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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Salomé de Strauss mise en scène par Pet Halmen et sous la direction de Pinchas Steinberg au Théâtre du Capitole, Toulouse.
Une Salomé sadofreudienne
Camilla Nylund (Salomé) et Morten Frank Larsen (Iokanaan)
Quelques semaines avant de quitter Toulouse pour Paris, Nicolas Joel, d’ordinaire plutôt conservateur, se lâche en confiant Salomé à la relecture psychanalytique et extraordinairement glauque de Pet Halmen. Un spectacle aux images et idées fortes, porté par une distribution de poids et par la direction École de Vienne de Pinchas Steinberg.
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Si Nicolas Joel a toujours su s’entourer de chanteurs à voix et de solides routiers de fosse pour les spectacles qu’il a programmés pendant des années au Théâtre du Capitole, on a souvent souligné le conservatisme de ses mises en scène. Il est d’autant plus étonnant qu’au moment de quitter la ville rose pour la capitale, il confie le premier opéra noir de Strauss aux soins savoureusement glauques de Pet Halmen, qui signe également décors, costumes et éclairages.
Cette Salomé qu’on imaginait de musique pure diverge de celles vues mille fois, et prend le parti d’un retour à la perversité latente de la pièce de Wilde, des thématiques souvent édulcorées du désir adolescent, de l’éveil à la sexualité, du fantasme honteux, de la décadence : eros et thanatos. Point ici d’orientalisme biblique, mais un décor noir bakélite où grouille une population de soldats de films de science-fiction, de personnages stylisés.
Le metteur en scène roumain refond l’hystérique quintette des Juifs – à mi-chemin entre Orange mécanique et Buster Keaton avec leurs chapeaux melons –, en un inquiétant numéro d’automates internautes, au besoin voyeurs et tâteurs pendant la danse de la princesse de Judée.
Dans cette cour sordide, où un Jean-Baptiste couvert de scarifications revêt un aspect satanique à la Marilyn Manson, où une Hérodiade gothique promène en laisse des serviteurs carnassiers, où le Page en punk à crinière fuchsia brûle d’un amour à peine dissimulé pour Narraboth et rêve de trancher la gorge de sa rivale, Salomé apparaît d’abord comme une gamine un peu niaise, avec son journal intime, sa robe immaculée, ses collants rose bonbon et ses frisettes peroxydées, un personnage extra-terrestre et absent, pour finir en une Marilyn – Monroe cette fois – tellement déçue par sa première expérience du désir qu’elle en devient dérisoire et universelle à la fois.
On se souviendra également du traitement magistral d’Hérode, dont les penchants troubles transparaissent à chaque occasion, pathétique dans sa résignation mais jamais ridicule, monarque humilié, démasqué en transformiste à brassière et porte-jarretelle lorsque Salomé lui arrache sa perruque devant ses serviteurs.
Ennuyeuse comme tant d’autres dans la confrontation Salomé-Iokanaan et d’un systématisme regrettable dans le chromatisme lunaire qui accompagne les paroles du prophète, la mise en scène décolle réellement à la Danse des sept voiles, qui à défaut d’être dansée éclaire les intentions psychanalytiques : un immense phallus s’érige hors de la citerne, renfermant Iokanaan pétrifié, tandis que de jeunes soldats aux balcons s’adonnent au plaisir solitaire et que l’héroïne manque de se faire violer par son beau-père.
Des images choc, dans la mouvance scandaleuse du texte et de la vie dévoyée d’Oscar Wilde, qui auraient mérité une direction d’acteurs plus crédible et surtout un réel jusqu’au-boutisme – les idées de la Danse des sept voiles s’enlisent vite, sans suivre le crescendo ouvertement orgasmique de la musique.
Dans la fosse, l’Orchestre du Capitole sonne un rien enrobé – les cuivres, les timbales – et fragile – le contrebasson –, mais les moires des bois, le rayonnement des couleurs, la vigueur des cordes répondent au geste fouillé de Pinchas Steinberg, très contrasté entre une danse alanguie et une scène finale propulsée, qui fait entendre un luxe de détails sélectionnés en fonction d’une approche très Seconde École de Vienne.
La voix exacte de Salomé
Quant au plateau, passant parfois en force, il s’avère d’une endurance à toute épreuve. Camilla Nylund a la voix exacte de Salomé : un soprano assez clair et accroché pour darder sans peine les multiples aigus du rôle, assez léger pour sonner jeune femme et permettre la nuance, assez placé pour résister aux assauts orchestraux. On pourra discuter la tendance à poitriner très haut dans la tessiture, qui répond toutefois au personnage immature vu en scène.
Morten Frank Larsen est un Iokanaan d’une projection impressionnante mais d’un vieillissement vocal alarmant pour un chanteur aussi jeune, et d’aigus poussés au vibrato élargi. Assez inégal, le Narraboth plus dramatique que d’ordinaire de Martin Mühle alterne réelles beautés, aigus radieux et velléités de puissance nuisant à la ligne et à la stabilité de l’émission.
Les comprimarii réservent quelques bonnes surprises, comme l’excellent Premier Soldat d’Istvan Kovacs, aux magnifiques graves. Enfin, une mention particulière pour l’Hérodiade phénoménale de Doris Soffel, d’une ingratitude artiste et d’aigu ravageur, et pour l’Hérode indolent, chanté jusqu’à la dernière goutte et au timbre un peu triste de Thomas Moser, à même de réhabiliter la vocalité d’un rôle dont raffolent les couineurs.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 19/05/2009 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Salomé de Strauss mise en scène par Pet Halmen et sous la direction de Pinchas Steinberg au Théâtre du Capitole, Toulouse. | Richard Strauss (1864-1949)
Salome, drame musical en un acte (1905)
Livret d’Hedwig Lachmann, d’après la pièce d’Oscar Wilde
Orchestre du Capitole de Toulouse
direction : Pinchas Steinberg
mise en scène, décors, costumes et éclairages : Pet Halmen
Avec :
Thomas Moser (HĂ©rode), Doris Soffel (HĂ©rodias), Camilla Nylund (Salome), Morten Frank Larsen (Jochanaan), Martin MĂĽhle (Narraboth), Silvia de la Muela (Der Page der Herodias), Ian Caley (Erster Jude), Emiliano Gonzalez Toro (Zweiter Jude), Erik Arman (Dritter Jude), Juan Falcon (Vierter Jude), Steven Scheschareg (FĂĽnfter Jude), Oliver Zwarg (Erster Nazarener), Vernon Kirt (Zweiter Nazarener), Istvan Kovacs (Erster Soldat), Harold Wilson (Zweiter Soldat), Philippe Fourcade (Ein Cappadocier), Stanislas de Barbeyrac (Ein Diener). | |
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