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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création au Grand Théâtre de Tours de la Clémence de Titus de Mozart mise en scène par Alain Garichot, sous la direction de Jean-Yves Ossonce.
Le point sur Titus
Rié Hamada (Vitellia)
Créée à la Monnaie de Bruxelles en juin 1982, la Clémence de Titus des Herrmann fut un tel séisme que ses répliques se ressentent encore. Preuve en est, la mise en scène d’Alain Garichot présentée au Grand Théâtre de Tours. Jean-Yves Ossonce parvient quant à lui à tendre l’arc dramatique sans brusquer un plateau plus uni par l’expression que par le style.
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Longtemps, le retour de Mozart au genre seria, si rigide et déjà démodé à l’époque, à en croire toutes les bêtises qu’on a pu lire à son sujet, a été perçu comme un régression, et certains – les auteurs des bêtises – auraient préféré que la place occupée par la Clemenza di Tito entre Così fan tutte – à vrai dire tout aussi mal aimé, et réhabilité à peine plus tôt – et Die Zauberflöte demeurât vacante. Bien sûr, Parto, parto et sa clarinette, Non più di fiori et son cor de basset éveillaient en eux quelques scrupules, mais le théâtre de Metastasio, même ridotto a vera opera par Caterino Mazzolà , ne valait décidément pas grand-chose.
L’enregistrement réalisé en 1967 sous la direction d’Istvà n Kertész redora cependant quelque peu le blason du dernier opéra italien de Mozart. Et Jean-Pierre Ponnelle fit tout ce qu’il put dès 1969 à Cologne, avec le même Kertész, pour imposer l’œuvre au répertoire. Mais la réhabilitation définitive, bien que quelques grincheux fassent encore la fine bouche, eut lieu à Bruxelles en juin 1982. Non contents de faire exploser leur bombe théâtrale à force de références et d’intelligence, les époux Herrmann signèrent un manifeste de la mise en scène mozartienne contemporaine.
L’esthétique est épurée, mais ne refuse pas les citations d’époque, et surtout le jeu se libère, les caractères prétendument rigides du poème métastasien prennent chair tout simplement parce qu’ils ont osé, avec le concours de Sylvain Cambreling, alors fraîchement nommé directeur musical de la Monnaie par Gerard Mortier, prendre au sérieux ces fameux récitatifs si perfidement raillés parce qu’ils sont de la main d’un subalterne.
Vincent Lansiaux, qui tient le clavecin dans la fosse du Grand Théâtre de Tours, n’a assurément pas retenu la leçon. Que de désinvolture, que d’indifférence dans ces accords plaqués ou arpégés au petit bonheur la chance, trop tôt, trop tard, mais jamais au bon moment ! Voici quinze ans, voire dix, pareille absence d’imagination, de secours même aurait peut-être été tolérable, mais aujourd’hui, alors que certains continuistes en font même trop, c’est à se pincer !
Alain Garichot et son équipe assument en revanche parfaitement l’héritage des Herrmann, parfois même jusqu’à la citation. Le reflet est assurément un peu terne, mais il a le mérite de la clarté, et surtout de ne jamais trop abandonner les chanteurs à eux-mêmes. Les jeux d’ombres de Marc Delamézière, qui avait déjà illuminé Mireille sur la même scène en mai dernier, achèvent d’approfondir les solitudes qui se succèdent jusqu’au pardon final.
Si l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours perd en concentration sonore et en cohésion au fil de la soirée jusqu’à frôler un certain prosaïsme dans le second air de Sesto, Jean-Yves Ossonce parvient à maintenir la tension de l’arc dramatique tout en veillant au confort de ses chanteurs, dont certains tempi semblent découler.
Ainsi, Non più di fiori se déploie largement afin que Rié Hamada puisse épanouir son legato supérieurement nourri, quasi bellinien. Jamais la soprano japonaise ne renchérit sur les éclats du rôle, cherchant et trouvant une plénitude sonore sur une étendue gigantesque en recentrant aussi progressivement qu’habilement la voix vers le grave. Sa Vitellia n’en est que plus noble.
À l’inverse, le mouvement plus allant que de coutume des airs de Sesto permet à Anna Destraël de maîtriser un vibrato qui tend à s’affoler dès lors que la ligne se tend. Mais sans doute cette prise de rôle arrive-t-elle un peu tôt dans la carrière de cette jeune mezzo-soprano appréciée la saison passée dans le Compositeur d’Ariadne auf Naxos. Ses phrasés se révèlent en effet précautionneux, sinon scolaire, et son bel instrument manque encore d’endurance pour ne pas perdre ses crêtes face à la difficulté.
Annio inattendu, parce que la couleur, l’étoffe, le caractère, le profil même, malheureusement pas l’aigu, la destinent plutôt à Vitellia, Salomé Haller délivre une véritable leçon de musique, conséquence d’un art inné de l’inflexion enrichi de sa pratique passionnée et passionnante du répertoire baroque.
Au même niveau de variété, Yves Saelens fascine dans les récitatifs par un débit toujours juste, façonné tant sur le mot que sur la progression harmonique. Plus que la qualité de la voix, parfois un rien poussive et cependant pleine de ressources dynamiques et chromatiques, la conduite de la ligne et l’intelligence théâtrale confèrent à Titus une autorité et une éloquence rares.
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