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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création en France de The Sound of Music de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II dans une mise en scène d’Emilio Sagi et sous la direction de Kevin Farrell au Théâtre du Châtelet.
Climb Ev’ry Mountain
La création française de l’ultime chef-d’œuvre de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II, The Sound of Music, marque indiscutablement le sommet de la politique artistique menée par Jean-Luc Choplin au Théâtre du Châtelet. Impossible en effet de ne pas succomber à la production colorée et poétique d’Emilio Sagi, enlevée par une distribution éblouissante.
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Bien sûr, on s’est un peu bouché le nez en voyant arriver Jean-Luc Choplin à la tête du Théâtre du Châtelet. Pensez, un homme de chez Disney gravissant les marches du plus haut lieu de la vie lyrico-mondaine parisienne, érigé en festival permanent par ses prédécesseurs ! Le programme de la première saison n’a pas manqué de conforter les gardiens du temple, dont nous étions : l’institution lorgnait l’événementiel marketé à l’américaine. Malgré les succès public, le virage ne nous semblait assurément pas bien amorcé.
Et puis Monsieur Choplin s’est décidé à mettre cartes sur table. Pourquoi conserver à Paris une énième salle d’opéra traditionnelle, alors que des pans de répertoire, notamment de la musique dite légère, n’y était plus représentés ? Soumettre le Châtelet à un lifting pour lui redonner le sourire : voilà la mission que s’est assignée l’homme de chez Mickey ! Mais changer de visage ne va pas sans cicatrice. Il y eut donc des ratés, des éléphants, des paillettes… Nous les avons subis de loin, jusqu’à parfois les boycotter.
Mais voici venu le temps du mea culpa. Car Jean-Luc Choplin mène à l’évidence une vraie politique artistique, dont le premier mérite est d’avoir pu et su donner aux comédies musicales de l’âge d’or de Broadway la place qu’elles méritent sur une scène parisienne.
La création française de The Sound of Music de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la dernière collaboration de ces fabricants de succès, marque à cet égard un aboutissement, et peut-être aussi le début d’une nouvelle ère dans la réception d’un genre face auquel la France a toujours éprouvé une certaine méfiance. Trop optimiste, trop sirupeux, trop américain en somme pour nos oreilles sourdes à ce que d’aucuns considèrent comme de la sous-culture.
Pour réussir à l’imposer – et le public, désormais, en redemande –, il fallait se donner de vrais moyens, et pourquoi pas faire appel au savoir-faire du théâtre lyrique, le vrai, le noble, celui du Châtelet d’avant ? The Sound of Music, dont la traduction même en la Mélodie du bonheur traîne son lot de préjugés – comme le souligne fort pertinemment Alain Perroux dans le programme –, le mérite sans conteste, le supporte, et même le requiert, ne serait-ce que parce que le film de Robert Wise a imposé à la mémoire collective une vision en cinémascope. Familier de l’opéra autant que de la zarzuela, Emilio Sagi, dont on n’a pu endurer plus d’un acte des Fées de Wagner la saison passée, se révèle ici l’homme de la situation.
Les couleurs sont vives, le rythme enlevé, la mise en scène inventive et émouvante, puisque du kitsch même de ce décor envahi, comme un clin d’œil nécessaire, par la montagne verdoyante des premières minutes du film émane une infinie poésie. La dimension dramatique, inéluctable de l’Anschluss, qui pèse d’ailleurs davantage dans le musical que dans son adaptation cinématographique sur le bonheur reconquis de la famille Von Trapp, n’en résonne qu’avec plus de force, culminant avec une irruption dans la salle d’officiers nazis à faire froid dans le dos.
Présentée en version originale, et non dans une traduction qui ne pourrait qu’affadir les lyrics d’Oscar Hammerstein II, indissociables en vérité de la musique de Richard Rodgers, la partition est traitée avec le même type d’égards pour ainsi dire opératiques, et s’en accommode sans jamais ployer sous des voix authentiquement lyriques. Sylvia Schwartz est ainsi une Maria parfaite, au timbre flatteur et franc, sans mièvrerie ni pose dans l’expression, tandis que Rod Gilfry, dont la carrière s’équilibre désormais entre opéra et musical, prête sa stature de glacier au Capitaine Von Trapp, avant de se laisser fondre dans le fameux Edelweis.
Max Detweiler pourrait certes se concevoir avec un peu moins de gras que ne lui en donne Laurent Alvaro, jusqu’à déséquilibrer son duo avec la Baronne Schraeder de Christine Arand, dont le timbre distingué sait mieux jouer de la sonorisation. D’une vocalité assurément moins fluide que ses partenaires – notamment dans Climb Ev’ry Mountain, qui n’en va pas moins droit au cœur –, la Mère abbesse de Kim Criswell fait souffler un authentique vent de Broadway sur la production.
Et si les producteurs ont dû lancer en 2006 l’émission How Do You Solve a Problem Like Maria ? – dont le titre fait référence à une chanson interprétée par les nonnes – pour trouver une interprète pour le rôle de la gouvernante, les enfants demeurent le principal défi de distribution de la Mélodie du Bonheur, surtout hors d’un pays de langue anglaise. Emmenée par la propre fille de Rod Gilfry, Carin, la fratrie Von Trapp composée par le Châtelet – elles sont trois, en alternance – fonctionne à merveille.
Sous la direction chatoyante du spécialiste Kevin Farrell, l’Orchestre Pasdeloup révèle plus que des affinités avec ce répertoire, un véritable sens du drive et de l’entertainment. Qui a dit que les Français n’entendaient rien au musical ?
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Théatre du Châtelet, Paris Le 08/12/2009 Mehdi MAHDAVI |
| Création en France de The Sound of Music de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II dans une mise en scène d’Emilio Sagi et sous la direction de Kevin Farrell au Théâtre du Châtelet. | The Sound of Music (1959)
Musique de Richard Rodgers
Lyrics d’Oscar Hammerstein II
Livret de Howard Lindsay et Russel Crouse inspiré de The Story of the Trapp Family Singers de Maria Augusta Trapp
Chœurs du Châtelet
Orchestre Pasdeloup
direction : Kevin Farrell
mise en scène : Emilio Sagi
chorégraphie : Sarah Miles
décors : Daniel Bianco
costumes : JesĂşs Ruiz
Ă©clairages : Caetano Vilela
Avec :
Sylvia Schwartz (Maria), Rod Gilfry (Captain Georg von Trapp), Kim Criswell (Mother Abbess), Christine Arand (Baroness Elsa Schraeder), Laurent Alvaro (Max Detweiler), James McOran-Campbell (Rolf Gruber), Carin Gilfry, Lukas Papenfusscline, Juliette Chopin, Éléonore Duizabo, Théodore Lamorinière, Elisa Bergomi et Eva Baranes (the von Trapp Children), Letitia Singleton (Sister Berthe), Jeni Bern (Sister Margaretta), Béatrice Dupuy (Sister Sophia), Lee Delong (Frau Schmidt), Martin Vaughan-Lewis (Franz), Leslie Clack (Admiral von Schreiber), Olivier Podesta (Herr Zeller). | |
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