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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Nouvelle production de La Donna del Lago de Rossini dans une mise en scène de LluĂs Pasqual et sous la direction de Roberto Abbado Ă l'OpĂ©ra de Paris.
Feu d’artifice rossinien
Plateau de rêve pour la Donna del Lago qui entre au répertoire de l’Opéra de Paris, 191 ans après sa première au Teatro San Carlo de Naples. Dans le rôle-titre, l’éblouissante Joyce DiDonato s’affirme comme une véritable héritière de la légendaire Isabella Colbran, la première Elena qui devint l’épouse légitime de Rossini trois ans plus tard.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Prima la voce pour la tardive création de La Donna del Lago au Palais Garnier. La distribution réunie par Nicolas Joel n’est pas uniquement prestigieuse grâce au couple vedette DiDonato-Flórez mais d’une exceptionnelle homogénéité de tous les protagonistes, y compris d’impeccables comprimarii.
Au niveau du chant, il faut saluer un sans faute total : la soirée est de bout en bout jubilatoire. Dommage que ce feu d’artifice rossinien ne trouve pas le même écho auprès d’un orchestre certes techniquement irréprochable mais platement et mollement dirigé par un Roberto Abbado qu’on a connu moins routinier dans un autre répertoire.
Sans doute est-il attentif aux chanteurs et ne les met-il jamais en danger, mais la partition délicate, inventive et colorée de Rossini n’exige pas seulement une précision scrupuleuse, elle mériterait plus de nerf et un minimum d’inspiration.
L’unique mérite de la production est de ne jamais gâcher le plaisir de savourer ce festival belcantiste. Fidèle à lui même, Ezio Frigerio a conçu un décor imposant et somptueux qui n’évoque jamais la brume et la poésie d’un lac écossais mais dont les colonnades et les lustres s’accordent parfaitement aux ors du Palais Garnier. Vu ce qu’il a dû coûter, en ces temps où l’économie est de rigueur, ce décor fastueux a l’avantage de s’adapter à la plupart des ouvrages du dix-neuvième : il faudra songer à le réutiliser.
Quant Ă la non-mise en scène de LluĂs Pasqual, elle consiste Ă aligner les choristes en rang d’oignons dans le fond de la scène ou sur les Ă©tages supĂ©rieurs : certains habillĂ©s en soldats et les autres en smoking, avec les dames en robe du soir. Comme au bon vieux temps, les protagonistes chantent devant la rampe, pratiquement immobiles, sans se donner la peine de la moindre initiative personnelle pour remĂ©dier Ă la carence de la direction d’acteurs.
Ainsi du vertigineux Juan Diego Flórez, la main sur le cœur, et d’une Joyce DiDonato pourtant capable d’improviser une incroyable Rosina en fauteuil roulant sur la scène du Covent Garden l’an dernier. Pas une idée, sinon de temps en temps meubler l’espace avec quelques pas de danse hors de propos. Rien de dérangeant non plus : dieu merci, on échappe au moins à la laideur de certaines relectures du Regietheater et on savoure des prouesses vocales qui font délirer la salle.
Si Flórez confirme qu’il est le plus grand ténor rossinien actuel, Colin Lee est quasiment aussi sensationnel dans le rôle très exigeant de Rodrigo. Déjà remarqué à l’Opéra Bastille dans Almaviva et Léopold de la Juive, le ténor sud-africain s’affirme comme un belcantiste de premier ordre, alors que la technique irréprochable de Daniela Barcellona rend totalement justice à Malcolm.
Mieux que les illustres sopranos – de Montserrat Caballe à June Anderson – qui ont abordé le rôle depuis quatre décennies, Joyce DiDonato réunit toutes les qualités d’une Elena idéale. L’aigu n’a rien à leur envier, mais la richesse de la voix s’étend aussi dans le bas-médium, conférant à son interprétation virtuose une sensualité unique. Simplement magique, le célébrissime rondo final est une magistrale leçon de vrai bel canto expressif. Une cantatrice désormais au sommet de son art.
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