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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Claus Guth, sous la direction de Yannick-Nézet Séguin au festival de Salzbourg 2010.
Salzbourg 2010 (7) :
Vivre libre et mourir
Christopher Maltman (Don Giovanni) et Erwin Schrott (Leporello)
Merveille d’intelligence que ce Don Giovanni de Claus Guth repris à Salzbourg avec le même bonheur malgré la direction en dents de scie de Yannick Nézet-Séguin et un plateau remanié. La preuve qu’une véritable conception dramatique peut balayer bien des réserves quand elle est aussi soignée et servie avec autant de conviction.
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Déjà admiré en 2008, le Don Giovanni de Claus Guth renouvelle avec une fraîcheur intacte la même leçon d’évidence. Le grand enjeu de la mise en scène d’opéra, c’est au fond la subjectivité. À trop respecter l’œuvre, on la rend muette ; à trop vouloir la faire parler, on la violente. Rien de tel ici, car c’est Mozart et Da Ponte qui semblent s’exprimer par la bouche de Guth.
Concrètement, cela signifie que les aménagements du metteur en scène sont le fruit d’une conception si organique que non seulement ils épousent la dramaturgie sans jamais coincer aux entournures mais qu’ils l’enrichissent. Ainsi, le dramma giocoso fonctionne spontanément avec cette Comédie humaine des conventions où chacun cherche sa place – sans jamais vraiment la trouver.
Marqué dès le début par le meurtre du Commandeur et sa propre blessure mortelle, Don Giovanni est en sursis – comme chacun de nous – avec une urgence qui confère à son appétit de vivre une dimension universelle d’autant plus prenante qu’il est plus vulnérable et désespéré. La lucidité que Camus prête au personnage de Tirso de Molina dans le Mythe de Sisyphe n’est pas loin, et – là est tout le génie – les autres personnages sont exactement dans la même galère.
Anna aspire à l’émancipation – sexuelle et amoureuse – mais ne peut renoncer à l’honnêteté bourgeoise, Ottavio est impuissant à se révolter contre sa fiancée infidèle, Elvira est brisée par la compassion et l’amour véritable, et un Masetto pourtant accommodant perd sa Zerlina quand elle fait l’expérience du désespoir – de l’absurde, dirait un existentialiste. Enfin, résigné et à la dérive, toxicomane épicurien, Leporello réserve à son maître une tendresse poignante toute tournée vers la mort.
Loin du magnétisme du séducteur de Séville, c’est sa liberté qui aimante tous les protagonistes, liberté hors de leur portée, à laquelle ils se brûlent, faute de hauteur tragique et de courage pour le saut dans le vide de l’absolu. Ainsi la boucle est bouclée entre le désespoir à la Tchékhov et le théâtre classique – français ou antique.
Devant une représentation si cohérente, compter les points n’a plus vraiment de sens et la critique devient une épreuve. Mais s’il faut se livrer à l’exercice, on retiendra l’irradiante Elvira de Dorothea Röschmann, bouleversante dès qu’elle ouvre la bouche et malgré toutes les réserves vocales qu’on peut émettre, musicienne, diseuse, terriblement humaine.
L’Anna ambiguë d’Aleksandra Kurzak est moins uniment manipulatrice qu’Annette Dasch, avec une prestation vocalement plus solide mais inégale, parfois lourde, parfois fébrile, d’un italien un peu appuyé. Le personnage y gagne globalement en profondeur mais sa fragilité plus visible ménage moins de surprise aux moments de désespoir – Non mi dir.
L’Ottavio de Joel Prieto est juste assez élégiaque, juste assez incertain pour qu’on le sente à la fois dominé et capable de sacrifice. Quant à Masetto, Adam Plachetka prête son grain de voix finalement touchant à ce personnage en général bien fruste, et la Zerlina d’Anna Prohaska, qui sans exhiber le timbre d’orfèvre d’Ekaterina Siurina, a l’inconscience juvénile du rôle.
Les prestations vocales en dents de scie du couple maître-valet ne gâchent pas une incarnation éblouissante : on se rappellera plus la sérénade hallucinée que l’air du vin de Christopher Maltman, aux prises avec une voix vague, et l’énergie d’une vulnérabilité inattendue d’Erwin Schrott plus que son émission chaotique et son extériorité. Quant au Commandeur de Dimitri Ivachenko, on oubliera bien vite sa vilaine voix tremblotante et son peu d’ampleur pour souscrire à la neutralité du personnage, simple figure du destin.
Le geste souvent négligent de Yannick Nézet-Séguin alterne routine et éclats avec une indéniable complaisance – scène finale à fond les manettes, ouverture bâclée, phrasés imprécis – à la tête de Wiener Philharmoniker en moyenne forme – cordes brouillonnes, cors en péril – mais n’entame pas l’efficacité de la mise en scène et la force du spectacle.
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Haus fĂĽr Mozart, Salzburg Le 29/08/2010 Thomas COUBRONNE |
| Reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Claus Guth, sous la direction de Yannick-Nézet Séguin au festival de Salzbourg 2010. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes (1787)
Livret de Lorenzo Da Ponte
Mitglieder der Angelika Prokopp Sommerakademie
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Yannick NĂ©zet-SĂ©guin
mise en scène : Claus Guth
décors & costumes : Christian Schmidt
Ă©clairages : Olaf Winter
préparation des chœurs : Thomas Lang
Avec :
Christopher Maltman (Don Giovanni), Dimitri Ivachenko (Il Commendatore), Aleksandra Kurzak (Donna Anna), Joel Prieto (Don Ottavio), Dorothea Röschmann (Donna Elvira), Erwin Schrott (Leporello), Anna Prohaska (Zerlina), Adam Plachetka (Masetto). | |
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