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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de la Radio de Francfort sous la direction d’Emilio Pomarico, avec la participation de la violoniste Carolin Widmann au Théâtre du Châtelet, Paris.
Les oreilles toutes fraîches
Programme court et dense pour ce concert du Festival d'Automne au Châtelet qui présentait deux œuvres hypnotiques de Luciano Berio et Morton Feldman. Sous l'archet de Carolin Widmann et la baguette d'Emilio Pomarico à la tête de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort, l'ample Violin and Orchestra de Feldman devenait une expérience musicale unique et rassérénante.
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Le Festival d'Automne reste pour d'aucuns cet événement parisien un peu intimidant d'octobre à décembre, qui mène une politique de fidélité à l'encontre des compositeurs. Stockhausen, Sciarrino, Berio, Rihm, Dufourt... , ce sont un peu toujours les mêmes noms mis à l'affiche, qui éveillent parfois l'impression que la manifestation donne à entendre le patrimoine musical de la seconde moitié du XXe siècle.
Et pourtant, l'on aurait tort de ne pas s'y rendre, tant ce patrimoine-là reste vivant et pérenne. Au programme de ce concert au Châtelet, deux grands noms, deux disparus : le premier récemment, Luciano Berio, et le second l'Américain Morton Feldman, mort en 1987.
Du célèbre Italien, une œuvre, Bewegung pour orchestre, de 1971 qui ressemble à une courte préparation aux hypnotiques hétérophonies de Coro, la grande pièce du Berio des années 1970. L'orchestre de Bewegung sonne à la manière d'une immense méduse aux couleurs finement irisées, où apparaîtrait de temps en temps des timbres différenciés. Grise au disque, cette musique paraît étrangement spectaculaire en concert.
Signe d'un programme mûrement réfléchi, le Violin and Orchestra de Morton Feldman qui s'ensuit est la continuation poussée jusqu'à son paroxysme de la pièce de Berio. Sur près d'une heure, le compositeur américain bâtit en effet une musique aux lisières du pianissimo, emportant l'auditeur dans une spirale temporelle étrangement torpide.
Des micro-événements aussitôt arrêtés, puis étirés sont contrebalancés par un génie du timing et de la lente métamorphose – on songe encore à ce glas funèbre du piano sous le grondement des timbales et des contrebasses, qui fait apparaître un violon soliste, formant l'une des plus incroyables musiques nocturnes jamais écrites.
Après une longue journée de travail ou de fatigue, l'effet est garanti ! Sous la baguette attentive d'Emilio Pomarico à la tête de l'Orchestre de la Radio de Francfort, Violin and Orchestra ressemble ainsi à l'une de ces nuits pleine de fièvre, de cauchemars, et d'apaisements trompeurs. L'orchestre et la violoniste allemande Carolin Widmann répandent des contrastes et des nuances étonnantes pour une musique aussi minimaliste.
On remercie le Festival d'Automne d'offrir pareille expérience, car passé la première demi-heure, la musique de Morton Feldman finit par nous attacher au pur geste instrumental – un pizzicato, un glissando, un silence – et le moindre bruit a fortiori humain de la salle – toussotement, papier froissé, frottement de tissu – devient sinon obscène du moins terriblement déplacé dans un Théâtre du Châtelet recueilli. Après une heure de Morton Feldman, ou littéralement de violon et d'orchestre, on ressort épuisé mais les oreilles toutes fraîches, prêtes à écouter la rumeur de la ville.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 19/10/2009 Laurent VILAREM |
| Concert de l’Orchestre de la Radio de Francfort sous la direction d’Emilio Pomarico, avec la participation de la violoniste Carolin Widmann au Théâtre du Châtelet, Paris. | Luciano Berio (1925-2003)
Bewegung
Morton Feldman (1926-1987)
Violin and Orchestra
Carolin Widmann, violon
Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort
direction : Emilio Pomarico | |
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