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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction de Christian Thielemann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Une simili-tradition
Soirée décevante que cet aperçu de l’intégrale des symphonies de Beethoven que donneront la saison prochaine Christian Thielemann et le Philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Élysées. Après une 8e symphonie copieusement plombée et un Egmont à la belle flamme, le chef allemand alterne envolées et tunnels dans la 7e.
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En janvier 2005, nous assistions hébété à l’interprétation de la 8e symphonie de Beethoven par Gennadi Rozhdestvensky au Théâtre Mogador, et en rendions compte ainsi : « on reste sceptique devant cette 8e apathique. Le ton y est donné d'emblée : son d'orchestre épais, débordant de cordes, trop lisse pour accrocher l'oreille. Après un premier mouvement presque irrespirable, beaucoup trop legato, l'Allegretto scherzando, bourgeois et collet monté, bonhomme mais jamais ironique, manque de ce style déboutonné qui est la marque de fabrique d'un Beethoven rien moins que respectueux des convenances. »
On pourrait presque reprendre mot pour mot ce commentaire devant l’exécution torpide de la même symphonie par Christian Thielemann et les Wiener Philharmoniker. En cette période de commémoration de la chute du mur de Berlin, on est d’autant plus stupéfait par les similitudes du geste musical, imputable à l’isolement derrière le rideau de fer du chef russe, mais qu’on ne saurait pardonner au chef allemand, fier Berlinois de l’ouest a priori au fait de l’évolution de l’interprétation beethovénienne de ces quarante dernières années.
Car à l’heure actuelle, même les chefs les plus attachés à une conception à l’ancienne, à une pâte sonore généreuse, comme Mariss Jansons ou Bernard Haitink, ont intégré à leur manière les avancées de la révolution baroque, ne serait-ce qu’au niveau du rebond, du souci de la vivacité. Et tant qu’à défendre un tempo rivé à la pédale de frein, si encore ce Beethoven penaud était viennois, gourmand, à la manière de Josef Krips !
Le souci avec Thielemann, auteur de Bruckner, de Strauss de tout premier plan, autoproclamé gardien du temple de la tradition germanique, c’est qu’il singe ici les grands anciens, qu’il donne dans le simili, sans la pulsation imperturbable d’un Karajan, l’architecture inébranlable d’un Böhm, et moins encore la géniale hybris d’un Furtwängler.
En soi, ces tempi bridés, ces tenues excessivement longues, cette volonté de grandeur prussienne, ce déni de rythmicité, cette prépondérance absolue des cordes ne seraient pas fatals si la structure n’était la plupart du temps mise à mal par des effets, des suspensions prévisibles des quatrièmes temps qui affaiblissent la dramaturgie et la tension, qui dévitalisent le nerf beethovénien.
Assez naturellement, ce climat sénatorial, cul-pincé, s’estompe devant une ouverture d’Egmont imposante et tragique, avec des phrasés toujours aussi longs que la muraille de Chine mais cette fois d’une réelle tension, même si le timbalier Anton Mittermayer doit réfréner son ardeur naturelle pour se couler dans la richesse du tapis de cordes.
Quant à la 7e symphonie, elle se coule moins mal dans le moule que sa petite sœur, avec même un premier mouvement bien construit et tenu, ouvert par un portique tout en majesté, sans atteindre au climax terminal espéré mais avec une certaine énergie ronronnante.
Apothéose du yo-yo
Et si Thielemann étonne par un Allegretto qui ne vire pas à la marche funèbre du Crépuscule des dieux, il retombe dans le péché mignon qui avait défiguré ses Schumann dans un Finale en impossible « apothéose du yo-yo », entre accélérations arbitraires et alanguissements synonymes de tunnels.
Des écueils tout aussi préjudiciables dans l’ouverture de Coriolan donnée en bis, qui se la joue à la Furt – no man’s land dans les tenues de cors avant le deuxième thème, silences distendus – et badine avec l’agogique sans parvenir au dixième de sentiment tragique de son aîné. De surcroît, les Wiener Philharmoniker, aux cordes somptueuses, affichent ce soir des vents assez peu concentrés.
En avril, dans cette même salle, le Beethoven de Paavo Järvi avait bousculé, grisé par sa radicalité, ses arêtes vives et son tranchant implacable. En comparaison, celui de Thielemann n’est même pas traditionnel, il sonne rance, écho déformé d’une époque où Beethoven était le faire-valoir des véritables géants de la baguette.
Reste à voir comment le chantre de la germanité se débrouillera du cycle entier prévu la saison prochaine, avant parution dans le marbre numérique du CD et du DVD, in saecula saeculorum.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 16/11/2009 Yannick MILLON |
| Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction de Christian Thielemann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 8 en fa majeur, op. 93
Egmont, ouverture op. 84
Symphonie n° 7 en la majeur, op. 92
Wiener Philharmoniker
direction : Christian Thielemann | |
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