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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Première au Grand Théâtre de Genève des Vêpres siciliennes de Verdi dans la mise en scène de Christof Loy, sous la direction d’Yves Abel.
Les limites du système Loy
Les Vêpres siciliennes sont assez rarement montées, qui plus est dans la version originale française, pour que l’initiative du Grand Théâtre de Genève, en coproduction avec le Nederlandse Opera, soit un motif de satisfaction. La mise en scène de Christof Loy et l’exécution musicale s’avèrent cependant trop neutres pour retenir un seul instant l’attention.
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Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
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De Christof Loy, on avait défendu contre une unanimité ronchonne La donna del lago puissamment onirique présentée au Grand Théâtre de Genève. On avait logiquement été déçu par une Alceste moins profondément tenue au festival d’Aix-en-Provence. Et l’on avait oublié à quel point on avait détesté le Don Carlos hermétique vu à l’Opéra du Rhin en 2006.
Première véritable contribution de Verdi au grand opéra après la refonte de I Lombardi en Jérusalem, les Vêpres siciliennes sont une œuvre longue, difficile, et partant rare, qualificatif applicable à toutes les œuvres relevant de ce genre hormis Don Carlo(s) justement, auquel ses versions successives ont permis de s’imposer à la postérité – souvent en quatre actes et en italien, à l’instar de la production au répertoire à l’Opéra de Paris.
En 2003, Hugues Gall y avait d’ailleurs programmé ces Vêpres en cinq actes et en français, sans le ballet cependant, dans une mise en scène très oubliable d’Andrei Serban, et avec quelques belles performances vocales. Christof Loy a conservé le ballet, rebaptisé Saisons, scénarisé par Thomas Jonigk et chorégraphié non sans malice par Thomas Wilhelm, autour du stupéfiant massacre de sylphides de La donna del lago.
Il a aussi déplacé l’ouverture à la fin du premier acte – ou au début du deuxième, question de point de vue –, suivant l’exemple de Dimitri Mitropoulos – excusez du peu – qui avait fait de même avec La forza del destino où, à y regarder de plus près, l’entorse à la lettre verdienne se justifie sans doute davantage.
Pourquoi ? Eh bien parce que le metteur en scène allemand se pose toujours la question des causes dont les conséquences nous sont narrées dans le temps de l’opéra. Si Hélène, Henri, Procida, Monfort et qui sais-je encore agissent de la sorte, c’est que quelque chose de pas très net s’est produit dans leur enfance – c’est d’ailleurs ce que nous raconte Thomas Jonigk –, et que la mémoire de ce quelque chose les hante. On touche là aux limites du système d’un Regisseur parmi les plus doués peut-être de sa génération, mais que ses engagements incessants poussent à se répéter, s’ils ne tarissent pas tout à fait sa fantaisie.
Que nous apprend-il sur les Vêpres siciliennes de Verdi ? Pas grand-chose en vérité. Décors, costumes neutres, et revendiqués comme tels. Les oppresseurs français en smokings, marque de frivolité, et les opprimés siciliens en costumes vaguement années 1960. On sait à peu près quand cela se déroule, car durant l’ouverture, les photos des protagonistes ont été projetées avec leurs dates de naissance.
Les femmes sont humiliées, un peu à la manière de Salò ou les 120 journées de Sodome de Pasolini – c’est du sadisme contemporain. Mais quelle que soit l’ampleur de la violence, on pense à autre chose, on regarde ailleurs, le parterre déserté après l’entracte par exemple, on essaie de trouver un intérêt à tout cela en lisant le programme, dont la plupart des textes ont été assez piteusement traduits par Daniel Dollé. En somme, on s’ennuie ferme.
Il faut dire que, comme toujours au Grand Théâtre, la fosse étouffe l’Orchestre de la Suisse romande, dont on a peine à croire qu’il soit si incolore, sans que le geste d’Yves Abel – ni urgence, ni flamme – y puisse rien changer. Le chant est à l’avenant, dans un français que chacun essaie de soigner comme il peut, sans que le résultat en soit vraiment probant. Notable exception, le Montfort de Tassis Christoyannis, mois évident qu’en Ford dans le merveilleux Falstaff nantais, mais fort d’une prestance, d’une ligne, d’éclats, de tentatives de coloration que l’orchestre n’encourage guère, qui sous son air étire le tempo à n’en plus finir.
Balint Szabo a les notes de Procida, mais que le grain de cette voix est inoffensif, presque inerte ! Malin Byström maîtrise les écarts de tessiture d’Hélène avec une certaine prodigalité dans le haut du registre, mais une émission pâteuse dans le médium et plutôt frigide. Henri, enfin, profil inchantable sans doute, que Fernando Portari surmonte. Mais empêtré dans des postures vocales et physiques caricaturales, avec, pour ne rien arranger, ce timbre claironnant de second couteau, et ces r si disgracieusement grasseyés.
Dire que l’on se réjouissait au moins d’écouter les Vêpres siciliennes. On aura à peine pris la peine de les entendre…
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Grand Théâtre, Genève Le 10/05/2011 Mehdi MAHDAVI |
| Première au Grand Théâtre de Genève des Vêpres siciliennes de Verdi dans la mise en scène de Christof Loy, sous la direction d’Yves Abel. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Les Vêpres siciliennes, grand opéra en cinq actes (1855)
Livret d’Augustin Eugène Scribe et Charles Duveyrier
Livret du ballet Saisons par Thomas Jonigk
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Yves Abel
mise en scène : Christof Loy
décor : Johannes Leiacker
costumes : Ursula Renzenbrink
chorégraphie : Thomas Wilhelm
vidéo : Evita Galanou et Thomas Wollenberger
Ă©clairages : Bernd Purkrabek
Avec :
Malin Byström (Hélène), Fernando Portari (Henri), Tassis Christoyannis (Guy de Montfort), Balint Szabo (Jean Procida), Jérémie Brocard (le Sire de Béthune), Christophe Fel (le Comte de Vaudémont), Clémence Tilquin (Ninetta) Fabrice Farina (Danieli), Hubert Francis (Thibault), Guillaume Antoine (Robert), Vladimir Iliev (Mainfroid). | |
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