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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Julie de Boesmans dans une mise en scène de Matthew Jocelyn et sous la direction de Jean-Paul Dessy au Théâtre de l’Athénée, Paris.
Huis clos morbide
Sensation du Festival d’Aix où il fut donné en 2005, quelques mois après sa création à la Monnaie de Bruxelles puis aux Wiener Festwochen, dans le petit Théâtre du Jeu de Paume fraîchement restauré et dans la mise en scène très réaliste de Luc Bondy, Julie du compositeur belge Philippe Boesmans figure parmi les chefs-d’œuvre de l’art lyrique de ce début de siècle.
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Adapté de la pièce Mademoiselle Julie (1888) du Suédois August Strindberg par Marie-Louise Bischofberger et Luc Bondy, l'opéra Julie, créé en 2005 à Bruxelles, est un succès de plus à la série composée par le Belge Philippe Boesmans (né en 1936) après Reigen en 1993 d'après la Ronde de Schnitzler, et Wintermärchen d'après le Conte d'hiver de Shakespeare en 1999, tous deux présentés au Châtelet.
En résidence à La Monnaie de Bruxelles pendant le directorat de Gerard Mortier, le compositeur excelle dans la forme brève (Julie dure une heure vingt) et le traitement de dialogues dramatiquement efficaces. En cela, l'adaptation de Bondy et Bischofberger est une réussite, même si elle sacrifie de longs dialogues, particulièrement entre Julie et Jean qui en apprennent beaucoup chez Strindberg sur le passé, la psychologie et les motivations de ces deux personnages.
Mais l'opéra renvoie à la pièce et le découpage permet à l'action de progresser vite et bien jusqu'à l'inexorable fin, plus explicite dans l'opéra que dans la pièce originale. La partition de Boesmans, même si elle ne cache pas ses influences bergiennes, est profondément originale et privilégie la clarté de l'action.
Il n’est pas question de comparer cette production venue du théâtre de la Scène nationale d’Orléans avec la luxueuse coproduction de la création mise en scène par Luc Bondy dont bien heureusement un DVD garde le souvenir (BelAir Classiques). Celle de Matthew Jocelyn, dans une scénographie d’Alain Lagarde, est avant tout faite pour voyager, et on pourra l’applaudir à nouveau le 22 janvier à la Maison de la Culture de Bourges, le 24 mars au Théâtre Royal de Mons (Belgique), le 27 avril à Chambéry, le 11 mai à Echirolles.
Plus de fantaisie, pas toujours au service de l’objectivité du propos, mais une belle rigueur dans la direction d’acteurs rend l’action très lisible. La matité de l’acoustique de l’Athénée et le peu de profondeur de la fosse sont responsables de certains déséquilibres entre fosse et plateau, mais sans jamais mettre en péril la fluidité du discours musical.
Dirigée avec une grande précision par Jean-Paul Dessy à la tête de l'Ensemble Musiques Nouvelles (les musiciens sont tous solistes à un moment ou un autre de la partition), elle permet aux trois personnages d'exprimer dans un allemand raisonnablement intelligible la cruauté de ce huis clos morbide, drame sur l'ambiguïté des rapports sociaux dans les passions humaines.
La mezzo-soprano Carolina Bruck-Santos incarne avec beaucoup d'autorité physique et vocale le personnage dominateur et pervers de Julie. Le baryton Alexander Knop ne donne pas à Jean tout le relief souhaité. Incarné par Agnieszka Slawinska, le personnage de la servante Kristin semble et sonne plus vrai que nature. Le choix d’un Théâtre de l’Athénée de petites dimensions garantit en outre un rapport scène-public optimal pour cet opéra de chambre.
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