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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Elektra de Strauss dans une mise en scène de Christof Nel et sous la direction de Stefan Soltesz au Grand Théâtre de Genève.
Une Elektra plan-plan
Grand retour de l’Elektra de Strauss sur la scène de Genève, sous les atours d’une mise en scène aux bonnes idées mais dans le fond bien sage, et relayée par une prestation de fosse chambriste en diable et un plateau plutôt moyen d’où émerge une ravissante Chrysothémis. Un ensemble sans doute un peu léger pour un ouvrage aussi cataclysmique.
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Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
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Absente de Genève depuis vingt ans et les représentations documentées au disque avec Jeffrey Tate, Gwyneth Jones et Leonie Rysanek, Elektra fait son retour au Grand Théâtre avec des moyens plus modestes. La mise en scène de Christof Nel, d’abord, n’est pas de celles qui donnent le frisson ou hantent durablement.
Bien pensée, sans manquer d’idées ni de références explicites au préalable à l’action, à savoir le sacrifice d’Iphigénie, elle se déroule dans un gigantesque palais cubique sur plateau tournant dû au décorateur Roland Aeschlimann –, l’auteur du magnifique Parsifal repris la saison dernière –, dont les multiples fenêtres offrent autant de possibilités d’apparitions de la cour de Clytemnestre que de visions cauchemardesques d’Elektra.
Une fois posé que ce dispositif qui fait son effet au lever de rideau finit par se banaliser à force de rotation, que les cadavres aux fenêtres, la tête couverte des seaux rouillés des servantes, ne provoquent guère l’horreur escomptée, il reste surtout au travail purement théâtral de traduire le destin ravagé de la lignée des Atrides.
Et pour une Elektra qui se démène de son mieux, sans toujours convaincre dans ses débordements, pour une Chrysothémis obnubilée par le mariage et la maternité, pour un Oreste presque aussi autiste que sa mère le prétend, on doit subir en permanence des figurants parasitant l’affrontement des personnages dans leur face à face tragique.
La scène de Clytemnestre, vaguement dépressive et alcoolique, jamais seule dans sa tentative d’apprivoisement de sa fille, le monologue d’Elektra, où rôde déjà sa sœur, la reconnaissance d’Oreste, pareillement entravée par d’inutiles présences, perdent tous à ce grouillement affaiblissant le huis-clos génialement pensé par Hofmannsthal d’après l’antique.
En fosse, par un allègement et un dégraissage extrêmes du tissu orchestral, le Strauss du grommelant Stefan Soltesz marche sur les traces d’un Rudolf Kempe, et donc dans la lignée du compositeur lui-même, conformément au commandement malicieux : « tu dirigeras Salomé et Elektra comme du Mendelssohn, de la musique d’elfes. »
La délocalisation des harpes hors de la fosse répond du coup assez bien à la volonté de transparence, de radiographie des timbres, à une lecture fine, rapide, nerveuse, d’un chambrisme admirable pour le plateau. Admettons toutefois que pour légitime qu’elle soit – surtout avec un Orchestre de la Suisse romande aussi soigneusement aiguisé –, elle réclame un certain temps d’adaptation sitôt après le génial hédonisme cataclysmique des Wiener Philharmoniker à Salzbourg.
Jeanne-Michèle Charbonnet, qui ne chante plus que les pires poids-lourds du répertoire, affiche une fois encore un matériel déformé par une écriture trop épuisante. Et si la voix possède une bonne largeur pour traduire la détermination de la fille d’Agamemnon, dès le haut-médium, l’émission est affligée d’un épouvantable hululement, pour ne rien dire d’un aigu souvent lancé advienne que pourra.
Naguère l’excellente Elektra d’Abbado à Vienne, Eva Marton semble peu à l’aise dans la tessiture centrale de Clytemnestre, et sitôt échappé de la voix de poitrine ou d’un aigu encore de belle vaillance, le timbre blanchit, et la soprano hongroise, qui propose un drôle de mélange d’articulation hachée au sein d’une volonté de privilégier le chant, néglige allègrement les hauteurs écrites au profit d’une ligne imaginaire toujours plus haute.
Excellente surprise, la Chrysothémis tout en fraîcheur et en lumière d’Erika Sunnegårdh, d’une légèreté dans le débit, d’une souplesse de la phrase qui font merveille dans cet unique rôle de rai lumineux, et dont seules des apogées dans le troisième registre un rien larges pourraient faire craindre une mauvaise évolution.
CĂ´tĂ© masculin, l’Oreste fort en gueule d’Egils Silins est d’un bel aplomb, et l’Égisthe de Jan VacĂk parmi les rares qu’on ait entendu possĂ©der un timbre agrĂ©able, buffa mais sans disgrâce. Soulignons enfin l’excellence d’un plateau de servantes aux voix idĂ©alement placĂ©es, loin des habituelles walkyries.
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Grand Théâtre, Genève Le 13/11/2010 Yannick MILLON |
| Nouvelle production d’Elektra de Strauss dans une mise en scène de Christof Nel et sous la direction de Stefan Soltesz au Grand Théâtre de Genève. | Richard Strauss (1864-1949)
Elektra, opéra en un acte (1909)
Livret de Hugo von Hofmannsthal, d’après Sophocle
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse romande
direction : Stefan Soltesz
mise en scène : Christof Nel
décors : Roland Aeschlimann
costumes : Bettina Walter
Ă©clairages : Susanne Reinhardt
préparation des chœurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Eva Marton (Klytämnestra), Jeanne-Michèle Charbonnet (Elektra), Erika SunnegĂĄrdh (Chrysothemis), Egils Silins (Orest), Jan VacĂk (Aegisth), Ludwig Grabmeier (Der Pfleger des Orest), Magali Duceau (Die Vertraute), Cristiana Presutti (Die Schleppeträgerin), Manfred Fink (Ein junger Diener), Slobodan Stankovic (Ein alter Diener), Margaret Chalker (Die Aufseherin), Isabelle Henriquez (Erste Magd), Olga Privalova (Zweite Magd), Carine SĂ©chaye (Dritte Magd), Sophie Graf (Vierte Magd), BĂ©nĂ©dicte Tauran (FĂĽnfte Magd). | |
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