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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Première à l’Opéra de Bordeaux d’Atys de Lully dans la mise en scène de Jean-Marie Villégier et sous la direction de William Christie.
Quoi de neuf ? Atys
Stéphanie d'Oustrac (Cybèle)
En 1985, Thierry Fouquet prenait la direction artistique de la salle Favart, qui dépendait alors de l’Opéra de Paris, et fut à ce titre l’un des instigateurs de la mythique production d’Atys de Lully confiée à William Christie, Jean-Marie Villégier et Francine Lancelot. Il accueille tout naturellement sa reprise inespérée à Bordeaux, dans le cadre idéal du théâtre bâti par Victor Louis.
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Tout a été dit sur Atys. Et même pour un regard – sinon une oreille – neuf, le terrain est balisé. Par l’aura mythique de la production créée en 1986, et par le caractère fantasmatique de sa reprise, qui n’aurait pas eu lieu sans le désir d’un mécène, Ronald P. Stanton, de la revoir telle qu’en elle-même avant de mourir.
Pour les maîtres d’œuvre, William Christie, Jean-Marie Villégier et Béatrice Massin, qui assistait à la création la chorégraphe Francine Lancelot, disparue en 2003, le défi était de taille, qui plus est inédit : donner l’illusion de l’identique en ravivant la flamme pionnière du spectacle fondateur de la redécouverte de la tragédie en musique de Lully et Quinault, sans pour autant le figer dans sa légende.
C’est qu’en s’institutionnalisant, la pratique de la musique baroque sur instruments d’époque a non seulement évolué, progressé même sur certains points, mais a été victime d’une certaine systématisation. De plus, William Christie, qui a depuis exploré répertoires plus tardifs, n’est plus, comme il nous le confiait, « le même animal qu’il y a vingt-cinq ans ». Plus que l’architecture d’ensemble, c’est la sensibilité qui a changé.
Plus que l’orchestre donc, qui compte encore dans ses rangs une dizaine d’instrumentistes de la première génération des Arts Florissants, c’est le continuo, où seule demeure l’irréductible viole d’Anne-Marie Lasla, qui présente un nouveau visage, plus direct peut-être, et d’une poésie plus vive, plus constamment mouvante. Car hormis une ouverture précipitée, le mouvement, lui, reste subordonné à la danse.
Mais si le continuo se pare ainsi de couleurs différentes, c’est aussi que les chanteurs ne sont plus les mêmes – et plus encore que la pratique instrumentale, l’esthétique vocale s’est transformée. Deux exceptions cependant.
Bernard Deletré ouvre aujourd’hui comme hier le Prologue, et de manière d’autant plus symbolique qu’il y personnifie le Temps – celui-ci a semble-t-il moins passé sur son Sangar rubicond. Et Nicolas Rivenq reprend seul Célénus, qu’il partageait alors avec Jean-François Gardeil, dont le disque a conservé le témoignage. Une certaine raideur, qui peut-être lui est venue avec l’âge, sied bien à ce fils de Neptune, Roi de Phrygie, et amant malheureux de Sangaride.
Emmanuelle de Negri y est d’une fraîcheur, d’un naturel, d’une innocence galbée, qui ne peuvent qu’avoir raison du bel indifférent Atys. Son costume aura d’abord pu sembler trop large pour l’émission droite, précise d’Ed Lyon. Mais sa déclamation soignée porte le sort cruel du héros avec ferveur, grandeur même.
Et il faut tenir tête à la Cybèle de Stéphanie d’Oustrac, port de tragédienne, inflexions inflexibles tant qu’elle arbore la couronne divine, puis si évidemment, si puissamment femme, nécessairement fatale, d’argent et de moire.
Parmi les confidents, suivantes et autres silhouettes – à défaut de timbres marquants, ces demoiselles du Jardin des Voix qui fleurissent le Prologue les ont fort jolies –, quinze secondes du Dieu du Sommeil murmurées par Paul Agnew suffisent à notre envoûtement. Aura-t-il seulement cessé, durant le temps de la représentation, d’être total ?
Inutile dès lors de se demander pourquoi personne n’a osé refaire Atys, ou de s’interroger sur la rareté des œuvres de Lully sur la scène parisienne après cette résurrection. Inspirée du reflet que tendait à la Cour du Roi Soleil le miroir de Saint-Simon, la mise en scène de Jean-Marie Villégier a fait date.
Au point d’éclipser toutes les tentatives qui lui ont succédé. D’un onirisme marmoréen – l’œuvre au noir de Carlo Tommasi et Patrice Cauchetier – sans la distance glacée, faussement sulfureuse de l’Armide passée au filtre de Robert Carsen. Historiciste sans l’aridité du Thésée vu par Jean-Louis Martinoty. Et neutralisant absolument, par la mobilité, la liberté des corps, l’ironie de la mise en abyme, la prétendue authenticité du Cadmus et Hermione emplumé par Benjamin Lazar.
À l’instar d’une autre production mythique, qui jouait avec une même invention des codes, non seulement du théâtre, mais de la pensée baroque, la Calisto du regretté Herbert Wernicke, Atys est et demeure résolument moderne.
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Grand-Théâtre, Bordeaux Le 16/06/2011 Mehdi MAHDAVI |
| Première à l’Opéra de Bordeaux d’Atys de Lully dans la mise en scène de Jean-Marie Villégier et sous la direction de William Christie. | Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Atys, tragédie en musique en un prologue et cinq actes (1676)
Livret de Philippe Quinault
Danseurs de la compagnie FĂŞtes Galantes
Chœur et Orchestre des Arts Florissants
direction : William Christie
mise en scène : Jean-Marie Villégier
metteur en scène associé : Christophe Galland
décors : Carlo Tommasi
costumes : Patrice Cauchetier
chorégraphie : Francine Lancelot (†) et Béatrice Massin
Ă©clairages : Patrick MĂ©eĂĽs
Avec :
Ed Lyon (Atys), Stéphanie d’Oustrac (Cybèle), Emmanuelle de Negri (Sangaride), Nicolas Rivenq (Célénus), Marc Mauillon (Idas), Sophie Daneman (Doris), Jaël Azzaretti (Mélisse), Paul Agnew (le Sommeil), Cyril Auvity (Morphée), Bernard Deletré (le Temps/le Fleuve Sangar), Jean-Charles di Zazzo (Maître de cérémonie/Alecton), Olivier Collin (l’impresario), Élodie Fonnard (Flore/suite de Sangar), Rachel Redmond (Iris), Anna Reinhold (Melpomène) Francisco Fernández-Rueda (Zéphir/suite de Sangar), Reinoud Van Mechelen (Zéphir), Callum Thorpe (Phobétor), Benjamin Alunni (Phantase). | |
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