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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Messa da Requiem de Verdi sous la direction de Jean-Yves Ossonce au Grand Théâtre de Tours.
Libera me dominé
Un Requiem au théâtre ? Si Verdi créa le sien, pour la forme, en l’église San Marco de Milan, il fut immédiatement repris à la Scala. Le compositeur ne fut-il d’ailleurs pas accusé d’avoir commis un opéra en costume ecclésiastique ? Sur la scène donc du Grand Théâtre de Tours, Jean-Yves Ossonce a formé un duo de choc, Manon Feubel et Marie-Nicole Lemieux.
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À l’instar de la « porcherie tudesque » lâchée par l’impératrice Maria-Louisa à l’issue de la création de la Clémence de Titus de Mozart, « l’opéra en costume ecclésiastique » non moins lapidaire asséné par Hans von Bülow à la Messa da Requiem de Verdi n’a que trop encombré la postérité. Et ce serait oublier l’hostilité que nourrissait le chef allemand, premier mari de Cosima et wagnérien fervent, à l’égard du compositeur italien, avant le mea culpa épistolaire du 7 avril 1892 – « Daignez recevoir la confession d’un pénitent contrit. Cela fait dix-huit ans que le soussigné a commis une grande… grande bêtise journalistique… » –, que de trop y prêter foi.
Ce serait mésestimer, surtout, cette lignée qui, de Monteverdi à Rossini, confondit l’autel et la scène, de Vêpres de la Vierge en Stabat Mater. D’autant que les effets de théâtre n’empêchent pas l’écriture verdienne de se plier aux règles canoniques de la musique sacrée. N’est-ce pas la sensualité de la Contre-Réforme qui sourd, comme un écho lointain, du Recordare ? Car deux siècles et demi auparavant, c’est l’Église qui, pour sa survie presque, se travestissait, et non l’inverse.
Il n’en faut pas moins ici un vrai quatuor d’opéra, les voix de Don Carlo, Aïda – le Requiem n’est-il pas l’apogée d’une trilogie sacrée où l’inflexibilité du Grand Inquisiteur et de Ramfis, grand prêtre de Ptah, s’auréole des profondeurs de l’au-delà ? Ainsi, Manon Feubel est-elle une vraie Aida – ô combien magnifique à Dijon la saison passée –, peut-être la seule de l’époque, un lirico spinto comme il n’y en a plus, à même de suspendre, et tenir, une ligne funambulesque comme de lâcher les fauves. Plantureux sur deux octaves pleines, son soprano domine tout, sans effort ni contorsion, presque serein. On trouvera difficilement mieux – c’est pourquoi on s’étonne que cette carrière ne soit pas plus évidemment internationale.
Celle de Marie-Nicole Lemieux l’est assurément, mais pas encore dans cet emploi, cette tessiture qu’elle étrennait. Son Verdi, pour l’heure, n’est encore que celui, singulièrement truculent, de Mrs Quickly, où elle est à vrai dire déjà imbattable – il faut l’avoir vue et entendue s’en délecter au Théâtre des Champs-Élysées, supplantant Falstaff même en abattage comme en carrure.
Dans le Kyrie, la contralto se cherche encore, tendue de visage, de corps bien plus que de voix. C’est que la partie, oscillant sans cesse entre l’alto – grave lorsqu’il garde l’octave du soprano – et le mezzo parfois aigu, la pousse hors de ce qu’elle a jusqu’à présent voulu faire étendre. Mais le grave allège ses appuis, le vibrato s’apaise pour laisser s’ouvrir l’instrument, révélant tant en longueur qu’en ampleur ce qu’à vrai dire on pressentait, une forme d’évidence.
Souffle, couleur, style, tout y est. La confiance viendra. D’ailleurs, elle se profile dans le Recordare, conquise dans l’Agnus dei, acquise dans le Lux æterna – rappelons innocemment que Maria Waldmann, qui créa le Requiem, fut non seulement la première Amnéris de la Scala, mais la préférée du compositeur. Baptême réussi donc, en un duo fusionnel, 100% Québec.
Jean-Francis Monvoison s’y mêle, sans jamais le déparer. Le timbre, certes, est ce qu’il est, c’est-à -dire ingrat envers ce grand professionnel, ici appelé en catastrophe, et surtout ce musicien toujours exemplaire, à la technique parfaitement huilée. Sans doute le ténor français ne surmonte-t-il pas tous les pièges tendus par Verdi – le Kyrie à froid, le dolcissimo, le trille de l’Hostias –, mais il écoute et s’intègre, infaillible sur tout l’ambitus.
À l’inverse, Paul Gay s’écoute et chante dans son coin, contrefaisant un creux qu’il ne possède pas, jusqu’à épuiser les ressources d’un métal exhibé dans des aigus qui, pour un baryton-basse aussi claironnant, n’en sont pas vraiment.
Qu’on n’exige pas de la réunion des ensembles vocaux Univeristaire de Tours, Jacques Ibert, Erik Satie et du Chœur de l’Opéra qu’elle s’élève, mur infranchissable d’âmes craintives et pénitentes, puisqu’elle assume et, mieux, assure face à un Orchestre Symphonique Région Centre-Tours engagé et constant. C’est que Jean-Yves Ossonce, qui sait maintenir une progression quasi narrative sans jamais s’alanguir ni s’appesantir, trouve le juste équilibre pour que le Grand Théâtre ne ploient pas dans son exiguïté sous les assauts répétés du Dies iræ.
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Grand Théâtre, Tours Le 06/03/2010 Mehdi MAHDAVI |
| Messa da Requiem de Verdi sous la direction de Jean-Yves Ossonce au Grand Théâtre de Tours. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Messa da Requiem (1874)
Manon Feubel, soprano
Marie-Nicole Lemieux, mezzo-soprano
Jean-Francis Monvoison, ténor
Paul Gay, basse
Ensemble Vocal Jacques Ibert (dir. Alain Salliot)
Ensemble Vocal Universitaire de Tours (dir. Hervé Magnan)
Ensemble Vocal Erik Satie (dir. Jean-Marie Pacqueteau)
Chœur de l’Opéra de Tours
coordination des chœurs : Emmanuel Trenque
Orchestre Symphonique RĂ©gion Centre-Tours
direction : Jean-Yves Ossonce | |
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