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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de la mezzo-soprano Anna Caterina Antonacci accompagnée au piano par Donald Sulzen à l’Opéra Comique, Paris.
Un récital d’eau tiède
Accueil triomphal à la salle Favart pour un récital pourtant décevant de la part de la mezzo-soprano Anna Caterina Antonacci, l’une des personnalités majeures de la scène lyrique actuelle. Preuve que le public parisien manifeste volontiers son attachement aux artistes plus qu’il ne dose son approbation sur un concert précis.
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Avec le répertoire de grandes héroïnes tragiques dans lequel elle s’est imposée à un si haut niveau, Anna Caterina Antonacci est sans aucun doute une vraie tragédienne lyrique et un bouillant tempérament scénique. C’est aussi l’une des très belles voix du moment et une femme d’une réelle beauté. D’où la surprise de la voir se présenter en récital dans un programme aussi uniforme et avouons-le aussi faible musicalement dans son ensemble, aussi peu apte à mettre en valeur ce qui peut la rendre unique.
Et puis, celle qui peut être d’une présence théâtrale aussi impérieuse apparaît presque gauche devant le piano, cherchant à être expressive par le geste et le visage sans beaucoup de naturel, vêtue d’une fort belle robe mais encombrée d’une étole à la fois trop grande ou trop petite dont elle ne sait que faire, avant de s’en débarrasser définitivement.
Rien à voir avec l’éblouissante démonstration de Joyce DiDonato il y a quelques jours au Théâtre des Champs-Élysées, où l’Américaine a su galvaniser l’attention sur les œuvres même les plus mineures d’un programme lui aussi à risques. Mais où sont donc passées les bouleversantes Carmen, Cassandre et autres Rachel et Médée d’Anna Caterina Antonacci ?
Il faut dire qu’entre les cinq mélodies de Fauré débutant le récital et un air de Francesca da Rimini le concluant, cette succession de pages de Reynaldo Hahn, Bachelet, Tosti, Tirindelli, Cimara, Toscanini, Respighi, qui se voulaient un hommage aux compositeurs du tournant du siècle, est d’une uniformité dans le sentimental assez regrettable. Il eût fallu quelques contrastes, quelques oppositions, quelques changements de ton ou d’humeur pour donner du relief à ces pages écrites dans une tessiture limitée et dont la plupart sont quand même de facture très mineure.
Belle voix bien menée, nuances consciencieusement élaborées, efforts évidents pour rendre justice aux textes français, anglais et italiens – pas toujours très compréhensibles dans les deux premières langues –, les qualités certaines de cette artiste d’exception semblent attendre l’occasion de s’exprimer, ce que pareil répertoire ne lui permet quasiment jamais.
Très musical mais forcément impuissant à mettre du génie là où il n’y a pas à en mettre, l’accompagnement de Donald Sulzen ne peut que contribuer à cette impression générale d’écoulement d’eau tiède. Et pourtant, que de qualités dans le timbre de la cantatrice et dans son physique, mais quelle absence de mise en valeur !
Un public d’adorateurs semblable à celui qui pour majorité hante ces concerts lyriques parisiens était venu pour clamer son amour. Il l’a fait ici comme ailleurs, donnant toujours l’impression de manifester son adoration de la personne plus que son approbation de ce qu’elle vient de faire.
C’est peut-être normal, c’est en tout cas tant mieux pour les artistes qui en sont l’objet même si cela doit quelque peu brouiller leurs repères, encore qu’ils ne soient en général pas dupes et sachent fort bien se juger eux-mêmes. C’est aussi tant mieux pour ceux qui sont venus passer une soirée de rêve et repartent persuadés de l’avoir passée.
La critique peut dès lors sembler inutile, si ce n’est qu’elle peut simplement signaler que, quand même, si, par exemple, Monsieur Ben Heppner ou Madame Nina Stemme sont de magnifiques wagnériens, Madame Antonacci une inoubliable Carmen, ils ne sont pas forcément aussi admirables en récital de mélodie, surtout selon ce qu’ils ont décidé de chanter.
Une fois encore, ce type d’exercice répond à des normes bien particulières dont chaque détail doit être pensé avec la plus grande minutie et, si possible, aussi, avec beaucoup de talent.
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 19/06/2010 Gérard MANNONI |
| Récital de la mezzo-soprano Anna Caterina Antonacci accompagnée au piano par Donald Sulzen à l’Opéra Comique, Paris. | Fauré, Hahn, Bachelet, Tosti, Tirindelli, Cimara, Toscanini, Respighi, Zandonai
Anna Caterina Antonacci, mezzo-soprano
Donald Sulzen, piano | |
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