique, ou encore le baryton Jean-Sébastien Bou, épatant Henri de Valois. Les nombreux choristes et figurants – ils sont au moins une quarantaine – évoluent avec une rapidité étonnante sur le petit plateau de l’Opéra Comique, sans beaucoup de dégagement.
L’Orchestre de Paris s’amuse, un peu à l’étroit dans la fosse, sous la direction du chef anglais William Lacey. Sans doute la formation parisienne joue-t-elle un peu fort, couvrant parfois les chanteurs. Les musiciens pensent sans doute qu’ils sont déjà dans leur très grande salle de la Villette ! Seule vraie critique : tout le monde chante évidemment en français, mais la diction est si défaillante que les paroles sont inintelligibles. Heureusement qu’il y a le surtitrage !
Quoi qu’il en soit, le mérite de cette production pétillante, endiablée, narquoise, est de faire renaître non seulement l’esprit humoristique mais l’art mélodique d’un musicien français mal aimé, Emmanuel Chabrier.
Opéra Comique, jusqu’au 5 mai
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 27/04/2009 Nicole DUAULT |
| Première à l’Opéra Comique du Roi malgré lui de Chabrier dans la mise en scène de Laurent Pelly, sous la direction de William Lacey. | Alexis Emmanuel Chabrier (1841-1894)
Le Roi malgré lui, opéra-comique en trois actes (1887)
Texte d’Émile de Najac et Paul Burani
Chœurs de l’Opéra national de Lyon
Orchestre de Paris
direction : William Lacey
mise en scène et costumes : Laurent Pelly
dramaturgie : Agathe Mélinand
décors : Bernard Legoux
éclairages : Joël Adam
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Jean-Sébastien Bou (Henri de Valois, roi de Pologne), Magali Léger (Minka), Franck Leguérinel (Le duc de Fritelli), Sophie Marin-Degor (Alexina, duchesse de Fritelli), Gordon Gietz (le comte de Nangis), Nabil Suliman (Laski, grand palatin). | |
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