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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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RĂ©cital de Radu Lupu dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris.
En plein rĂŞve
Voyage au cœur du romantisme germanique avec ce magnifique récital du grand pianiste roumain Radu Lupu à la salle Pleyel. Deux heures de méditation musicale, dans une sobriété d’expression et un camaïeu de nuances qui approchent au plus près la vérité de Schumann et de Schubert. Un récital Piano**** tel un rêve éveillé.
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Après un récital comme celui-ci, on est partagé entre deux tentations, celle de ne rien écrire, car tout commentaire semble superflu, et celle d’écrire un livre entier. Choisissons quand même une voie intermédiaire en essayant de rendre compte de ces moments exceptionnels comme seuls les plus grands interprètes savent nous en faire vivre.
D’abord, il y a le choix du programme. Schumann, en première partie, mas pas le plus facile d’accès, celui des Papillons et des Bunte Blätter, une œuvre de jeunesse et un assemblage tardif de pages écrites tout au long d’une vie. Et puis, Schubert, en deuxième partie, avec une sonate, la D.845 en la mineur, d’inspiration sincère, de forme accomplie, sans concessions non plus.
Avec les Papillons, opus 2 seulement, Schumann plonge déjà dans ce que seront toujours ses sources d’inspirations, à savoir non seulement une sensibilité exacerbée qui le conduira à la folie, mais tout le contexte littéraire, intellectuel, philosophique, artistique de son temps, celui du romantisme qui vient de naître. En l’occurrence, il s’agit de pages du poète Jean Paul, évocation d’un bal étrange, fantomatique.
Cette série de brèves pièces, ici une douzaine, est une forme que Schumann pratiquera souvent et qui lui permet d’exprimer les élans contrastés de sa nature, toujours divisée entre la sagesse d’Eusébius et la fougue de Florestan.
Tout se situe dans une gamme de nuances d’une fascinante subtilité, à mi-chemin entre méditation et confidences murmurées, dans des couleurs sans cesse changeantes mais jamais excessives. Les cellules rythmiques typiquement schumanniennes sont là pour donner du nerf et relancer le débat.
On retrouvera un identique souci de diversité dans les Bunte Blätter, pages écrites tout au long de la vie du compositeur et qu’il rassembla en un recueil avec la volonté de former un kaléidoscope aussi varié et coloré que les divers moments vécus par sa sensibilité au fil des ans.
Et ici encore, il faut se situer à la frontière d’un monde lyrique et expressif et d’une extrême intériorisation intellectualisée. La manière dont Radu Lupu nous tient en haleine dans un camaïeu de nuances atteignant au plus profond de la vérité schumannienne tient du miracle, car cela est étranger à tout effet purement pianistique.
Tout comme avec la sonate de Schubert, antérieure d’une dizaine d’année aux Papillons et donc participant pleinement au dynamisme de ce mouvement romantique allemand né, il ne faut pas l’oublier, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle.
Mais le monde de Schubert n’est pas celui de Schumann, ni dans la recherche de la forme, notamment avec cette passion pour celle de la sonate partagée avec Beethoven, ni dans le domaine de la sensibilité, celle de Schubert étant aussi fragile que celle de Schumann, mais avec un mental plus solide et une désespérance peut-être plus profonde, plus irrémédiable et plus pudique.
Lupu trouve donc d’autres lumières, d’autres couleurs, un engagement différent qui mettent subtilement en évidence cet autre aspect du riche héritage du Sturm und Drang. De la musique totalement pure, vraie, comme il est rare d’en entendre, malgré la profusion d’excellents interprètes qui se vouent au piano à notre époque.
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Salle Pleyel, Paris Le 11/05/2011 GĂ©rard MANNONI |
| RĂ©cital de Radu Lupu dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Papillons op. 2
Bunte Blätter op. 99
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en la mineur op. 42 D 845
Radu Lupu, piano | |
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