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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Kurt Masur, avec la participation du violoniste Vadim Repin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Romantisme pur et dur
Superbe concert de musique hyper romantique allemande, même si la musique de scène de l’Egmont de Beethoven est à bien des égards encore fort tournée vers le XVIIIe siècle finissant. Un Orchestre national très investi, un chef patrimonial et un soliste magistral dans le superbe Concerto pour violon de Brahms, que demander de plus ?
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Il est bon que certains programmes nous aident à préciser à nouveau certaines notions qui ont tendance à tomber dans la routine des idées reçues si l’on n’y prend garde. Sous le nom de romantisme allemand, on a en effet trop tendance chez nous à englober une vaste période de plus d’un siècle, comme si tout ce qui a été composé à partir de Schubert et Beethoven jusqu’à Brahms et pourquoi pas Wagner, était de la même eau.
Ce n’est pas le cas en Allemagne, où le premier Beethoven au moins, et bien des Schubert du début aussi, sont considérés comme préromantiques. Dans le cas de ce concert, il suffit de regarder les dates. Concerto pour violon et orchestre de Brahms (1878-1881), Egmont de Beethoven (1809). Soixante-dix ans séparent les deux partitions, autant que Boulez ou Dutilleux des dernières pages de Brahms. Alors, rendons grâce à Kurt Masur et aux interprètes qu’il dirige de marquer de manière absolument lisible tout ce qui unit et sépare l’univers d’un Beethoven enraciné dans la tradition de Haydn et de Mozart et celui d’un Brahms partie prenante absolue d’un mouvement romantique qui va bientôt toucher à son crépuscule.
Avec le Concerto pour violon de Brahms qui occupe la première partie de ce concert, on peut aisément tomber dans la grande démonstration de virtuosité extravertie. Aussi bien Kurt Masur et l’Orchestre national que Vadim Repin au violon optent pour l’inverse, soit une lecture d’une très grande pureté intérieure, proche de la rigueur, mais très émouvante justement par sa fidélité à l’esprit du texte, en accentuant couleurs et rythmes Mitteleuropa.
Le dernier mouvement, en particulier, est attaqué dans l’esprit des danses hongroises, avec une vigueur et un enthousiasme assez opposés aux tempi et aux teintes adoptés pour les deux premiers mouvements. L’ampleur de l’écriture orchestrale n’a d’ailleurs besoin ici de nulle emphase, seulement d’accentuations justes, d’équilibres bien pensés. Masur la restitue avec une hauteur de vue magnifique, sans chercher à séduire par des sonorités chatoyantes ni par une dynamique outrée. Juste ce qu’il faut pour que Repin puisse se placer en partenaire et rival, avec un coup d’archet magique, un son d’une force qui se mue en subtile finesse quand il le faut, une sensibilité pudique mais très touchante, presque austère par instants. Magistral à tous égards.
En deuxième partie, l’intégrale de la musique d’Egmont est sans aucun doute une découverte pour beaucoup. Si l’ouverture est fort connue, le reste ne l’est guère, en France tout au moins. Les airs de soprano rappellent ceux de Marceline dans Fidelio, et les entractes orchestraux frappent par la sobriété parfois presque minimaliste de leur écriture orchestrale. Reconnaissons que c’est plus intéressant que bouleversant, d’autant qu’ici aussi la direction de Kurt Masur se refuse à toute facilité et que la soprano Melanie Diener, voix sans charme et sans vraie projection dramatique, n’est pas un apport très positif pour défendre la partie vocale.
Peut-être que si elle avait fait l’effort d’apprendre par cœur ses deux interventions assez courtes, elle aurait communiqué de façon plus directe avec le public qu’en restant rivée à son pupitre. Quant on songe à ce que mémorisent les interprètes de Wagner ou de Strauss ! Même reproche au récitant Ulrich Tukur, dont la dimension réduite des interventions ne justifie pas non plus l’écran d’une partition.
En dépit de ces restrictions sur les solistes d’Egmont, cette confrontation entre le romantisme dépouillé malgré son incontestable ferveur et son inspiration très Sturm und Drang d’un Beethoven pourtant aux deux bons tiers de sa carrière et le romantisme épanoui, généreux, largement assumé, d’un Brahms en totale maturité s’acheminant vers la fin du siècle, aura été passionnante, instructive, assez bouleversante même.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 24/09/2009 Gérard MANNONI |
| Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Kurt Masur, avec la participation du violoniste Vadim Repin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77
Vadim Repin, violon
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Egmont, musique pour le drame de Goethe op. 84
Melanie Diener, soprano
Ulrich Tukur, récitant
Orchestre national de France
direction : Kurt Masur | |
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