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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Flûte enchantée de Mozart mise en scène par Laura Scozzi et sous la direction de Darrell Ang à l’Opéra de Bordeaux.
Mozart sur les pistes
Saugrenue, bon enfant et fidèle, la Flûte Enchantée de Mozart revue par la metteure en scène et chorégraphe Laura Scozzi se passe aux sports d’hiver. Aucune référence à la franc-maçonnerie : Tamino et Pamina n’ont que la neige, le ski et les télésièges pour magie. Un spectacle amusant, porté par la baguette encore fraîche de Darrell Ang.
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L’histoire se déroule conformément au livret « entre vallées et montagnes » où, selon les trois Dames, vit également Sarastro. Laura Scozzi a pris le texte au mot avec un certain décalage... à l’aube des dernières années du XXe siècle, dans une station de sports d’hiver avec télécabine. Selon le texte, les trois jeunes garçons se déplacent en machines volantes ; les voici donc sur des télésièges. Seule incongruité, ils sont chantés par trois filles. On se demande la raison : les maîtrises bordelaises manquent-elles de garçons ?
La metteure en scène est bien connue des mélomanes parisiens notamment pour ses chorégraphies de Platée au Palais Garnier et de la Belle Hélène au Châtelet. Elle a situé l’action dans une station des Alpes enneigées parmi des chalets de carte postale. Elle écrit dans le programme : « L’ascension d’une montagne est très significative : un défi, le grand effort qui vous confronte à vos limites, que dans l’idéal on dépasse. On peut y voir une sorte de métaphore de la recherche de soi par nos jeunes héros. »
Entre humour et irrespect, Scozzi multiplie farces et clins d’œil. On pense évidemment au film les Bronzés font du ski. D’ailleurs, la troupe que dirigeait Schikaneder, auteur du livret de Mozart et interprète jovial, dit-on, drolatique et sulfureux de Papageno, n’était-elle pas à son époque en quelque sorte l’équivalent des comédiens du Splendid ?
Le spectacle se démultiplie dans le cocasse. Les animaux dansants, ours, loups et chamois, sont ceux des Alpes. Autour d’un Sarastro figé dans une sorte d’éternité statique, tous les autres chanteurs gambadent et se divertissent. Sont-ils sensibles à l’inaccessibilité de leurs destins ? Au moment des épreuves de l’eau et du feu qui vont initier et grandir Tamino et Pamina, ce sont les montagnes qui déversent une cascade et crachent du feu : ces cimes élèvent autant les corps qui les escaladent que les âmes qui les gravissent vers la connaissance et l’innocence.
Implicite et explicite, cette mise en scène très réussie prend le pas sur l’interprétation musicale. L’Orchestre de Bordeaux est certes à la hauteur, plein de sensibilité et de couleurs, dirigé par l’une des nouvelles jeunes vedettes, le maestro asiatique Darrell Ang. Natif de Singapour, élève du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, de l’Université de Yale et de Sir Colin Davis, il est un pur produit de la mondialisation musicale.
Couronné par de nombreux prix, y compris à Besançon en 2007, il a besoin de maîtriser, d’intérioriser tous ces apports. Il semble posséder fulgurance, sensibilité et maîtrise. Ce qui lui manque encore, c’est cette pugnacité, cette hauteur de vue, ce charme et cette aura qui font les maestros d’exception.
Direction d’orchestre et mise en scène mettent un peu dans l’ombre des interprètes de qualité, pleins de malice, tels l’Américain Alek Shrader (Tamino) et Maria Bengtsson (Pamina). À la fin du spectacle, nos parfaits amoureux partent pour un voyage de noces. Apparaît alors sur la toile de fond un avion qui décolle et une carte postale d’Égypte. Ouf ! Nous voilà avec humour revenus dans les triangles, les pyramides et les symboles d’un Mozart maçonnique !
Grand Théâtre de Bordeaux, jusqu’au 7 février.
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