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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Alice in wonderland d’Unsuk Chin dans une mise en scène de Mira Bartov et sous la direction de Wen-Pin Chien au Grand Théâtre de Genève.
Merveilleuse Alice
Grâce à une production luxueuse, le Grand Théâtre de Genève fait l'événement avec un opéra contemporain d'après Alice au pays des merveilles. Équipe vocale au cordeau, mise en scène au diapason du conte de Lewis Carroll, Alice in Wonderland place la Coréenne Unsuk Chin au rang des grands compositeurs d'opéra de notre époque.
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Le credo est lancé dès le hall d'entrée du Grand Théâtre de Genève : destination le pays de merveilles. Portiques de sécurité, ouvreurs habillés en gilets jaunes fluo tels des arpenteurs de tarmacs, voix d'accueil qui invite le public à attacher ses ceintures, le Grand Théâtre a vu les choses en grand pour la création suisse (la première a eu lieu en 2007 à Munich) d'Alice au pays des merveilles de la compositrice coréenne Unsuk Chin.
Rare privilège pour une œuvre à l'encre aussi fraîche, la ville lémanique propose une nouvelle production dans une mise en scène de la Suédoise Mira Bartov. On craint un instant pourtant que la débauche de moyens employée ne cache mal la vacuité d'un opéra trop tôt célébré, d'autant que le rideau s'ouvre sur un immense hall d'aéroport animé par des dizaines de figurants aux déplacements mal réglés.
Sommes-nous bien chez Lewis Carroll ? Modernisation oblige, Alice s'égare dans un grand aérogare contemporain. C'est la seule entorse au conte originel, le livret (concocté par David Henry Hwang et la compositrice) se montrera par la suite d'une étonnante fidélité au chef-d'œuvre de Carroll. Maladresse et joliesse vont dans un premier temps contrarier le bon déroulement de la féérie.
La musique de Chin se contente d'illustrer avec brio de courtes séquences bien connues – le lapin blanc à l'horloge, la chenille hallucinogène – et on aura une belle idée de ce que la compositrice coréenne obtient de l'orchestre (parfait Orchestre de la Suisse romande dirigé par Wen-Pin Chien), en imaginant les épisodes des petites fioles Drink Me and Eat matérialisés par des glissandi de cordes s'allongeant et se rétrécissant.
Plus qu'à la Flûte enchantée, opéra féérique par excellence, on pense ainsi à l'Enfant et les sortilèges de Ravel : même structures en numéros, même magie orchestrale, mais il manque à la situation de départ une force dramaturgique suffisante pour emporter tout à fait l'adhésion. Autre point noir, la vocalité, qui tombe dans l'écueil qui guette tout compositeur avec la langue anglaise : cela sonne comme du Britten, sans le lyrisme, l'application en plus.
Pourtant, Alice devient vite plus qu'un spectacle où d’honorables chanteurs font les enfants dans des costumes colorés. Par sa longueur (deux heures sans entracte), l’opéra gagne en cohérence et en beauté au fur et à mesure de la représentation. La folie du conte de Lewis Carroll fouette bientôt tous les recoins de la scène ; de l'épisode du tea-time avec le chapelier (épatant Dietrich Henschel), aux sourires effrontés du chat (mutine Cyndia Sieden), la musique poudroie bientôt de toutes parts – antiphonie de percussions placée des deux côtés de la fosse, bouffées néo-classiques, interludes bruitistes.
La partition a certes tout le confort moderne. On pense tantôt à du Ligeti adouci, tantôt à du John Adams tempéré par des micro-intervalles, le tout avec des solos instrumentaux dignes de Stockhausen, et une orchestration magique tout droit de la musique spectrale. Mais que d'imagination !
À l'instar de sa collègue Kaija Saariaho, Unsuk Chin a l'art de conduire sa musique sans violence, de suggérer sans ostentation. Elle réveille même son écriture vocale le temps de grands airs à la féminité exacerbée (citons la remarquable duchesse de Laura Nykänen, et l'Alice de Rachele Gilmore, excellente de bout en bout) jusqu'à une splendide scène finale qui donne à réfléchir sur le temps et l'enfance.
Une belle réussite en somme, à la fois sensible et spectaculaire, qui dépasse de loin le récent film de Tim Burton d'après le même conte. Comme quoi, à l'heure où la 3D envahit jusqu'à nos écrans domestiques, le spectacle musical vivant a encore de bien belles heures devant lui.
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Grand Théâtre, Genève Le 17/06/2010 Laurent VILAREM |
| Nouvelle production d’Alice in wonderland d’Unsuk Chin dans une mise en scène de Mira Bartov et sous la direction de Wen-Pin Chien au Grand Théâtre de Genève. | Unsuk Chin (*1961)
Alice in wonderland, opéra en un acte et huit tableaux
Livret de David Henry Hwang et du compositeur d'après le conte de Lewis Carroll
Chœur du Conservatoire populaire de Genève
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Wen-Pin Chien
mise en scène et chorégraphie : Mira Bartov
décors et costumes : Tine Schwab
Ă©clairages : Kristin Bredal
préparation des chœurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Rachele Gilmore (Alice), Cyndia Sieden (Cheshire Cat), Karan Armstrong (Quenne of hearts), Laura Nykänen (Owl / Duchess), Dietrich Henschel (Mad Hatter / Duck), Andrew Watts (White Rabbit / March Hare), Guy de Mey (Mouse / Dormouse), Richard Stilwell (King of hearts / Crab), Bruce Rankin (Badger / Cook), Christian Immler (Dodo / Frog-Footman / Mock Turtle). | |
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