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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Liederabend de la mezzo-soprano Magdalena Kožená accompagnée au piano par Mitsuko Uchida au festival de Salzbourg 2009.
Salzbourg 2009 (3) :
Ă€ boire et Ă manger
Magdalena Kožená et Mitsuko Uchida présentent à Salzbourg un programme éclectique sinon disparate, qui malheureusement n’avantage pas toujours la voix de la chanteuse, dont les limites ressortent d’autant mieux qu’on les entend les unes après les autres au fil des répertoires, malgré une pianiste imaginative en diable. Du talent mais beaucoup de scories.
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Du bon et du moins bon dans ce programme très féminin et d’œuvres et d’interprètes ; le plus critique est à notre sens Debussy, dans lequel – à l’image d’un détestable Pelléas et Mélisande du Théâtre des Champs-Élysées encore très présent dans notre esprit – Kožená ne trouve jamais le naturel de la déclamation, empêtrée dans une diction contrainte et inintelligible, dans une recherche d’effets et un rubato absolument artificiels. « Ça chante trop souvent. Il faut chanter seulement par endroits » aurait pu dire Debussy, ainsi qu’il faisait de Wagner.
Car loin de l’esquisse, du sens énigmatique, bref de l’étrangeté de la musique et de la poésie, la chanteuse se veut sensuelle et expressive, ce qui à notre sens va à l’encontre même des ambiguës Chansons de Bilitis. De ralentis intempestifs en arrêts étalés, elle essaie en permanence de faire dans une musique où précisément il n’est que de laisser faire. On cherche en vain cette confiance et ce naturel indispensables dans Debussy, mais le début du commencement serait de parler un vrai beau français.
Ce sont pourtant les Sieben frühe Lieder de Berg qui montrent vraiment les limites vocales de la mezzo : la voix sonne ténue, le souffle un peu court, les aigus surtout accusent vraiment trop d’effort et pas assez de générosité pour ce répertoire dans lequel on a l’habitude d’entendre – avec orchestre – des voix plus lyriques. Et Uchida a beau multiplier les trésors de phrasé et de souplesse, la mise en place reste approximative, entrecoupée des imprévisibles suspensions de la chanteuse.
C’est d’autant plus regrettable qu’elle ne manque pas de musicalité et que les couleurs de sa voix se fondent volontiers avec les aspérités poétiques d’une manière sensible et intelligente ; mais là où l’expression doit culminer dans une plénitude sonore quasi straussienne, on entend surtout le travail et la fragilité.
La première partie laissait pourtant présager mieux : si les Purcell souffraient d’une théâtralité trop immédiate de la part de la mezzo, et d’un jeu pianistique toujours un peu surprenant à une époque où ces Songs sont désormais mieux connues sous des atours plus baroques, c’était aussi le fait de l’habillage subtil mais sophistiqué de Britten ; ainsi, à mi-chemin entre le baroque et la mélodie, et dans une démarche pas si éloignée de celle des Folksongs, la musique devenait une forme originale en soi, à laquelle pianiste et chanteuse s’essayaient à rendre justice avec toute leur imagination.
L’ensemble – hors la peut-être trop célèbre Music for a while, quelque peu malmenée par trop de volontarisme – restait convaincant, habité, construit, et de surcroît serti d’un très bel anglais, le tempérament d’Uchida s’accordant en outre à merveille à ces arrangements contrastés dans une écriture pianistique ici innervée, là rêveuse et suspendue.
La plus grande réussite reste Frauenliebe und Leben, où le tandem trouve une véritable adéquation avec le style. Les problèmes de mise en place sont déjà nombreux, Kožená empilant langueur sur alanguissement dans une sorte de sehr getragen perpétuel ; mais la voix est ici dans son élément, un médium caméléon et savamment exploité au service du texte, une diction expressive, parfois un rien outrancière, une architecture intelligente du cycle, et le pianisme très vivant d’Uchida, passant avec fulgurance de la passion bouillonnante à la contemplation secrète, sert admirablement la musique de mondes intérieurs de Schumann.
On regrettera pourtant, sur l’ensemble du récital, le manque de corporalité de la chanteuse, tendue, un peu fermée, et dont les nombreux mouvements de bras parasitent l’écoute : la continuité du cycle de Schumann notamment gagnerait sans doute à plus d’intériorité aussi sur le plan visuel.
Touchante dans sa fragilité, Kožená retrouvera dans Der Nußbaum en bis la même adéquation du son au mot, avant de confirmer dans Debussy que décidément le français ne lui sied pas.
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Haus fĂĽr Mozart, Salzburg Le 14/08/2009 Thomas COUBRONNE |
| Liederabend de la mezzo-soprano Magdalena Kožená accompagnée au piano par Mitsuko Uchida au festival de Salzbourg 2009. | Henry Purcell (1659-1695) / Benjamin Britten (1913-1976)
Love songs
If music be the food of love, Z 379C
Fairest Isle, Z 628
Sweeter than roses, Z 585/1
Music for a while, Z 583/2
Not all my torments, Z 400
Robert Schumann (1810-1856)
Frauenliebe und Leben, op. 42
Claude Debussy (1862-1918)
Trois chansons de Bilitis
Alban Berg (1885-1935)
Sieben frĂĽhe Lieder
Magdalena Kožená, mezzo-soprano
Mitsuko Uchida, piano | |
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