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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première au Théâtre du Châtelet du Barbier de Séville mis en scène par Emilio Sagi, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi.
Saggio, ma di qualitĂ
Bogdan Mihai (Almaviva) & Anna Stéphany (Rosina)
L’opéra différent, c’est ce qu’avait promis Jean-Luc Choplin quand il a pris ses fonctions de directeur du Châtelet. Promesse tenue avec un sémillant Barbiere di Siviglia à deux faces, en noir et blanc puis en couleurs, où s’illustre un plateau jeune et homogène de voix légères, et où Jean-Christophe Spinosi apparaît bien sage.
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Œuvre légère et pétillante d’humour, écrite en trois semaines par le jeune et révolutionnaire Rossini, le Barbier de Séville voulait échapper aux conventions. Il caricaturait l’opéra sérieux. Le chef Jean-Christophe Spinosi et le metteur en scène espagnol Emilio Sagi ont associé leurs fantaisies dans cette production pimpante, parfois burlesque, sans jamais tomber dans l’excès.
Sagi avait enflammé le Châtelet avec le Chanteur de Mexico et la Mélodie du bonheur. Jean-Christophe Spinosi s’est fait une spécialité de partitions que, sous prétexte d’authenticité, il prend à rebrousse-poil. Cette fois, l’un et l’autre se sont assagis et suivent méticuleusement les tours et détours de cet opera-buffa où la folie est organisée par Rossini.
L’idée originale de Sagi est dans le regard que Rosine porte sur le monde et sur Séville. En première partie, le décor et les costumes sont noirs et blancs : la vision d’une jeune fille révoltée prise au piège par son barbon de tuteur et qui, assoiffée de liberté, rêve avec mélancolie de s’échapper.
Tout change dans la deuxième partie. Rosine aime, se sait aimée et son cœur chavire dans un univers ultra coloré, bariolé même. Les gags se multiplient entrainés par des acrobates et des danseurs de flamenco. Ils accompagnent le décor qui bouge sans cesse, les meubles en folie qui se disloquent au rythme des sentiments qui agitent l’âme de Rosine.
Les chanteurs, presque inconnus, ont à peu près l’âge de leurs personnages. On est donc loin des distributions parfois compassées. Point de star. Si vous rêvez de l’inoubliable Callas dans Una voce poco fa, passez votre chemin ! Ici, c’est un autre style, plus proche de l’opérette. L’Anglaise Anna Stephany vocalise avec une douceur radieuse et poétique. Elle a la grâce que l’on suppose à Rosine et elle est toujours touchante.
Séducteur de pacotille, comme le décrit le metteur en scène, le Comte Almaviva est le ténor roumain Bogdan Mihai. Silhouette fine, il montre une voix légère un peu affectée mais souple et charmante : « un vrai tenore di grazia mozartien », souffle mon voisin. L’interprète qui possède le plus d’épaisseur est le Don Basilio du baryton français Nicolas Courjal.
Le Figaro de l’Italien Bruno Taddia est physiquement et vocalement un idéal garçon-coiffeur : on ne l’imagine jamais manipulateur de l’intrigue et son mordant semble insuffisant, coincé dans une voix ténorisante. Drôlissime, la Berta de Giovana Donadini est surtout théâtrale, tandis que Tiziano Bracchi sait offrir une projection tonitruante autant qu’un sillabato à la mitraillette au barbant Bartolo.
La surprise vient de Jean-Christophe Spinosi et de son Ensemble Matheus sur instruments anciens, un peu acide et terne. Rien de la magie de leur Vivaldi. On s’attendait à un feu d’artifice spinosien, fou, fou, fou. Sa direction est sensible, subtile. Mais le fougueux trublion s’est calmé, peut être un peu trop. Il a mis comme on dit chez lui, en Bretagne, un peu trop d’eau dans son cidre.
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