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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du pianiste Denis Matsuev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Denis la vitesse
Personnalité brillante de la génération des trentenaires du piano russe, technicien éblouissant, Denis Matsuev a cette fois déçu par son incapacité à résister à la tentation de la vitesse dans un répertoire ne s’y prêtant pas toujours. Un véritable jeu de massacre, notamment dans les mouvements rapides de Schubert et Beethoven.
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Le public hurle de joie, mais Schubert et Beethoven doivent se retourner de tristesse dans leur tombe. Denis Matsuev, connu et apprécié pour son incroyable technique très efficace dans un répertoire où elle est à sa place, avait surpris lors d’un remarquable récital précédent où il avait su montrer un autre aspect de son jeu.
On garde notamment le souvenir de Scènes d’enfants et d’Études symphoniques de Schumann abordées avec l’intériorité et la densité qui convenaient, révélant une vraie capacité à échapper aux griseries de la virtuosité quand il le fallait. D’où l’étonnement à l’entendre cette fois se laisser emporter dans une folie de vitesse hors de propos dans la Sonate n° 14 de Schubert et dans l’Appassionata de Beethoven.
Cela paraît d’autant plus bizarre que cette erreur de jugement ne l’égare que dans les mouvements rapides, l’Andante de Schubert comme l’Andante con moto de Beethoven retrouvant des climats, des tempi et des couleurs plus conformes au propos des compositeurs et au caractère de leur musique. Mais dans les mouvements rapides, quel massacre !
Un déluge de notes, ahurissant il est vrai, mais d’où sensibilité et romantisme sont absents. Rien à voir avec l’intériorité pudique et rêveuse de Schubert, ni même avec la violence rageuse de Beethoven. Le plus étrange reste que, dans l’ensemble, les indications de dynamique et d’accents des partitions sont respectées, mais dans des tempi tellement inutilement poussés que rien d’autre n’existe qu’une féroce vélocité et une force de frappe hyper musclée.
Après l’entracte, le programme se prête évidemment mieux à pareille démonstration avec une Méphisto Valse de Liszt emportée dans un tourbillon effectivement diabolique, bel exemple du grand piano orchestral romantique où les traits coulent comme joués par des violons et les cacades d’accords sonnent comme un orchestre entier. Et même si un peu de respiration de temps à autre ne lui aurait pas nui, la Deuxième Sonate de Rachmaninov convient mieux à ce large déploiement de son, de notes et de pyrotechnie.
Lors du précédent récital de Matsuev, nous nous étonnions que le Théâtre des Champs-Élysées ne fût pas plein. Il ne l’était pas vraiment non plus cette fois-ci et risque de ne pas l’être davantage à l’avenir si le pianiste s’en tient à pareilles démonstrations athlétiques.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 20/05/2011 Gérard MANNONI |
| Récital du pianiste Denis Matsuev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Franz Schubert (1797-1828)
Sonate n° 14 en la mineur D 784
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate n° 23 en fa mineur op. 57 « Appassionata »
Franz Liszt (1811-1886)
Méphisto-Valse n° 1
SergeĂŻ Rachmaninov (1873-1943)
Sonate n° 2 en sib mineur op. 36
Version de 1931
Denis Matsuev, piano | |
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