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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production d’Ariane à Naxos de Strauss mise en scène par André Engel et sous la direction de Daniel Klajner à l’Opéra national du Rhin, Strasbourg.

Ariane en somptueuse modestie
© Alain Kaiser

Michael Putsch (Bacchus) et Christiane Libor (Ariane)

Contrairement à tant de ses confrères qui réussissent le prologue et ratent l’opéra, André Engel joue d’abord la sagesse puis dévoile au fil de la représentation toute la cohérence et l’unité de son Ariane à Naxos. Un spectacle simple mais beaucoup plus profond qu’il n’y paraît, transcendé notamment par un duo qui embrase la scène finale comme rarement.
 

Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 11/02/2010
Yannick MILLON
 



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  • Il aurait été dommage de ne pas braver les éléments hivernaux pour voir cette nouvelle Ariane à Naxos programmée par l’Opéra du Rhin. Car si le spectacle conçu par André Engel ne déclenchera sans doute pas d’angoisses métaphysiques, il a l’honnêteté de se contenter d’enrichir notre connaissance de l’œuvre sans y imprimer manies ou lubies.

    Avec une direction d’acteurs plutôt convenue, le spectacle réussit le pari de l’unité, de la continuité. Par la scénographie d’abord, entre un couloir d’hôtel décrépit à la mode crétoise pour le prologue et les affleurements rocheux stratifiés d’une île méditerranéenne pour l’opéra. Puis par des options judicieuses comme la mise en abyme, avec les personnages du prologue toujours présents dans l’opéra, se prêtant à une représentation improvisée en présence de la petite famille du mécène, jusqu’à ce que devant l’obscénité d’Italiens aux allures de Marx Brothers, son excellence quitte les lieux pour laisser à Ariane et Bacchus enfin en tête à tête la primeur du retour à l’illusion théâtrale.

    Cette ultime scène, où s’échouent souvent les spécialistes de la vis comica, offre d’ailleurs un beau crescendo expressif, et propose enfin un Bacchus autrement que confit dans le marbre, ici sous les traits d’un séduisant marin, tatouage à la Querelle de Brest, mais doté d’attributs divins – la libation dans l’écuelle d’Ariane, la gouvernance du ciel étoilé. Une bouffée d’air théâtral, face à une fille de Minos sauvageonne, hirsute et en guenilles, qui s’endormira in fine sur son île.

    © Alain Kaiser

    Musicalement, nous attendions avant tout le renouvellement d’un miracle, celui de la prise de rôle d’Ada dans les Fées de Wagner au Théâtre du Châtelet, mais Christiane Libor n’est certainement pas le seul intérêt du plateau. Osons même, pour mieux lui reconnaître un potentiel phénoménal, commencer par quelques réserves.

    Là où l’écriture idéaliste de Wagner voyait l’Allemande triompher de toutes les embûches avec la volonté d’un char d’assaut, celle de Strauss, qui n’oublie jamais l’agilité, la souplesse et la malléabilité de Mozart, subit quelques secousses devant l’énergie quasi virile de ce grand lyrique.

    Dans la cantilène, où l’émission plafonne parfois un rien, on continue à préférer voix moins larges et intentions plus délicates, mais dès que l’écriture se développe, on se pâme devant cette ligne de souffle intarissable, cette présence écrasante, ces aigus inouïs de plénitude, cet art aussi de la messa di voce d’un autre temps.

    S’il n’a pas le plus beau timbre du monde, le Bacchus de Michael Putsch, déjà impayable en ténor alcoolo affublé volontairement de toutes les tares vocales dans le prologue, impressionne par sa vigueur colossale, ses aigus à ébranler les balcons et une endurance sans faille dans un rôle qui est pourtant une punition.

    © Alain Kaiser

    En comparaison, le frêle Compositeur d’Angélique Noldus, dont l’émission ne laisse guère de place qu’aux résonances de tête, s’avère un peu léger, mais du moins la voix demeure-t-elle constamment soignée et jamais brutalisée. Et si certains aigus paraissent droits, la jeune mezzo a assez de feu et d’énergie adolescente pour emporter l’adhésion.

    Source d’inquiétude dans le prologue de par sa diction pâteuse et la drôle d’impression d’une voix à la fois trop pointue et lâche de vibrato, la Zerbinette au verbe flou de Julia Novikova, dès lors qu’elle s’abandonne à la nuance – et par bonheur elle s’y vautrerait presque dans son air –, prodigue telle une brise des aigus ductiles, presque élastiques, d’une facilité sans tension loin de toute performance.

    On saluera enfin la qualité des ensembles, tant des Italiens seulement dépareillés par un Arlequin tout avalé, que des nymphes dont les timbres pourtant fort dissemblables s’harmonisent à merveille, avec une mention particulière pour la Naïade cristalline d’Anaïs Mahikian.

    Dans la fosse, Daniel Klajner ne cherche en rien une opulence dont l’Orchestre de Mulhouse n’aurait pas les moyens, pour accomplir au contraire des miracles dans la veine chambriste, avec une souplesse des transitions, un travail vertical sur les accords des vents et sur la caractérisation des timbres au-delà de toute attente, confirmant au passage que l’on peut jouer la ténuité d’un bout à l’autre de la partition sans sombrer dans la pose ou l’artifice affaiblissant la conduite dramatique – le long duo final passe avec autant de tension sous-jacente que de raffinement des sonorités.




    Opéra du Rhin, Strasbourg
    Le 11/02/2010
    Yannick MILLON

    Nouvelle production d’Ariane à Naxos de Strauss mise en scène par André Engel et sous la direction de Daniel Klajner à l’Opéra national du Rhin, Strasbourg.
    Richard Strauss (1864-1949)
    Ariadne auf Naxos, opéra en un acte précédé d’un prologue (1916)
    Livret de Hugo von Hofmannsthal

    Orchestre symphonique de Mulhouse
    direction : Daniel Klajner
    mise en scène : André Engel
    décors: Nicky Rieti
    costumes : Chantal de La Coste-Messelière
    éclairages : André Diot

    Avec :
    Christiane Libor (Prima Donna / Ariane), Michael Putsch (le Ténor / Bacchus), Julia Novikova (Zerbinette), Angélique Noldus (le Compositeur), Werner Van Mechelen (le Maître de musique), Ruth Orthmann (le Majordome), Guy de Mey (le Maître à danser), Christian Lorentz (l’Officier), Jean-Gabriel Saint-Martin (le Perruquier), Olivier Déjean (le Laquais), Thomas Oliemans (Arlequin), Xin Wang (Scaramouche), Andrey Zemskov (Truffaldino), Enrico Casari (Brighella), Anaïs Mahikian (Naïade), Ève-Maud Hubeaux (Dryade), Anneke Luyten (Écho).

     


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