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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première à Angers Nantes Opéra de l’Élixir d’amour de Donizetti mis en scène par Richard Brunel, sous la direction de Thomas Rösner.
Un Élixir éventé
Pas moins de cinq théâtres ont coproduit l’Élixir d’amour de Donizetti mis en scène par Richard Brunel. Malgré, ou peut-être à cause d’une distribution entièrement renouvelée, pour laquelle donc il n’a pas été créé, le spectacle expose sur la scène du Théâtre Graslin les limites d’une expérience que la conjoncture non seulement rend inévitable, mais appelle à se multiplier.
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Il est assurément révolu, le temps où chaque maison d’opéra créait dans son coin ses propres spectacles, sans soucier de son avenir dans des salles plus ou moins voisines. Plus une scène internationale qui ne coproduise, pas systématiquement peut-être, mais il est rare désormais qu’une mise en scène fêtée, ou chahutée, lors d’un festival n’ouvre une saison à l’autre bout du monde.
Tant mieux, si cela permet d’apprécier le travail des plus grands créateurs du moment. Mais dès lors que l’expérience est ramenée à l’échelon national, le risque n’est-il pas de réduire l’offre esthétique et théâtrale à une poignée de metteurs en scène dont la capacité à concevoir des structures suffisamment légères pour voyager facilement serait davantage encouragée que l’inventivité ? Nous n’en sommes certes pas encore là , et ce serait faire un mauvais procès aux cinq institutions françaises qui ont confié leur Elisir d’amore commun à Richard Brunel.
Encore jeune à l’opéra, le nouveau directeur la Comédie de Valence avait frappé juste avec sa mise en scène profonde, presque mystérieuse de l’Infedeltà delusa créée au festival d’Aix-en-Provence, avant de faire, elle aussi, le tour de France. Malgré la présence de militaires en treillis, plus dérisoire que menaçante en vérité, le melodramma giocoso de Donizetti ne lui a inspiré ni profondeur ni mystère – qualificatifs qui peuvent lui paraître étrangers de prime abord, mais qui ne l’étaient pas moins à la bluette tout aussi rurale de Haydn. Pas même un zeste de poésie…
Une actualisation bien peu ludique plutôt. Le décor, léger mais pas unique – la quadrature du cercle –, de Marc Lainé renforce cette impression de grisaille qu’égayent à peine les costumes de noces gentiment colorés de Claire Risterucci. Dans ce contexte pour ainsi dire banalisé, la comédie peine à décoller. Mais peut-être le spectacle présenté par Angers Nantes Opéra a-t-il été conçu pour des interprètes dotés de physiques correspondant mieux à l’idée que Richard Brunel se fait de leurs rôles.
Plus bon génie que bonimenteur, et partant maître du jeu, le Dulcamara de Yuri Kissin ne fait simplement pas le poids. Non qu’il ne chante sa partie avec un certain entrain, mais le timbre reste bien court de faconde. Bellâtre assurément, Jeremy Carpenter manque d’éclat vocal pour convaincre dans les agiles fanfaronnades de Belcore. Habituée du rôle d’Adina, Tatiana Lisnic ne suscite guère plus d’enthousiasme, personnage conventionnel, voix aigrie et belcantisme laborieux.
Reste une authentique découverte, le Nemorino du jeune ténor mexicain Edgar Ernesto Ramirez. Absolument le physique de l’emploi, aussi gauche qu’attachant, et un instrument léger, ductile, au médium joliment ombragé, voire ombrageux, dont l’aigu ne demande qu’à se libérer.
Comme dans Lucio Silla de Mozart, Thomas Rösner dirige avec vivacité, une belle attention aux chanteurs et une vraie conscience du style et de l'esprit propres à cette musique. Mais l’Orchestre national des Pays de la Loire joue décidément mieux – moins dispersé, plus coloré – sous d’autres baguettes. Celle de Mark Shanahan par exemple, dans l’inoubliable Falstaff mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser après lequel cet Élixir ne pouvait paraître qu’éventé.
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