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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Le Messie de Haendel mis en scène par Oleg Kulik et sous la direction de Hartmut Haenchen au Théâtre du Châtelet, Paris.
L’indigeste Messie de Kulik
Au milieu des comédies américaines suaves, Jean-Luc Choplin réserve chaque année un temps fort à la création contemporaine plastique et musicale. Son artiste fondateur est l’anticonformiste russe Oleg Kulik. Jadis provocant, l’insolent plasticien spatialise en 3D le Messie de Haendel sans imagination. Voici un copieux raté !
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Quelle idée de mettre en scène des oratorios ! Telle est la première réaction à l’annonce du Messie de Haendel en version scénique. La partition choisie est celle, très peu souvent entendue, que Mozart a réorchestrée en 1789. Remise au goût du jour, trente ans après la mort de Haendel, la partition, dans une traduction allemande, tient presqu’autant à Mozart qu’à Haendel. Et malgré la langue, on ressent souvent des imprécations dignes de Don Giovanni.
Mais cet arrangement est lourd, emphatique et ne décolle jamais. Comme parfois, l’addition d’un génie à un autre génie se révèle une catastrophe. L’Orchestre philharmonique de Radio France sous la baguette du chef wagnérien Hartmut Haenchen, souvent mieux inspiré, notamment quand il dirige Wozzeck à la Bastille, se meut dans une pâte épaisse. Les chœurs s’en sortent plutôt bien. Mais dans un oratorio les chœurs et l’orchestre ont leur place sur la scène : ils sont les vedettes. Les voici dans la fosse, du moins au « premier acte » !
La star est le plasticien russe Oleg Kulik. Certes, il a un talent provocateur évident. Ses œuvres, jadis présentées à la FIAC furent, un temps, interdites pour obscénité. La censure n’élève pas toujours les réprouvés au rang des génies incompris ! Que voit-on sur scène ? Des effets spéciaux de lumières parfois belles, des robots articulés qui avancent et reculent sans qu’on comprenne pourquoi.
Au milieu, tandis que s’agite un malheureux danseur échappé du Mariinski défilent des images hétéroclites, parfois abstraites, style Vasarely, et en d’autres moments, figuratives. On reconnaît des peintures éminentes, le Portement de Croix, l’Agneau mystique, Saint Georges et son dragon. Mais ce n’est pas en convoquant Breughel, Van Eyck ou Jérôme Bosch, plus quelques vitraux des cathédrales ajoutés à un déluge de lumière, qu’on fait acte de création.
Les chanteurs, le ténor allemand Tilman Lichdi et la basse britannique Darren Jeffery sont habillés en popes. Des deux côtés de la scène, ils sont accompagnés des deux solistes femmes, la soprano Christina Landshamer et la mezzo Anna Stéphany, la première lovée dans une tunique et un voile rouges, la seconde en gris foncé : des voix somptueuses qui donnent un peu de baume au cœur.
La catastrophe ne serait pas complète sans le pauvre philosophe Michel Serres, égaré dans cette affaire. Sur scène, il prêche, sermonne, annone un texte enfantin paraphrasant la Bible. D’habitude si élégant, si intelligent, qu’est-il allé faire dans cette galère ? À ses côtés, des images virtuelles dignes des boîtes de nuit de banlieue se découpent dans un espace distordu entre vidéo et cinéma.
Cela dure une éternité : deux heures et demie avec deux entractes. Au second, le soir de la première, la salle était à moitié vide. Il fallait du cran pour survivre jusqu’à la troisième partie. Voilà un spectacle à oublier bien vite…
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Théatre du Châtelet, Paris Le 14/03/2011 Nicole DUAULT |
| Le Messie de Haendel mis en scène par Oleg Kulik et sous la direction de Hartmut Haenchen au Théâtre du Châtelet, Paris. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Le Messie, oratorio en trois parties
Orchestration de Mozart (1789)
Michel Serres, récitant
Christina Landhamer, soprano
Anna Stéphany, mezzo-soprano
Tilman Lichdi, ténor
Darren Jeffery, basse
Chœur du Châtelet
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Hartmut Haenchen
mise en scène : Oleg Kulik
vidéo : Robert Nortik
costumes : Lili Kendaka | |
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