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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Idoménée de Mozart dans une mise en scène de Stéphane Braunschweig et sous la direction de Jérémie Rhorer au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le théâtre dans la fosse
Sophie Karthäuser (Ilia)
À la tête du Cercle de l'Harmonie, Jérémie Rohrer dirige avec toute l’énergie dramatique déjà admirée en version de concert à Beaune un Idoménée faisant l’ouverture du cycle Mozart des Champs-Élysées. Un acte théâtral fort face à la mise en scène minimaliste et contemporaine mais dans le fond assez convenue et impavide de Stéphane Braunschweig.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 17/06/2011
Claude HELLEU
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D’emblée le bonheur naît de la fosse. Devant le rideau noir, la chaleur des sonorités, la netteté souple des pupitres du Cercle de l’Harmonie saisissent l’attention. Sous la direction de Jérémie Rhorer, jeune chef à juste titre déjà célèbre, précision et subtilité règnent à l’orchestre et se mêleront aux voix pour en parachever l’expressivité.
Chanteurs éblouissants et instruments d’époque personnalisés aiment, se tourmentent, souffrent ensemble dans ce premier grand opéra d’un Mozart de 24 ans qu’ont influencé à Paris la tragédie lyrique française, à Munich les musiciens de Mannheim.
On connaît la maîtrise de l’Idoménée de Richard Croft, ce roi de Crète vainqueur de Troyens découverts enchaînés au lever de rideau sur un de ces plateaux nus chers à Stéphane Braunschweig. Ilia, jeune Troyenne prisonnière, chante une main dans la poche de son blouson de cuir ouvert sur une vilaine robe tâchée son malheur d’aimer déjà son vainqueur Idamante, fils d’Idoménée. La voix naturellement timbrée de la soprano Sophie Karthaüser donne vie à sa silhouette impersonnelle.
Arrive, lui aussi mains dans les poches, Idamante – superbe Kate Lindsay, dont le ravissant mezzo compense les gestes désordonnés – à la tête de militaires également chers au metteur en scène – blouson de cuir et longue pelisse de kapo déjà en 1996 dans Fidelio. Ému par Ilia, et le couple de leurs voix ne cessera de nous combler, il libère les Troyens. Dépose des fusils, éloge de la paix valable de tous temps.
En revanche, les interventions de Neptune et la vraisemblance dramatique s’accorderont de plus en plus mal à l’impersonnalité rigide imposée aux héros par un metteur en scène fidèle à ses conceptions minimalistes et son souci d’actualisation, entre et sur un décor de grands panneaux coulissants.
La banalisation des attitudes et de vêtements portés par les hommes et les femmes les plus mal habillés de nos jours ne réussira néanmoins pas à banaliser la représentation. Les vocalises de Richard Croft, roi que l’on croyait mort et qui débarque incognito en redingote militaire, casquette vissée sur la tête, avant de retrouver son costume noir trois pièces, sa chemise blanche et sa cravate de vendeur de grande surface à la tête d’un pays, font oublier son impassibilité figée.
L’éclat du ténor Paolo Fanale impose le rôle d’Arbace, bien qu’encombré de son corps. Seule Elettra, Alexandra Coku, voix droite et brûlante, vibre de toute sa passion jalouse et occupe le vide dans lequel le metteur en scène fait ne pas évoluer les héros, chanteurs et chœur magnifique face au public comme autrefois.
La sobriété et la perfection technique des jeux entre parois et sol accompagnent ce vide. À défaut de mettre en valeur la force des sentiments de cette partition idéalement servie, la puissance de ses effets, l’enchaînement de ses péripéties – pourquoi le peuple de Crète manifesterait-il la moindre inquiétude quand les flots grossissent, les cieux rugissent et un monstre invisible surgit des eaux ? –, si une telle mise en scène souligne ses moments de lenteur, elle laisse place à sa justesse d’expression.
Jérémie Rhorer a toute liberté pour y insuffler les émotions bouillonnantes et la poésie dont Mozart a ici le génie. Au service de la modernité du compositeur, la modernité du chef d’orchestre triomphe d’une mise en scène convenue.
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