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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de My Fair Lady de Frederick Loewe et Alan Jay Lerner dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Kevin Farrell au Théâtre du Châtelet, Paris.
The Fairest Lady
C’est la recette miracle du Châtelet version Jean-Luc Choplin. Un triomphe de Broadway popularisé par son adaptation cinématographique, une mise en scène luxueuse, un plateau mêlant chanteurs lyriques et acteurs de choix : My Fair Lady, le chef-d’œuvre de Lerner et Loewe, atteint les mêmes sommets que The Sound of Music. Ou presque.
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Sur le marbre en trompe l’œil du rideau de scène, une inscription latine : Mea pulchra puella. Ce qui signifie littéralement My Fair Lady. D’emblée, Robert Carsen installe une distance. Car plus encore que Candide de Bernstein, qu’il avait présenté en 2006, cette incursion dans le musical, aussi mythique – et même mythologique – fût-il, s’apparente pour le metteur en scène d’opéra le plus prolifique de sa génération à un exercice de style.
À la manière de Rex Harrison, créateur du rôle de Henry Higgins, qui, comme le précise Patrick Niedo dans le programme, ne passait pas une répétition sans réclamer son édition de Pygmalion de George Bernard Shaw, Carsen ne perd jamais de vue les enjeux, notamment sociaux, de la pièce originale, adaptée pour Broadway aussi exhaustivement que possible par Alan Jay Lerner. Et dévoile par un clin d’œil aux intentions du dramaturge irlandais les conséquences d’une romance entre Eliza Doolittle et le professeur, prophétisées dans la chanson I’m an Ordinary Man : lui devient selfish and tyrannical (égoïste et tyrannique) – a-t-il jamais cessé de l’être ? –, tandis que la jeune femme redecorates your home, from the cellar to the dome (redécore votre maison de la cave au plafond).
Malgré donc une légère baisse de régime dès que s’insinue le sentiment, le spectacle respecte les lois du genre avec un luxe infini. Le rythme est soutenu, les transitions entre les numéros musicaux et les dialogues d’un parfait naturel, les changements de décors aussi fluides que spectaculaires dans ce Londres immaculé, très Greek Revival, minutieusement imaginé par Tim Hatley, qui invite ses balustres et colonnade jusque dans le laboratoire du professeur Higgins.
Multi-oscarisé, Anthony Powell n’avait certes rien à craindre de la comparaison avec Cecil Beaton, dont les costumes furent récompensés tant pour la version scénique que pour le film de George Cukor, mais la transposition dans les années 1930 élargit le champ de sa créativité qui, plus encore que dans la scène du Bal de l’Ambassade, culmine sur la pelouse d’Ascot, débauche éblouissante de couleurs et d’étoffes vaporeuses.
Manque cependant, à force d’élégance, de raffinement, de perfection, cette légère pointe de kitsch inhérente à la comédie musicale, qu’Emilio Sagi, moins néoclassique, plus pop que Robert Carsen avait parfaitement assimilé dans The Sound of Music – et dont l’Orchestre Pasdeloup, toujours dirigé par Kevin Farrell, se délecte de nouveau. Plus sophistiquée, la pièce s’y prête moins, peut-être, qui traite du langage, de sa correction. Et par là même exige une distribution parfaitement rompue aux subtilités de l’idiome britannique inlassablement défendu par Higgins.
Qui mieux qu’Alex Jennings, plusieurs fois lauréat du Laurence Olivier Award, y compris pour ce rôle, pouvait l’incarner ? Car il faut passer après Rex Harrison – Cary Grant, à qui fut d’abord proposée l’adaptation cinématographique, refusa le défi. Malgré un mimétisme vocal troublant, l’acteur britannique n’imite jamais son aîné, parfaitement maître de son parlé-chanté, dans une composition délectable de muflerie distinguée.
Nicholas Le Prevost, Colonel Pickering réjouissant de prolixité naïve, Jenny Galloway, Mrs. Pearce à l’autorité patiente, et Margaret Tyzack, Mrs. Higgins toujours spirituelle dans sa bienveillance, illustrent à leur tour cette formidable capacité des comédiens d’outre-Manche à passer d’un registre, d’un genre à l’autre, de Shakespeare au musical avec le plus parfait naturel, et sans jamais céder à la facilité. De même que Donald Maxwell, pilier des théâtres lyriques anglais, coule parfaitement son baryton dans la faconde d’Alfred P. Doolittle. Quant à Ed Lyon, jusqu’à présent croisé en terres baroques, il se révèle pleinement, ligne châtiée et aigu pimpant, dans On the Street Where You Live.
Également de formation classique, Sarah Gabriel paraît en retrait à Covent Garden, ne sachant trop comment concilier émission vocale et sonorisation. Parfaite d’allure et de gouaille cockney, son Eliza ne tarde cependant pas à éclore, un rien pâle encore dans I Could Have Danced All Night, mais hilarante à Ascot, déchainée dans Show Me, fairest lady, enfin dans Without you.
Théâtre du Châtelet, jusqu'au 2 janvier
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Théatre du Châtelet, Paris Le 12/12/2010 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de My Fair Lady de Frederick Loewe et Alan Jay Lerner dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Kevin Farrell au Théâtre du Châtelet, Paris. | My Fair Lady (1956)
Musique de Frederick Loewe
Orchestration de Robert Russell Bennett et Philip J. Lang
Livret et lyrics d’Alan Jay Lerner d’après la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw et le film éponyme de Gabriel Pascal.
Chœur du Châtelet
Orchestre Pasdeloup
direction : Kevin Farrell
mise en scène : Robert Carsen
décors : Tim Hatley
costumes : Anthony Powell
chorégraphie : Lynne Page
Ă©clairages : Adam Silverman
dramaturgie : Ian Burton
Avec :
Sarah Gabriel (en alternance avec Christine Arand, Eliza Doolitle,), Alex Jennings (Henry Higgins), Margaret Tyzack (Mrs. Higgins), Nicholas Le Prevost (Colonel Pickering), Donald Maxwell (Alfred P. Doolittle), Jenny Golloway (Mrs. Pearce), Ed Lyon (en alternance avec Pascal Charbonneau, Freddy Eynsford-Hill). | |
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