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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du ténor Juan Diego Flórez accompagné au piano par Vincenzo Scalera à la salle Pleyel, Paris.
Grande voix en petite forme
Voix d’opéra avant tout et à peu près inégalé dans son répertoire de prédilection, Juan Diego Flórez n’a sans doute pas raison de s’aventurer dans cette forme de récital avec piano. Il a déclaré être un peu malade, une fois encore, mais cela n’explique pas seul le manque d’adéquation entre un tel programme, son art et un lieu comme Pleyel.
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Il n’y a pas à dire, le récital avec piano est un genre bien à part où ne devraient se risquer que les spécialistes éprouvés. Des exemples de perfection, on en a eu ces derniers temps, avec Simon Keenlyside ou avec Jonas Kaufmann, avec Marie-Nicole Lemieux et quelques autres rares voix d’opéra capables de se plier à cette dure discipline.
Juan Diego Flórez est l’un des plus grands chanteurs du monde, sa voix est exceptionnelle de qualité dans le répertoire qu’il pratique au théâtre et généralement au concert, sa technique est phénoménale, mais, à entendre ce récital de la salle Pleyel, on se dit qu’il n’est pas à sa place ici, pour chanter Cimarosa, Gluck, ni même Rossini ou la Zarzuela.
Même en fin de programme, Viens gentille Dame, de la Dame Blanche, et ensuite, pour l’unique bis, Favorite du Roi, de la Favorite, superbement chantés, manquent d’un accompagnement orchestral qui entoure la voix d’une sensualité, d’une chaleur qu’elle montre cruellement ne pas avoir lorsqu’elle nous arrive presque nue, avec le seul soutien du piano, dans une salle aussi vaste.
Et pourtant, tout est en place, prononciation, phrasé, aigus – même si les graves tombent dans le vide – intentions d’interprétation. Mais c’est plutôt un certain ennui qu’une émotion qui s’installe peu à peu, malgré les hurlements de fauves de certains admirateurs mis en transe par chaque note aiguë.
Très significatif, J’ai perdu mon Eurydice d’Orphée, impeccable mais à ne pas vous tirer le moindre soupçon de larme. Pas assez de variété dans les couleurs, et même une couleur quasiment uniforme, voilà où le bât blesse. Pour intéresser sans, une fois encore, la chaleur, les mille inflexions qu’apporte l’orchestre, il faut que la voix seule puisse se plier à une infinité de nuances en tous genres. C’est un art spécial, fait de travail et d’instinct et l’on a vu ces derniers temps plus d’une gloire lyrique incontestable ne montrer que les côtés les moins positifs de son talent.
À la fin du concert, avant de donner son unique bis, alors qu’il les multiplie à plaisir d’habitude, Juan Diego Flórez explique avec autant de gentillesse que de charme et de simplicité qu’il a des problèmes digestifs – ce fut déjà le cas il y a quelques mois au Théâtre des Champs-Élysées – et qu’il n’est pas au mieux de sa forme. Cela a très probablement joué aussi dans notre déception, sans pour autant tout expliquer.
Quand on vient par exemple de voir le DVD du Met où dans la Somnambule il est absolument éblouissant et à l’aise de bout en bout, on se dit qu’il vaut mieux qu’il s’entoure d’un bel orchestre que d’un seul pianiste, même s’il s’agit en l’occurrence de l’excellent Vincenzo Scalera.
Mais ici aussi, les transcriptions pour piano de partitions d’orchestre ne peuvent être qu’un ersatz et elles n’égaleront jamais les subtilités d’équilibre voix-piano concoctées par les compositeurs de mélodie. Alors, il nous reste à attendre les représentations de la Donna del lago à l’Opéra de Paris pour retrouver Flórez tel qu’il mérite qu’on l’entende.
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Salle Pleyel, Paris Le 29/03/2010 GĂ©rard MANNONI |
| Récital du ténor Juan Diego Flórez accompagné au piano par Vincenzo Scalera à la salle Pleyel, Paris. | Cimarosa, Gluck, Rossini, Soutullo, Serrano, Vives, Donizetti, Boïeldieu
Juan Diego Flórez, ténor
Vincenzo Scalera, piano | |
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