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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Gustavo Dudamel, avec la participation du violoniste Nicolaï Znaider au festival de Salzbourg 2009.
Salzbourg 2009 (10) :
Un maître du feu
Véritable leçon que ce dernier programme symphonique des Wiener à Salzbourg, où après un Concerto pour violon de Tchaïkovski sans grande rigueur, Gustavo Dudamel réussit parfaitement un Sacre du printemps qui transfigure la notion de dissonance et l’art du cataclysme avec une autorité confondante, à la tête d’un orchestre à la sonorité réinventée.
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Sous le feu des projecteurs en raison de sa personnification de la réussite du programme pédagogique hors du commun de l’Orchestre des jeunes du Venezuela, le jeune prodige de la direction Gustavo Dudamel a déjà , à tout juste 28 ans, quelques réussites incontestables à son actif à la tête des formations internationales les plus prestigieuses.
À l’heure où le petit bonhomme frisé semble installé pour de bon dans la grille des saisons symphoniques, certaines voix commencent à s’élever, s’interrogeant sur la pérennité du miracle Dudamel. Le prodige, sinon par « effets », procéderait par « trucs » de chef qui emballent à la première audition, impressionnent encore à la deuxième, et finissent par lasser à la troisième. Pour notre part, nous n’avons pas le recul nécessaire pour prédire si l’incendie Dudamel dans un premier temps vanté par les médias tournera au feu de paille qu’on étouffe avec un seau d’eau.
Toujours est-il que ce soir à Salzbourg, après un Concerto pour violon de Tchaïkovski visiblement assez peu préparé et moyennement servi par la sonorité bien étriquée de Nikolaï Znaider, qui ne rachète en rien une tendance à presser le mouvement et une multitude de scories par des coups de talon intempestifs, où chef comme soliste, peu portés sur la sobriété, se livrent à ces petits gestes et clins d’œil dont le public raffole, Dudamel réussit un coup de maître dans l’une des partitions les plus redoutables du grand répertoire : le Sacre du printemps.
On avait le souvenir de la magnifique cagade, dans ce même Großes Festspielhaus, d’un immense orchestre et de son chef plus touffu encore de frisures s’abimant tous ensemble dans un véritable naufrage. Avec une expérience ô combien plus fraîche, Dudamel avale lui aussi le Sacre de mémoire, mais sans commettre la moindre bavure, et avec une gestique qui donne l’impression que la partition est de toute facilité, déjouant pour les instrumentistes tous les pièges qui leur sont tendus par le compositeur avec un incroyable soin paternel.
Et si, connaissant le tempérament explosif du jeune homme, on pouvait craindre une interprétation un rien too much de ce ballet où il est si facile de tout casser sur son passage sans aboutir à rien de musical, on reste médusé devant l’art du dosage et de la gradation d’une lecture évidemment tranchante, engagée, d’une énergie chorégraphique à couper le souffle, mais sachant garder sous la semelle une marge dynamique, rythmique et d’accents pour les moments cruciaux de la dramaturgie si génialement élaborée par Stravinski.
Ainsi, aucun tempo ridiculement précipité, aucune verticalité caricaturale, aucune boursouflure, aucun débordement, mais l’exacte sonorité ad hoc à chaque instant, avec en prime l’art de réinventer un son viennois débarrassé de toute joliesse au profit d’une vérité sonore beaucoup plus crue.
Plus impressionnante encore, la manière de stratifier les blocs, avec ces mixtures de bois fondues et jouant dans les nuances ténues d’un art d’exalter la beauté des dissonances qui dénote une réflexion de fond sur le langage, cette confrontation au contraire génialement hétérogène des cuivres qui se percutent sans jamais se mélanger – une petite trompette superbement aiguisée, des trombones confondants d’intensité –, le tout porté par un groupe cordes-percussions qui balise le terrain avec la plus belle assise.
Toutes ces caractéristiques mêlées, auxquelles on ajoutera une entente parfaite et visible entre les musiciens et leur chef, accouchent d’un Sacre inattendu de maîtrise, de rigueur et d’adéquation sonore, largement salué par une salle qui préfère sans doute Mozart mais qui n’aura pas manqué d’ovationner Dudamel et certains pupitres de l’orchestre à marquer d’une pierre blanche – les timbales d’Anton Mittermayer.
Comme quoi même les années de disette lyrique, Salzbourg reste le lieu de tous les possibles !
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 27/08/2009 Yannick MILLON |
| Concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Gustavo Dudamel, avec la participation du violoniste Nicolaï Znaider au festival de Salzbourg 2009. | Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 (1877)
NikolaĂŻ Znaider, violon
Igor Stravinski (1882-1971)
Le Sacre du printemps, tableaux de la Russie paĂŻenne en deux parties (1913)
Wiener Philharmoniker
direction : Gustavo Dudamel | |
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