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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du contre-ténor Philippe Jaroussky accompagné par le Cercle de l’Harmonie sous la direction de Jérémie Rhorer dans le cadre du Printemps des Arts à la Cité des Congrès de Nantes.
Le galbe de la rose
Nantes, ce n’est pas seulement l’effervescence un rien factice de la Folle Journée, mais aussi, et depuis vingt-cinq ans, le Printemps des arts, festival dédié au baroque. Pour l’ouverture de l’édition 2009, Philippe Jaroussky étrennait un programme consacré au plus italien des fils du Cantor de Leipzig, Jean Chrétien, ce Bach de Londres que Mozart admirait tant.
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Né en Allemagne, formé en Italie et établi à Londres, Johann Christian Bach, onzième et dernier fils du Cantor de Leipzig, fut le digne successeur de… Haendel. Il sut en effet raviver le goût du public anglais pour l’opera seria, auquel le Caro Sassone fut contraint de renoncer pour éviter la faillite, se tournant définitivement vers l’oratorio en langue vernaculaire. C’est qu’à l’orée du classicisme, ce genre éculé n’avait pas dit son dernier mot, revivifié par la réforme initiée par Jommelli et Traetta, et que la postérité a trop exclusivement attribuée à Gluck. Le rôle qu’y joua Jean Chrétien Bach est rien moins que négligeable, notamment à travers l’influence qu’il exerça sur le jeune Mozart.
Lorsque ce dernier arriva à Londres en 1764, deux castrats illustres se partageaient l’affiche du King’s Theatre, Giusto Ferdinando Tenducci, dont Thomas Gainsborough fit deux portraits – l’un vient, pour l’anecdote, d’être adjugé pour plus de deux millions d’euros lors de la vente de la collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé –, et Giovanni Manzuoli, primo uomo dont le musicographe voyageur Charles Burney loue la remarquable puissance vocale.
C’est d’eux que le petit prodige reçut ses premières leçons de bel canto, dont il se souviendra quelques années plus tard en les gratifiant d’airs de concert. Quant à Jean Chrétien, il lui transmit son goût pour les orchestrations recherchées. Jamais Mozart n’oubliera cet enseignement, qu’il transcendera dans les œuvres de sa maturité. Réhabiliter le Bach de Londres, c’est donc assurément lancer une nouvelle pierre dans le jardin des adeptes de la génération spontanée du génie : comme tout Messie, Mozart eut ses prophètes.
S’il ne peut tout à fait se départir de la soumission de rigueur à la vocalité, Bach n’en innove pas moins, tant du point de vue de l’instrumentation, en combinaisons parfois inouïes – un pianoforte soudain mélodique dominant les hautbois et les cordes en pizzicati dans l’air de concert Io ti lascio –, que de la forme, lorsqu’il privilégie le rondo, sans toutefois renoncer à l’aria da capo. Aussi, malgré l’hégémonie des tonalités majeures, subrepticement modulées dans les accompagnati, la monotonie ne guette jamais.
C’est que l’écriture vocale varie sans cesse du cantabile le plus extatique aux sauts les plus périlleux, et sollicite dans les récitatifs une déclamation ample et soutenue. Pour le chanteur, la tâche est donc ardue, qui plus est pour un contre-ténor. Mais Philippe Jaroussky n’a nul besoin de recourir au type d’indulgences qui consisteraient à ne le juger qu’à cette aune. Certes, l’extrême aigu accuse ça et là quelques tensions, l’équilibre harmonique est parfois mis en péril par les passages de registre, et le volontarisme expressif de certaines consonnes accuse quelques ruptures un rien trop marquées du flux vocal : en somme ce que ce galop d’essai permettra d’ajuster.
Car tout le reste est remarquable, à commencer par l’homogénéité définitivement acquise d’un timbre florissant, au toucher soyeux de pétale de rose et à la saveur subtile, finement acidulée, de framboise tout juste mûre. Comme inné, le belcantisme de la ligne touche au sublime dans la cavatine extraite d’Artaserse, donnée en bis, et peut-être plus encore dans la reprise de Cara, la dolce fiamma d’Adriano in Siria, dont l’ornementation délicatement esthétisante due à la main de Mozart ne manque pas de surprendre par son abondance.
Mû par une constante obsession du galbe, le bras de Jérémie Rhorer suscite chez le Cercle de l’Harmonie des courbes qui exaltent l’élasticité constante d’une articulation affûtée. Et plus que dans une 29e symphonie de Mozart admirable dans le détail, mais moins bien tenue dans la continuité que lors du concert de Diana Damrau en mars dernier au Théâtre des Champs-Élysées, l’état de grâce est atteint dans le Concerto pour violon et cordes en sol majeur de Haydn. Se souvenant du véritable air de concert sans parole qu’est le deuxième mouvement de la Symphonie Le Midi, qui date sensiblement de la même période, l’archet de Julien Chauvin y délivre une ineffable leçon de bel canto.
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Cité des Congrès, Nantes Le 12/05/2009 Mehdi MAHDAVI |
| Récital du contre-ténor Philippe Jaroussky accompagné par le Cercle de l’Harmonie sous la direction de Jérémie Rhorer dans le cadre du Printemps des Arts à la Cité des Congrès de Nantes. | Johann Christian Bach (1735-1782)
Pugna il guerrier (La Clemenza di Scipione)
Perfida Cartismandua… Frà l’orror (Carattaco)
Joseph Haydn (1732-1809)
Concerto pour violon et cordes en sol majeur Hob VIIa : 4
Johann Christian Bach
Sentimi non partir… Al mio bene
Cara, la dolce fiamma (Adriano in Siria)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n°29 en la majeur, K. 201
Johann Christian Bach
Ebben si vada… Io ti lascio
Ch’io parta ? (Temistocle)
Philippe Jaroussky, contre-ténor
Le Cercle de l’Harmonie
direction : Jérémie Rhorer | |
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