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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dirigé par Philippe Jordan, avec la participation de la mezzo-soprano Sophie Koch au Palais Garnier, Paris.
Entre deux mers
Répertoire tout maritime pour ce deuxième des trois concerts de l’Orchestre de l’Opéra de Paris sous la baguette de son directeur musical Philippe Jordan cette saison. Beau succès sans vagues pour un programme Mendelssohn, Chausson, Britten et Debussy original et sans concessions où triomphe aussi une Sophie Koch très convaincante.
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Une salle pleine pour un programme sinon austère du moins sans facilités, c’est le signe que le public s’intéresse à cet orchestre, à son chef et à sa soliste, tous, il faut le reconnaître, ce soir, du plus haut niveau international. Sans doute parce qu’il pratique les musiques les plus variées dans la fosse comme l’exige le répertoire d’opéra qui va aujourd’hui du baroque au plus contemporain, qu’il a souvent à sa tête des chefs remarquables, l’Orchestre de l’Opéra de Paris est plus que jamais le meilleur de France.
Il ne s’agit pas d’amoindrir les grands mérites de nos autres formations qui surfent également parfois sur les sommets, mais les musiciens de l’Opéra restent les plus égaux, les plus constants, ceux qui ne dérogent quasiment jamais, y compris maintenant pour les spectacles de ballet quand ils les assurent, ce qui ne fut pas toujours le cas.
Et c’est peut-être dans un programme aussi purement musical que l’on apprécie le mieux leurs qualités individuelles et collectives, déjà plus qu’évidentes dans une partition comme celle du Siddharta de Mantovani, mais sollicitées ici plus en douceur, dans une tout autre palette de nuances et de couleurs. On sent en outre que l’entente est bonne avec Philippe Jordan, chef lui aussi d’une sincérité et l’on voudrait dire d’une simplicité absolues dont rien, ni dans ses choix d’interprétation ni dans sa gestique, ne cherche l’effet pour l’effet.
Sa gestique, justement, est d’une efficacité qui impressionne et aussi d’une élégance vraiment rare chez les chefs actuels. Rien de trop, mais une manière de bouger les bras et le corps d’une façon toujours esthétique, sans doute héritée de sa mère ballerine. On ne peut éviter d’y songer en voyant ses amples mouvements de bras, ses souples flexions de jambes, dans une sobriété qui ne laisse aucune place au cinéma cher à tant de ses collègues.
De Mendelssohn, la vive et bien typique ouverture Mer calme et heureux voyage servait d’entrée en matière sans beaucoup de risques. Elle est jouée dans une jolie lumière romantique sans ombres, comme c’est souvent le cas chez Mendelssohn.
D’une autre envergure, Poème de l’amour et de la mer de Chausson, sur les textes de Maurice Bouchor, permet un déploiement bien plus large des possibilités de tous, y compris de la soliste Sophie Koch. Absolument typique des états d’âme fin de siècle d’un postromantisme qui n’en finit plus de se complaire dans ses angoisses et ses doutes, c’est une partition splendide, d’un souffle qu’égalent peu d’autres pages du compositeur.
La générosité et la richesse d’une écriture orchestrale d’obédience essentiellement wagnérienne, la parfaite utilisation de la voix, ici le mezzo de Sophie Koch, jamais poussée vers ses extrêmes bien que l’œuvre ait été créée par un ténor avec piano puis par un soprano avec orchestre, tout s’allie pour donner une impression de plénitude, de lyrisme débordant d’émotion.
Les qualités intrinsèques de la voix de Sophie Koch ne sont plus à découvrir. On admire ici également la maîtrise technique qui lui permet toutes les nuances sur toute la tessiture, en variant aussi les couleurs. Et quelle allure souveraine ! Nul doute que dans le très grand répertoire qu’elle aborde désormais, la cantatrice n’a pas fini de nous étonner ni de nous séduire. Une seule réserve : son élocution française est, ce soir, loin d’être parfaite !
Toujours la mer en deuxième partie, avec les Four Sea Interludes du Peter Grimes de Britten, pages fortes, colorées, prenantes, que Philippe Jordan décline avec un sens parfait de la signification émotionnelle précise de chacune d’entre elles, Aube, Dimanche matin, Clair de lune, Tempête, autant de moments-clé dans l’histoire du héros, tous tellement ancrés dans le rapport fondamental de la culture anglaise avec la nature et la mer.
Une culture différente de ce que raconte juste après la Mer de Debussy, où il est encore question d’aube, de vent et de vagues, mais dans une approche bien moins passionnelle, viscérale, plus cérébrale. L’orchestre y déploie des trésors de finesse, de miroitements, dans une infinie variété de nuances qui respirent avec une sorte de liberté naturelle vraiment grisante.
Gros succès public fort mérité pour ce programme qui a dû procurer autant de plaisir aux musiciens eux-mêmes, en les changeant de leur répertoire habituel, sans pour autant trop s’éloigner de Wagner ni de Britten qu’ils ont et auront bientôt à jouer.
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Palais Garnier, Paris Le 26/03/2010 GĂ©rard MANNONI |
| Concert de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dirigé par Philippe Jordan, avec la participation de la mezzo-soprano Sophie Koch au Palais Garnier, Paris. | Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Meerestille und glĂĽckliche Fahrt, ouverture op. 27
Ernest Chausson (1855-1899)
Poème de l’amour et de la mer op. 19
Poèmes de Maurice Bouchor
Sophie Koch, mezzo-soprano
Benjamin Britten (1913-1976)
Four Sea Interludes op. 33a
Claude Debussy (1862-1918)
La Mer, trois esquisses symphoniques
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Philippe Jordan | |
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