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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création française de Treemonisha de Scott Joplin dans une mise en scène de Blanca Li et sous la direction de Kazem Abdullah au Théâtre du Châtelet, Paris.
Un conte qui swingue
Jean-Luc Choplin montre une fois de plus sa différence en créant en France le premier opéra américain, Treemonisha. Une découverte qui swingue, mêle gospel et sonorités lyriques européennes. Scott Joplin (1868-1917) est connu comme l’inventeur du ragtime. Les rythmes de ce musicien noir américain, pianiste de bar, furent certes goûtés, un peu, à son époque.
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Les ragtimes de Joplin ont été remis au goût du jour dans les années 1970, occasion aux États-Unis de découvrir la partition de Treemonisha que le compositeur n’avait joué qu’une fois lors d’une soirée privée. Cette difficulté à se faire reconnaître le désespéra et sans doute hâta sa mort. Il y tenait tant, à cette partition ! Fils d’une femme de ménage, il tapotait sur le piano des patrons de sa mère. Reconnaissant ses dons, ceux-ci lui donnèrent des rudiments de musique classique qui nourrirent son rêve de composer un opéra.
Voici pour la première fois en France cet opéra façonné sur le modèle européen, mêlant des rags, des chœurs ressemblant à des gospels et des éléments de musique savante, jusqu’à des valses de style viennois. Le livret est particulièrement nunuche.
Dans une plantation de coton, peu après l’abolition de l’esclavage, des ouvriers agricoles sont sous la coupe des sorciers. Une jeune fille va les en libérer. Comme dans tant de contes, sa naissance relève du divin. Elle fut découverte, bébé, abandonnée sous un arbre. Sa mère adoptive Monisha (Grâce Bumbry) la nomma de ce fait Treemonisha. Seule personne éduquée du village (on ne sait guère comment), Treemonisha part en guerre contre la sorcellerie.
Un peu naïvement, Scott Joplin démontre que seules les vertus de l’éducation sont sources de progrès, d’évolution et de libération. Cet humanisme candide, aujourd’hui plutôt désuet et niais, avait besoin d’humour et de clins d’œil. Le plasticien Roland Roure, bricoleur de rêve, a imaginé un décor fantasmagorique et ludique qui plonge le spectateur dans un univers de contes pleins de tendresse et de frayeur : c’est beau et poétique.
La chorégraphe Blanca Li ajoute du burlesque, du rythme et de la fantaisie. On est entre les zazous et le hip-hop. On rap et on swingue. Seul regret, le chef d’orchestre américain Kazem Abdullah prend un peu trop la partition au sérieux : il en ferait presqu’un opéra classique un brin ennuyeux. Quand au final, le chef est venu saluer sur la scène, dans la fosse les musiciens de l’ensemble orchestral ont repris sans son signal les rythmes d’une manière endiablée au milieu des applaudissements déchainés de la salle. Treemonisha a besoin d’un peu de folie décalée.
Sur le plateau, les interprètes sont des figures majeures de l’opéra traditionnel. Treemonisha est chantée par la soprano américaine Adina Aaron. Voix puissante et charnelle, elle fait des débuts parisiens sans être une totale inconnue. Elle a été adoubée par le Monte Carlo Voice Masters qu’organisent Chantal et Jean-Marie Fournier, les propriétaires de salle Gaveau. Elle s’apprête à relever un défi : elle sera à l’automne Aïda au Stade de France.
Dans des rôles secondaires, deux super stars : le baryton jamaïcain Willard White, magnifique Wotan du Festival d’Aix-en-Provence sous la direction de Sir Simon Rattle, chante le personnage de Ned, père adoptif de Treemonisha : une bien grande voix pour un si petit rôle. Quant à Monisha, mère adoptive de l’héroïne, c’est la légendaire Grace Bumbry. La Vénus noire comme on l’appela quand, première chanteuse noire à Bayreuth, elle se produisit dans Tannhäuser au début des années 1960. Un tonnerre d’applaudissements a salué la diva qui, à 73 ans, possède encore un fabuleux abattage et montre un art du chant qui reste un modèle.
Théâtre du Châtelet, Paris, jusqu’au 9 avril
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Théatre du Châtelet, Paris Le 31/03/2010 Nicole DUAULT |
| Création française de Treemonisha de Scott Joplin dans une mise en scène de Blanca Li et sous la direction de Kazem Abdullah au Théâtre du Châtelet, Paris. | Scott Joplin (1868-1917)
Treemonisha, opéra en trois actes (1911)
Version SchĂĽller
Ensemble orchestral de Paris
direction : Kazem Abdullah
mise en scène & chorégraphie : Blanca Li
décors et costumes : Roland Roure
Ă©clairages : Jacques Rouveyrollis
Avec :
Adina Aaron (Treemonisha), Grace Bumbry (Monisha), Janinah Burnett (Lucy), Stanley Jackson (Remus), Mlamli Lalapantsi (Andy), Loïc Felix (Cephus), Stephen Salters (Zodzetrick), Willard White (Ned), Jacques-Greg Belobo (Simon), Krister St. Hill (Parson Alltalk), Jean-Pierre Cadignan (Luddud), Joël Ocangha (A foreman). | |
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