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CRITIQUES DE CONCERTS 30 décembre 2024

MĂ©dĂ©e de Cherubini dans la mise en scĂšne de Yannis Kokkos et sous la direction de Paolo Olmi Ă  l’OpĂ©ra de Lorraine.

Barbare Ă  visage humain
© OpĂ©ra de Lorraine

ElĂ©gante et incandescente, la MĂ©dĂ©e de Cherubini mise en scĂšne par Yannis Kokkos pour le Capitole de Toulouse puis le ChĂątelet au printemps 2005, arrive Ă  l’OpĂ©ra de Lorraine de Nancy. Une reprise qui s’avĂšre un vrai succĂšs, avec en prime la dĂ©couverte d’une tragĂ©dienne authentiquement Ă  l’italienne qui a pour nom Chiara Taigi.
 

Opéra de Lorraine, Nancy
Le 15/11/2009
Nicole DUAULT
 



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  • Quand une production est de qualitĂ©, pourquoi ne voyagerait-elle pas ? Les opĂ©ras ont de plus en plus recours Ă  des coproductions ou Ă  des locations de productions quasiment clĂ©s en mains. Elles ont pour rĂ©sultat d’abaisser les coĂ»ts. Un exemple : cette MĂ©dĂ©e venue du Capitole coĂ»te, pour les dĂ©cors et les costumes, 5 500 euros par reprĂ©sentation.

    À cela, il faut ajouter, et c’est le plus cher, le prix du plateau, c’est-Ă -dire les cachets des instrumentistes et des chanteurs, des choristes et des figurants ainsi que les salaires des techniciens. Il ne saurait ĂȘtre question d’ériger de tels Ă©changes entre les opĂ©ras en un systĂšme qui appauvrirait la crĂ©ation artistique. Mais paradoxalement, pourquoi priver les NancĂ©ens d’une production qui a ravi les Toulousains ?

    La MĂ©dĂ©e de Yannis Kokkos, dans un dĂ©cor simple et Ă©lĂ©gant, utilise bien l’espace et offre quelques images chocs : l’énorme proue Ă  tĂȘte de femme de l’Argos qui envahit la scĂšne ; le dĂ©filĂ© du mariage de Jason et de Glauce dans son long voile blanc sur lequel sont jetĂ©s les pĂ©tales rouge sang d’une tragĂ©die qui va enfler jusqu’à la suffocation. Enfin, le monumental escalier au sommet duquel vacille dans une vasque une flamme, celle qui va embraser le temple de Junon. Ce dĂ©cor est pourtant empreint de sĂ©rĂ©nitĂ©. C’est ce qui en fait la force en contraste avec la puissance ravageuse de la musique et du drame.

    Le mythe, sans doute l’un des plus sombres de la tragĂ©die grecque, a inspirĂ© bien des artistes parmi lesquels Euripide, Ovide, SĂ©nĂšque ou encore Pierre Corneille et EugĂšne Delacroix.
    MĂ©dĂ©e de Cherubini Ă©tait tombĂ©e dans l’oubli quand Maria Callas ressuscita cette Ɠuvre qui correspondait Ă  toute la gamme des sentiments qu’elle avait le gĂ©nie d’amplifier. Souvenons nous aussi qu’en 1969, elle tourna le fameux film MĂ©dĂ©e de Pasolini oĂč, ironie du cinĂ©aste, elle ne chantait pas la moindre note !

    Depuis, maintes divas ont repris le rĂŽle impossible de Cherubini : par exemple, au Palais Garnier, Shirley Verrett dans la mise en scĂšne de Liliana Cavani. À Toulouse et au ChĂątelet, la soprano Anna Caterina Antonacci a laissĂ© le souvenir d’une enjĂŽleuse vaticinante, d’une suppliante Ă©garĂ©e, d’une femme qui a la rage. Lui succĂšde aujourd’hui la soprano italienne peu connue en France Chiara Taigi.

    Cette chanteuse qui fait l’essentiel de sa carriĂšre en Italie en est Ă  sa sixiĂšme production de l’Ɠuvre de Cherubini. C’est dire combien l’opĂ©ra fascine les metteurs en scĂšne de toutes origines, comme rĂ©cemment Ă  la Monnaie de Bruxelles le trĂšs crĂ©atif Krzysztof Warlikowski. Taigi possĂšde le rĂŽle dans toutes les fibres de son corps : elle vibre, rĂ©servĂ©e et impulsive, d’une voix ample, toute en tension. Si elle est bien, comme le veut la partition, une barbare et une Ă©trangĂšre, la sauvage criminelle infanticide, l’incandescente hystĂ©rique nous fascine par son humanitĂ©. VoilĂ  une chanteuse qui devrait ĂȘtre plus souvent en France.

    À ses cĂŽtĂ©s, sous la baguette engagĂ©e de Paolo Olmi et dans une distribution de qualitĂ© Ă©merge dans le personnage troublant de NĂ©ris une jeune mezzo française d‘origine russe, Svetlana Lifar, dont la voix ronde et charnue a mĂ»ri.




    Opéra de Lorraine, Nancy
    Le 15/11/2009
    Nicole DUAULT

    MĂ©dĂ©e de Cherubini dans la mise en scĂšne de Yannis Kokkos et sous la direction de Paolo Olmi Ă  l’OpĂ©ra de Lorraine.
    Luigi Cherubini (1760-1842)
    Medea, drame lyrique en trois actes (1797)

    ChƓur de l’OpĂ©ra national de Lorraine
    Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
    direction : Paolo Olmi
    mise en scÚne, décors et costumes : Yannis Kokkos
    Ă©clairages : Patrice Trottier

    Avec :
    Chiara Taigi (Medea), Chad Shelton (Giasone), Alfred Walker (Creonte), MaĂŻra Kerey (Glauce), Svetlana Lidar (NĂ©ris), Yuree Jang (Prima ancella), Aline Martin (Seconda ancella).

     


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