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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Giulio Cesare de Haendel dans une mise en scène de Christian Schiaretti et sous la direction de Jean-Claude Malgoire à l’Atelier lyrique de Tourcoing.
À base de Jules César concentré
Près de vingt-cinq ans après l’avoir fait entrer au Palais Garnier en initiant les irréductibles de l’Orchestre de l’Opéra aux rudiments du jeu baroque, et quinze ans après son enregistrement avec la Grande Écurie, Jean-Claude Malgoire remet Giulio Cesare sur le métier à l’Atelier lyrique de Tourcoing. Avec les débuts attendus de Christophe Dumaux dans le rôle-titre.
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Théâtre municipal Raymond Devos , Tourcoing
Le 27/05/2011
Mehdi MAHDAVI
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Autant Giulio Cesare paraissait égaré sur le vaste plateau du Palais Garnier – et dans son acoustique définitivement inappropriée au répertoire baroque –, autant il peut sembler à l’étroit sur la scène du Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing. Car Christian Schiaretti fait exactement l’inverse de Laurent Pelly : là où l’un meublait, jusqu’à l’encombrement, perdant ses personnages au milieu des rayonnages de la réserve d’un musée imaginaire, entre plusieurs époques et leurs regards successifs sur l’antiquité, l’autre concentre la dramaturgie sur une vision qui pourrait être celle d’un XVIIIe siècle épuré. Et du même coup l’amplifie.
Quelques accessoires sans plus de couleur locale, des costumes d’un jaune pâle, sable, uniforme, qui identifient à peine les personnages, à l’exception d’une Cléopâtre au plissé blanc glamoureux, et une aire de jeu, losange sur fond de rideaux noirs parfois ouverts sur un ciel changeant, délimitée à cour et jardin par une rangée de fauteuils où les acteurs prennent place entre leurs interventions, comme dans le cadre d’une représentation privée.
Du théâtre, rien que du théâtre ? Le directeur du TNP de Villeurbanne va encore au-delà , peut-être, qui fige à l’avant-scène des présences chantantes chargées d’énergie palpable – variable selon les tempéraments –, noue les conflits de pouvoir dans les regards. Chaque mouvement fait dès lors figure de décharge, de fulgurance, et caractérise pleinement. Schiaretti, contrairement à Pelly, ne fait jamais un sort au da capo, forme réputée théâtralement impossible, et pourtant convainc de sa nécessité rhétorique.
Jean-Claude Malgoire en coupe quelques-uns, bien sûr, et tous ceux de Tolomeo, probablement pour ménager le vétéran Dominique Visse, qui n’en garde pas moins en réserve toute la hargne, le mordant, le second degré aussi, du frère félon de Cléopâtre. Mais le pionnier, désormais considéré avec tendresse, si ce n’est une certaine condescendance par les nouvelles générations de baroqueux à la mode, n’a pas dit son dernier mot, lui qui inculqua le maniement de l’archet courbe à quelques volontaires de l’Orchestre de l’Opéra de Paris pour l’entrée au répertoire de ce même Jules César, en 1987.
À contrecourant des extrémismes plus ou moins motivés par la pratique historiquement informée, le fondateur de la Grande Écurie et la Chambre du Roy – aux élans rustiques soutenus par des effectifs conformes à ceux de la création, grâce au renfort de onze musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Reims – imprime au discours une vigueur, une progression dramatique que l’on cherchait en vain, malgré une formation d’élite, dans la direction d’Emmanuelle Haïm au Palais Garnier, et surtout une variété de caractère qui réfute la constance de la dynamique comme du mouvement – d’aucuns diraient leur monotonie. Paradoxe en forme de leçon, à méditer assurément…
En matière de distributions, l’instinct de Malgoire s’est aussi souvent révélé juste, offrant à des jeunes chanteurs des prises de rôles audacieuses, sans pour autant les mettre inutilement en danger. Passons sur la Cornelia d’Alessandra Visentin, engluée dans une émission pesante et râpeuse, réfractaire au moindre phrasé. Attardons-nous encore moins sur Lina Markeby, dont le Sesto fougueux, juvénile sans doute, vocalise les doigts dans la prise, pour mieux louer l’opulence latine de la basse d’Ugo Guagliardo.
La Cleopatra de Sonya Yoncheva a plus que de l’allure, une autorité un rien univoque encore dans sa royauté. Car l’instrument est avant tout glorieux, facile, et s’exhibe comme tel plutôt qu’il ne développe une discipline belcantiste, une correction stylistique. Après avoir conquis les scènes les plus prestigieuses en Tolomeo, Christophe Dumaux ose à trente ans son premier Giulio Cesare. Et comme mûri déjà par la fréquentation assidue de l’ouvrage.
Surprise d’abord d’un timbre qui mue son habituel venin en cuivre, ferme, calibré, pénétrant. Un vibrato rapide parfois trouble la ligne, mais sans doute la cadence redoutablement serrée des représentations n’y est-elle pas étrangère. Quel aplomb enfin dans la colorature, guerrière ou ludique, et quelle poésie dans ce chant où fusionnent la musique et le drame. Cesare venne, e vide e vinse !
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Théâtre municipal Raymond Devos , Tourcoing Le 27/05/2011 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de Giulio Cesare de Haendel dans une mise en scène de Christian Schiaretti et sous la direction de Jean-Claude Malgoire à l’Atelier lyrique de Tourcoing. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Giulio Cesare in Egitto, opera seria en trois actes (1724)
Livret de Nicola Francesco Haym, d’après Giacomo Francesco Bussani
Ensemble vocal de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Reims
direction : Jean-Claude Malgoire
mise en scène et scénographie : Christian Schiaretti
costumes : Thibault Welchlin
Ă©clairages : RĂ©mi El Mahmoud
Avec :
Christophe Dumaux (Giulio Cesare), Sonya Yoncheva (Cleopatra), Alessandra Visentin (Cornelia), Lina Markeby (Sesto), Dominique Visse (Tolomeo), Ugo Guagliardo (Achilla), Valérie Yeng Seng (Nireno), David Witczac (Curio). | |
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