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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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MĂ©dĂ©e de Cherubini dans la mise en scĂšne de Yannis Kokkos et sous la direction de Paolo Olmi Ă lâOpĂ©ra de Lorraine.
Barbare Ă visage humain
ElĂ©gante et incandescente, la MĂ©dĂ©e de Cherubini mise en scĂšne par Yannis Kokkos pour le Capitole de Toulouse puis le ChĂątelet au printemps 2005, arrive Ă lâOpĂ©ra de Lorraine de Nancy. Une reprise qui sâavĂšre un vrai succĂšs, avec en prime la dĂ©couverte dâune tragĂ©dienne authentiquement Ă lâitalienne qui a pour nom Chiara Taigi.
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Quand une production est de qualitĂ©, pourquoi ne voyagerait-elle pas ? Les opĂ©ras ont de plus en plus recours Ă des coproductions ou Ă des locations de productions quasiment clĂ©s en mains. Elles ont pour rĂ©sultat dâabaisser les coĂ»ts. Un exemple : cette MĂ©dĂ©e venue du Capitole coĂ»te, pour les dĂ©cors et les costumes, 5 500 euros par reprĂ©sentation.
Ă cela, il faut ajouter, et câest le plus cher, le prix du plateau, câest-Ă -dire les cachets des instrumentistes et des chanteurs, des choristes et des figurants ainsi que les salaires des techniciens. Il ne saurait ĂȘtre question dâĂ©riger de tels Ă©changes entre les opĂ©ras en un systĂšme qui appauvrirait la crĂ©ation artistique. Mais paradoxalement, pourquoi priver les NancĂ©ens dâune production qui a ravi les Toulousains ?
La MĂ©dĂ©e de Yannis Kokkos, dans un dĂ©cor simple et Ă©lĂ©gant, utilise bien lâespace et offre quelques images chocs : lâĂ©norme proue Ă tĂȘte de femme de lâArgos qui envahit la scĂšne ; le dĂ©filĂ© du mariage de Jason et de Glauce dans son long voile blanc sur lequel sont jetĂ©s les pĂ©tales rouge sang dâune tragĂ©die qui va enfler jusquâĂ la suffocation. Enfin, le monumental escalier au sommet duquel vacille dans une vasque une flamme, celle qui va embraser le temple de Junon. Ce dĂ©cor est pourtant empreint de sĂ©rĂ©nitĂ©. Câest ce qui en fait la force en contraste avec la puissance ravageuse de la musique et du drame.
Le mythe, sans doute lâun des plus sombres de la tragĂ©die grecque, a inspirĂ© bien des artistes parmi lesquels Euripide, Ovide, SĂ©nĂšque ou encore Pierre Corneille et EugĂšne Delacroix.
MĂ©dĂ©e de Cherubini Ă©tait tombĂ©e dans lâoubli quand Maria Callas ressuscita cette Ćuvre qui correspondait Ă toute la gamme des sentiments quâelle avait le gĂ©nie dâamplifier. Souvenons nous aussi quâen 1969, elle tourna le fameux film MĂ©dĂ©e de Pasolini oĂč, ironie du cinĂ©aste, elle ne chantait pas la moindre note !
Depuis, maintes divas ont repris le rĂŽle impossible de Cherubini : par exemple, au Palais Garnier, Shirley Verrett dans la mise en scĂšne de Liliana Cavani. Ă Toulouse et au ChĂątelet, la soprano Anna Caterina Antonacci a laissĂ© le souvenir dâune enjĂŽleuse vaticinante, dâune suppliante Ă©garĂ©e, dâune femme qui a la rage. Lui succĂšde aujourdâhui la soprano italienne peu connue en France Chiara Taigi.
Cette chanteuse qui fait lâessentiel de sa carriĂšre en Italie en est Ă sa sixiĂšme production de lâĆuvre de Cherubini. Câest dire combien lâopĂ©ra fascine les metteurs en scĂšne de toutes origines, comme rĂ©cemment Ă la Monnaie de Bruxelles le trĂšs crĂ©atif Krzysztof Warlikowski. Taigi possĂšde le rĂŽle dans toutes les fibres de son corps : elle vibre, rĂ©servĂ©e et impulsive, dâune voix ample, toute en tension. Si elle est bien, comme le veut la partition, une barbare et une Ă©trangĂšre, la sauvage criminelle infanticide, lâincandescente hystĂ©rique nous fascine par son humanitĂ©. VoilĂ une chanteuse qui devrait ĂȘtre plus souvent en France.
Ă ses cĂŽtĂ©s, sous la baguette engagĂ©e de Paolo Olmi et dans une distribution de qualitĂ© Ă©merge dans le personnage troublant de NĂ©ris une jeune mezzo française dâorigine russe, Svetlana Lifar, dont la voix ronde et charnue a mĂ»ri.
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