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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Études d’exécution transcendant de Liszt par le pianiste Boris Berezovsky à la salle Pleyel, Paris.
L’homme orchestre
Étonnant récital de Boris Berezovsky, qui déroule en soixante-dix minutes d’affilée les douze Études d’exécution transcendante de Franz Liszt. Une magnifique leçon de musique, bien au-delà de la performance physique. Le grand piano orchestral romantique à son zénith, mais aussi la confirmation que le pianiste russe sait aussi faire dans la dentelle, dans quelques bis consacrés à Chopin.
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Quand il surgit sur les sommets du monde pianistique avec son Prix au Concours Tchaïkovski en 1990, Boris Berezovsky apparaissait surtout comme un phénomène de virtuosité. Il aimait d’ailleurs toujours déclarer deux ou trois années plus tard que le défi technique représenté par les œuvres jugées les plus difficiles du répertoire, comme Islamey de Balakirev ou Scarbo de Ravel ; l’attiraient particulièrement et qu’il voulait expérimenter les limites de ses possibilités en ce domaine.
Deux décennies sont passées et à 40 ans aujourd’hui, le pianiste russe a cheminé avec passion et succès sur tous les chemins de la musique, y compris ceux de la musique de chambre qu’il pratique assidûment.
C’est donc en musicien totalement mature, réfléchi, riche de multiples expériences, qu’il maîtrise maintenant ces Études d’exécution transcendante, sa fabuleuse technique lui permettant de les jouer toutes les douze à la suite, comme s’il s’agissait des valses de Chopin, compositeur auquel il rend d’ailleurs une sorte d’hommage complémentaire en six ou sept bis, valses, mazurkas, études, avec une identique facilité, une aisance déconcertante, une musicalité absolue.
Les Études de Liszt sont naturellement l’occasion d’une démonstration technique presque surhumaine, car elles font appel à tous les aspects du travail pianistique, force, légèreté arachnéenne, vitesse, phrasé, dans des enchaînements souvent contradictoires, éprouvants pour les doigts comme pour les poignets.
Il y en a qui sont de vrais petits poèmes symphoniques figuratifs, d’autres beaucoup plus abstraites, toutes permettant de sortir du piano la totalité de ses ressources, le rapprochant au maximum d’un orchestre entier, à condition que l’on y mette autant de cervelle et de sensibilité que de doigts.
Et là , on ne peut être qu’admiratif devant la manière dont Berezovsky évite toute brutalité et tout choc agressif dans la puissance et dans les avalanches d’accords, tout comme il passe soudain à un murmure quasi violonistique ou vocal, déroule calmement tel passage intérieur qui nous plonge dans le rêve, avec une infinie variété de couleurs, d’accents, bref une virtuosité qui raconte sans cesse quelque chose, qui n’est jamais vaine. Il fait avant tout de la musique.
Le piano gronde, s’enfle, comme dans ce magnifique crescendo d’Harmonies du soir qui part de presque rien pour devenir des orgues de cathédrale, ou bien il murmure dans les scintillements magiques des Feux-follets. On pourrait multiplier les exemples car chaque étude est caractérisée, bien individualisée, nous entraînant dans le plus passionnant des voyages au cœur du romantisme, dans un monde où tout est émotion, sensibilité, rêve, vision.
Alors, si parfois la multiplication des bis en fin de concert peu détruire le climat créé précédemment, on ne saurait reprocher au pianiste sa générosité subtile qui calme le jeu tout en le prolongeant avec des pages de Chopin, autre versant du même romantisme… et occasion pour l’artiste de montrer son art sous un jour différent.
On retrouvera Boris Berezovsky dans un récital Liadov-Rachmaninov à l’Auditorium du Louvre le 13 janvier, puis au cours des trois concerts du festival de Musique russe de la salle Pleyel les 27 et 28 mars, avec Brigitte Engerer, Dmitri Makhtin et Alexandre Kniazev.
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Salle Pleyel, Paris Le 30/11/2009 GĂ©rard MANNONI |
| Études d’exécution transcendant de Liszt par le pianiste Boris Berezovsky à la salle Pleyel, Paris. | Franz Liszt (1811-1886)
Douze études d’exécution transcendante
Boris Berezovsky, piano | |
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